Dans la région, la Tenaille est une vieille histoire. Celle d'une abbaye, monastère bénédictin construit en 1137 par Guillaume de Conchamps, et puis d'un château édifié au XIXe siècle. Ce beau domaine saintongeais a vécu de grandes heures avant de susciter l'intérêt d'un riche investisseur d'outre Atlantique à la fin du XXe siècle. Mais, comme les châteaux en Espagne, l'ensemble a été abandonné à son triste sort... avant d'être remarqué par un Jonzacais, Pierre Seguin, qui n'est pas resté de pierre face à cet "héritage" patrimonial. La pierre, ça tombe bien, ses carrières d'Avy en abritent une belle, blanche et unique. Est alors née l'idée d'un projet de restauration. Il s'agit d'un projet hôtelier haut de gamme de plus de 70 chambres qui donnerait à ce site une magnifique valorisation...
Projet d'extension prévu dans le parc avec un nouveau bâtiment et des chambres |
Il appartenait à un Américain qui possédait aussi le château de Saint-Simon de Bordes. Les deux sites ont été vendus en même temps. Si Saint-Simon de Bordes a été restauré, la Tenaille est restée en l’état. Il y a eu de nombreux rebondissements. Face à sa situation de délabrement, la mairie de Saint-Sigismond de Clermont a souhaité sauver le domaine. Elle a réussi à faire effectuer des travaux. C’est ainsi que l’abbaye s'est retrouvée avec une couverture de tôles bac acier alors que nous avions des tuiles qu’il suffisait de remanier. Par la suite, le propriétaire s’est enfin décidé à vendre. Nous sommes parvenus à acquérir l’ensemble au bout d'un an, après de longues négociations, au prix de 750.000 euros.
Le domaine de 50 hectares comprend le parc, le château, les chais, l’abbaye, des bois, des terres. Les bâtiments sont dans un triste état et pour sauver l'ensemble, il faut y consacrer beaucoup d'argent. En conséquence, l’investissement doit être rentable. La seule utilisation possible d'un tel lieu est un hôtel. Le chai où se trouvent les colonnes offre une salle de 600 m2, unique dans la région. Le deuxième chai fait 700 m², s’y ajoute le château. L’abbaye, quant à elle, est toujours consacrée. A l’exception de cet édifice religieux, les bâtiments se prêtent à un établissement hôtelier, au détail près que pour fonctionner, ce doit être un hôtel très haut de gamme. Vous n’allez pas faire un Formule Un à Saint-Sigismond de Clermont !
• Quel nombre de chambres est prévu ?
Le projet comprend un hôtel au-delà de 30 chambres. Le château en lui-même est trop petit pour les accueillir. On peut y aménager au maximum une douzaine de chambres de très haut standing. Nous allons donc créer une extension à l'écart du château dans la grande clairière d’une superficie de 15 hectares. Au total, il y aura environ 77 chambres. Les chais accueilleront le restaurant et l’espace balnéothérapie. L'exploitation de l'hôtel sera confiée à un professionnel. Plusieurs groupes sont intéressés et ils désirent tous un nombre important de chambres. Notre entreprise se chargera du chantier. A titre d’exemple, nous avons restauré l'hôtel de la Nauve, à Cognac. L’atout du site de la Tenaille est qu'il est proche de l’autoroute, Bordeaux, Cognac, Saintes, Royan.
• On dit que la France est en crise. L’hôtellerie haut de gamme semble tirer son épingle du jeu…
En effet, parce qu’il n'y a pas de concurrence. Si vous voulez loger une centaine de personnes dans la région pour un mariage, une réception, où l’organiser ? Il n’y a pas d’endroit. A Cognac, les chais Monnet n’ont que de petites salles de réception et pas assez de chambres. A sa réouverture, le château de Mirambeau sera trop petit également.
• Aujourd'hui, votre projet est-il ficelé ?
Oui. Les appels d’offres sont déjà en cours et nous avons eu une réunion avec la DRAC. Les choses seront faites dans les règles : l’abbaye est classée, le château et les chais sont inscrits. Nous avons fait appel à l’architecte tourangeot Loïc Richalet qui ne fait que de l’architecture classique en pierre. Il a l'habitude des belles bâtisses et ne travaille pratiquement qu'à l'étranger.
Notre démarche est particulière puisque nous sommes, au départ, propriétaires des carrières d’Avy que nous exploitons. La pierre d’Avy est exportée dans le monde entier, particulièrement en Chine. C'est une pierre dure, unique ; les Asiatiques l’utilisent pour concevoir des édifices classiques qui s’inspirent du patrimoine français, châteaux, immeubles parisiens célèbres, etc. Loïc Richalet connaît bien notre pierre pour l’employer ! Découlant de cette logique, la restauration de la Tenaille s’appuie sur un élément essentiel : la matière première se situe sur place. Nous avons donc « sous la main » toute la pierre nécessaire pour travailler. Notre objectif est de réaliser un hôtel s’inspirant des établissements chinois où tout est parfaitement étudié pour le confort du client. C’est ce genre de modèle que nous souhaitons reproduire ici, en Saintonge.
• Ce doit être une joie de travailler sur son territoire, avec sa propre carrière, un architecte que vous connaissez bien, tout en valorisant un site historique…
En effet, on va faire la démonstration que c’est possible ! Aujourd’hui, tout le monde dit « on ne peut pas le faire, ça va coûter trop cher ! ». Nous allons relever le défi. Les travaux devraient débuter en 2026 et s’étaleront sur environ trois ans. En ce qui concerne les terres, il y a une parcelle de 7 ha située à l’entrée du château. L'idée est d'y planter un vignoble pour faire des vins sortant un peu de l’ordinaire. Le reste est constitué de bois. Nous sommes en train de les nettoyer, arbres cassés en 1999 qui sont toujours là et qu'on enlève. Avec le temps, nous aurons des sous-bois très clairs, beaux et propres. Nous avons dû gérer les sangliers par l’organisation de battues. Sur le site, la nature sera privilégiée. Pas question de faire des routes partout !
• Est-ce la première fois que vous engagez un chantier aussi vaste, transmission d’un patrimoine saintongeais aux générations futures ?
Oui, il n’y a rien de comparable en France. Nous n’en ferons pas un second après ! Claude Belot, président de la CDCHS, suit attentivement le projet de la Tenaille. Dans un premier temps, il avait remarqué la restauration de la façade d’une maison réalisée par l’entreprise sur la place du Château à Jonzac...
• Pour concrétiser le projet de la Tenaille, il faut une entreprise qui tienne la route. Parlons d’elle ?
Elles sont au nombre de trois : l’Atelier de la Pierre, la Société du château et les Carrières d'Avy, soit une vingtaine de salariés au total. Nous travaillons un peu partout et comme nul n’est prophète en son pays, très peu à Jonzac. J’ai été consulté en 2024 pour l’aménagement d’une fontaine au centre du cloître des Carmes. Une proposition a été faite en 3D qui s’inspirait de la superbe fontaine située dans le sous-sol de la sous-préfecture. J’ignore où en est le dossier. Je n’ai jamais été contacté par le maire Christophe Cabri. D’une manière générale, les villes doivent s’adresser aux bons architectes pour les restaurations de leurs bâtiments. La ville de Jonzac pourrait être extrêmement belle !
Projet de fontaine conçu par l'Atelier de la Pierre pour le cloître des Carmes, s'inspirant de la fontaine de la sous-préfecture (ancien château des Sainte-Maure) |
• La Tenaille, dont le passé a été plus ou moins agité au cours des siècles, vous a-t-elle réservé des surprises, agréables ou désagréables ?
Non. De toutes les façons, on ne s'attendait à rien. Tout est à démonter et à refaire ! Mais j’ai l'habitude des vieux bâtiments…
Génial l'article et le projet de Pierre Seguin.
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