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jeudi 13 octobre 2022

Chepniers : L'histoire de l'église entièrement restaurée « un bien patrimonial que les générations passées nous ont transmis et que les générations futures se doivent d'entretenir et de sauvegarder »

Samedi dernier, étaient inaugurés par la mairie de Chepniers les importants travaux de restauration réalisés dans cet édifice datant du XIIème siècle, construit sur des structures plus anciennes. Vaisseau d'éternité, portant en lui les espérances et les croyances des générations qui se sont succédé, il est le témoignage de la volonté des hommes d'ériger des monuments à la fois témoins et porteurs de leurs engagements. De l'An mil où le pays s'est couvert d'un blanc manteau d'églises (suite à la grande peur d'une apocalypse) selon Raoul Glaber, moine clunisien et chroniqueur du roi Robert le Pieux, aux périodes templières (croisades à Jérusalem) et hospitalières ; de la Révolution française à la séparation des Eglises et de l'Etat en 1905, l'eau a coulé sous les ponts pour aboutir à la liberté des cultes assurée par la République. 

Visiteur, j'orne un chapiteau situé en haut de la chaire. Je te regarde depuis des siècles et je viens de faire l'objet d'un "rajeunissement". N'oublie pas de venir me saluer !



L'architecture intérieure de l'église (© Nicole Bertin)

L'église, quant à elle, est restée debout, voyant passer les ferveurs et les fureurs du peuple avec humilité. Il y a quelques années, la municipalité s'est aperçue qu'elle était en grave danger. Son accès y était dès lors interdit pour des raisons de sécurité. Une mobilisation a eu lieu qui a porté ses fruits. Cette véritable chaîne de solidarité a abouti à sa restauration complète, faisant intervenir sur le chantier des hommes et des femmes de talent qu'ils soient architectes, compagnons, tailleurs de pierre, artisans, restaurateurs d'art. Tous, autour des élus, ont contribué à ce que l'église de Chepniers retrouve sa beauté d'antan. Qu'ils soient remerciés (ainsi que les financiers et les donateurs) pour leur implication et ce flambeau qu'ils transmettent aux génération futures. Ad lucem (pour la lumière) ! 

• Annie Lavaud, historienne, détaille l'histoire de l'église Saint-Etienne qui entre aujourd'hui dans une nouvelle ère :

Photos Nicole Bertin

L'église, à l'issue d'une restauration réussie après sept années de projets et de travaux importants, a retrouvé son éclat d'antan à l'intérieur comme à l'extérieur. Le travail des créateurs des XIIème, XIVème, XVème et XIXème siècles a été scrupuleusement respecté avec leurs marques singulières. Je pense plus précisément aux peintures décoratives des voûtes, des murs et du chœur de l'église.

Après la vague des grandes invasions des IXème et Xème siècles, une relative sécurité encourage les hommes à construire ou à reconstruire, sur des assises anciennes, des édifices qui accueillent une population croissante. L'essor démographique fournit une main d'œuvre plus abondante d'architectes, de tailleurs de pierres, de charpentiers, de sculpteurs et d'apprentis qui se déplacent de chantier en chantier et dotent la Saintonge « d'un blanc manteau d'églises », selon la jolie formule du moine Raoul Glaber.

Au XIIème siècle, l'église Saint-Etienne est construite à l'emplacement d'un sancruaire mérovingien à proximité du « pré de la chapelle » où le Service d'archéologie départementale a découvert, à l'issue de fouilles menées en 1991 et 2017, une nécropole mérovingienne qui compte une cinquantaine de sépultures en sarcophages. De même, l'occupation antique est avérée à travers le mobilier résiduel retrouvé sous les fondations de l'église Saint-Etienne selon le rapport de Céline Trezéguet en 2017. Les fondations du contrefort nord du chevet semblent faites à partir de blocs imposants issus d'une construction très ancienne.

L'église, classée Monument historique en 1935, est dédiée à Saint-Etienne, martyr de l'église au 1er siècle et lapidé à Jérusalem. Jusqu'à la Révolution, Chepniers était le siège d'une commanderie de l'ordre des Chevaliers de Malte issus de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Une commanderie comprenait généralement l’habitation des commandeurs, un logis pour les chevaliers, une chapelle et un cimetière. La maison de Chepniers dépendait de la commanderie de Bussac, puis des Epeaux de Meursac. Des maisons templières semblables existaient aussi au Deffend près de Baignes et à Civrac à Mirambeau.

Par son chevet, à l'extérieur, l'empreinte des Templiers est bien présente dans l'architecture de l'église. Ainsi, le chevet est plat, flanqué aux extrémités de contreforts avec, au centre du chevet, trois ouvertures verticales en plein cintre formant un triplet surmonté d'une ouverture ronde et, à la partie supérieure, un fronton triangulaire.

L'église entièrement rénovée. A voir ses décors peints du XIXe siècle, d'une très grande richesse

Le travail des restaurateurs d'art
L'une des stations du chemin de croix rénové

En façade, à l'ouest, le portail du XIVème siècle est roman. Il est surmonté d’une arcature en arc brisé formant l'archivolte. Chacune des voussures est sculptée ; on y distingue des feuillages et des oiseaux pour celle qui encadre le portail et des moulures en tore pour les autres. Au-dessus, une fenêtre gothique géminée. La façade est couronnée d'un fronton triangulaire et l'ensemble est encadré de contreforts.

Quand on découvre l'édifice puissamment soutenu par des contreforts massifs sur ses quatre côtés, on est frappé par son imposante silhouette et par l'éclat ocré de la pierre. Depuis le XIlème siècle, l’édifice n'a pas connu de restauration majeure sur la structure architecturale primitive et dégage toujours autant de force.

L'église a un plan simple, elle comprend une nef surmontée d'un clocher carré aux ouvertures géminées. Aux extrémités du transept, deux chapelles, l'une dédiée à la Vierge et l'autre à Joseph. Le plafond de la nef du XVème siècle est sur croisées d'ogives. Les clefs de voûtes sont ornées de sculptures. Ainsi un agneau posant une patte sur la croix, symbolisant le sacrifice du christ.

A la croisée du transept, une ravissante coupole sur pendentifs peinte au XIXème siècle est ornée de médaillons représentant les quatre évangélistes Luc, Marc, Matthieu et Jean.

A l'intérieur, le riche décor du XIXème siècle peint à l'huile sur l'ensemble des élévations retient toute notre attention. Il a fait l'objet d'une restauration longue et soignée. Les vestiges du décor médiéval retrouvé étaient dans un état de conservation souvent mauvais. Les infiltrations et les remontées capillaires favorisant la croissance des mousses en sont responsables. Mais il y a eu peu de pertes sur les peintures du XIXème siècle malgré les nombreuses fissures, le décollement des enduits, l'estompage des motifs et les lacunes.

Les restaurateurs ont dépoussiéré, éliminé les tâches, fixé les parties du décor qui n'étaient plus adhérentes et restitué les parties de frises effacées. Et le résultat est bluffant !

La chaire à prêcher - en chêne pour les marches et contremarches et en noyer pour la balustre - a été restaurée à l'identique après un traitement à base de fongicide et d'insecticide. Les bois trop altérés ont été remplacés.

La voûte étoilée dédiée à Marie
La coupole est ornée des quatre évangélistes
Profusion d'entrelacs, de fleurs, de figures géométriques
L'autel à la Vierge

La statue de la Vierge à bras ouverts écrase un serpent croquant un fruit : « Je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents « peut-on lire dans l’Evangile selon Saint Luc. La statue est en bois recouverte d'un enduit en plâtre sur lequel a été appliqué un décor polychrome. Il a été procédé au nettoyage de la statue et au fixage des plaques décollées. Les mains ont été remises en état ainsi que la base de la statue.

La chaire et la statue de la Vierge ont été placées à leur emplacement initial en juillet 2021. Les vitraux ont été nettoyés, certains filets de bordure en plomb ont été changés. Les soudures et l'étanchéité des panneaux ont été revues. Enfin les tableaux du chemin de croix ont été restaurés.

L'église Saint-Etienne de Chepniers restaurée et assainie, dotée d'un réseau électrique entièrement refait et d'un système de chauffage moderne, est sauvée pour le XXIème siècle. Constructions pérennes, les églises étaient, dans l'Ancien Régime, des lieux réservés au culte mais pas seulement. Les assemblées de la communauté villageoise s'y tenaient très régulièrement et parfois des marchés. C'était un lieu de vie et d'espace convivial. Cette ancienne destination revient de plus en plus aujourd'hui : on vient y écouler des concerts ou voir des expositions d'artistes. C’est bien sûr là que se réunissent traditionnellement les chrétiens, que l'on vient célébrer les moments heureux à l'occasion des mariages ou des baptêmes ou plus tristement que l'on se rassemble lors des funérailles de ceux qu'on aime.

L'église est un bien patrimonial que les générations passées nous ont transmis et que les générations futures se doivent d'entretenir et de sauvegarder ».

Admirez la finesse des drapés...
Par le trou de la serrure ?
Détails des ornementations
Agneau posant une patte sur la croix
Le baptistère
L'office célébré par le père Veillon mercredi après-midi en l'église Saint-Etienne

2 commentaires:

  1. Merci pour ce magnifique reportage. On a envie de pousser la porte afin d'admirer ces rénovations. LL'histoire de ce lieu méritait d'être racontée et je vais l'enregistrer pour suivre pas a pas lors de ma visite.

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  2. Merci pour ce texte et ces images magnifiques !

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