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mardi 22 juin 2021

Restauration de l’église de Chepniers : sa particularité réside en ses étonnantes peintures murales

Parmi les édifices remarquables de la Haute-Saintonge, figure l’église de Chepniers qui a fait l’objet d’une importante restauration extérieure et intérieure, étalée sur plusieurs années. Originalité : des peintures murales couvrent l'ensemble des élévations. Remontant à la fin du XIXe siècle, elles la distinguent parmi les autres édifices du Sud du département. Scènes religieuses et motifs ont ainsi été "rajeunis". Philippe Jounet, conseiller municipal chargé du suivi du chantier, présente cette belle aventure qui a mobilisé compagnons et artistes. Les municipalités successives, conduites par Michel Louassier et Thierry Clémenceau, élu depuis 2020, peuvent être fières : elles ont relevé le défi grâce à leur détermination à sauver ce monument gravement menacé. Merci aux généreux donateurs, à la DRAC, la Sauvegarde de l’Art français, la Fondation du Patrimoine et les collectivités (Département, Région, fonds leader de la CDCHS).

Belle croisée d'ogives
Les deux anges sur l'arc triomphal
La restauration des peintures murales est bientôt terminée

Située dans le vieux bourg de Chepniers, elle en impose, cette église qui possède encore un cimetière jouxtant comme au temps d’avant. Placée sous l’invocation de Saint-Jean de Chypre, patriarche d’Alexandrie, « elle a été conçue sur un plan rectangulaire à vaisseau unique avec quatre travées ». Son style architectural, notamment sa haute stature et son chevet plat à triplet, est caractéristique des édifices construits par l’ordre de Malte en Saintonge et Aunis. Son clocher a été modifié à la fin du XIXe siècle. 

Elle a traversé le temps jusqu’à un rapport inquiétant établi en 2013 par l’Architecte des Bâtiments de France. L’édifice est en péril et des travaux d’urgence s’imposent. Un choix grave pour la municipalité. En 2014, suivant les recommandations de l’ABF, elle ouvre le processus de sauvegarde et de restauration de l’église : elle fait alors un appel à candidatures auprès de maîtres d’œuvre pour la réalisation d’un audit de l’état du bâtiment. Le cabinet Niguès est choisi pour effectuer le diagnostic complet. L’édifice n’est pas en bonne santé, ce qui inquiète ceux et celles qui voient en ce monument le témoignage des générations qui se sont succédé. En 2016, le cabinet Niguès présente son rapport au conseil municipal et à la population lors d’une grande réunion. Le budget prévisionnel atteint 1 million d’euros. Un choc pour les responsables qui se demandent comment une commune de moins de 700 habitants peut honorer une telle dépense ! 

Le "sauvetage" de l'église de Chepniers

Heureuse providence, l’Etat, la Région Nouvelle-Aquitaine, le Département et des mécènes (dont le Crédit Agricole, la Communauté de communes de Haute-Saintonge et la Sauvegarde de l’Art français) s’engagent à participer financièrement aux travaux. Une souscription sous l’égide de la Fondation du Patrimoine est lancée (118 dons de particuliers). Et le miracle se produit : le projet est financé à hauteur de 80% ! La restauration est validée par la commune en 2018 et quatre tranches sont prévues. « Début 2020, le bâtiment est consolidé et assaini, ce qui a permis de commencer les travaux à l'intérieur de l'église. Pour des raisons budgétaires, il a fallu scinder ces interventions en deux tranches, mais cela n'a pas été aussi simple qu'à l'extérieur. Nous avons du interrompre les travaux dans la nef, en l'attente du financement de la dernière tranche dans le choeur. Les travaux à l'intérieur ont enfin pu reprendre puisque financés entièrement. Le budget actuel, incluant la réfection des tableaux du chemin de croix et la prise en compte du remplacement d'un chapiteau, non prévue à l'origine, s'élève à 846 580 € HT » précise Philippe Jounet, délégué à la gestion et suivi du chantier de rénovation de l’église. 

Philippe Jounet présente le bel ouvrage « Monuments historiques de Charente-Maritime », réalisé par la DRAC Nouvelle-Aquitaine, où figure l'église de Chepniers

Sur le site de la commune, on découvre les différentes étapes de restauration. Une très bonne idée des élus que de permettre aux habitants et à tous les amoureux du patrimoine de mieux connaître ce chantier. Suivez le guide en remontant le temps !

• Juin 2018 : 

Les échafaudages sont montés. L’intérieur de l’église est entièrement dégagé pour laisser libre accès aux artisans. Le restaurateur d'art et le maçon se coordonnent afin que les fissures puissent être colmatées sans détériorer les peintures intérieures. Le charpentier fait l’inventaire détaillé des pièces de charpente à remplacer ou réparer.

• Juillet 2018 :

Le travail de consolidation des voûtes et des fissures se poursuit durant deux semaines. La tâche est importante vu l’ampleur des fissures. La sonnerie de l’Angélus va pouvoir redémarrer prochainement, une fois le mortier de chaux bien séché. Le charpentier est arrivé sur le chantier et a commencé le travail de suspente des fermes de la charpente, ce qui va permettre au maçon d’intervenir en sous-œuvre pour reprendre les murs gouttereaux, en piteux état. Il a étayé les quatre premières fermes côté sud et fixé les semelles sous les entraits ; le maçon, quant à lui, reprend en sous-œuvre les arases des murs qui vont recevoir ces semelles et les sablières à poser une fois le travail du maçon terminé.

• Mars 2019 : 

Les échafaudages sont en cours de montage autour du clocher et du chœur

Les compagnons à l'œuvre (© mairie de Chepniers)
Près de l'église, une croix monumentale

• Juin 2019 : 

Le chantier tourne presque à plein régime. Les maçons s’affairent sur la reprise des murs d’allège très endommagés. Le restaurateur d'art est sur le chantier pour permettre au maçon de colmater les fissures. Le charpentier suit le maçon, il façonne les nouvelles sablières et vient d’approvisionner les nouvelles poutres destinées à supporter le beffroi.

• Septembre 2019

Reprise effective après le 15 septembre

• Novembre 2019

Malgré de nombreuses péripéties et beaucoup de retard, fin des travaux de la deuxième tranche avec deux mois de retard.

Les derniers travaux en hauteur effectués par le maçon (et le menuisier) sont une phase soignée, consacrée tant à la pérennité du bâtiment qu’à son embellissement en rénovant certaines pièces très abîmées le plus fidèlement possible : la reconstitution de la baie du pignon est en pierre de taille en lieu et place du béton ; pose d’un volet pour obstruer cette baie ; changement de quelques colonnettes sur la face nord du clocher, les anciennes, très usées, datant du XIIème siècle ; suppression de l’arbre (un tremble selon les spécialistes) qui poussait sur une pierre du clocher, côté nord, et remplacement de la pierre endommagée ; consolidation de la croix située au faîtage du pignon est ; pose de solins en plomb sur les glacis du clocher ; plein d’autres actions moins spectaculaires mais tout autant nécessaires dont la pose de filets déperlants et changement des fixations des abat-sons à l’intérieur du clocher.

Une fois l’échafaudage retiré, le maçon réalise le drainage extérieur de l’église, sous le contrôle des services départementaux d’archéologie car il y a un grand nombre de sarcophages au pied du bâtiment !

• Mars/Avril 2020

Les travaux de la troisième phase ont commencé. Le maçon a monté un échafaudage dans la nef pour permettre au restaurateur d’art de travailler en toute sécurité et au plus près des peintures murales en commençant par les zones les plus hautes, à savoir les voûtes et les voutains.

Echafaudages...

• Dès le 20 avril, à sa demande, le restaurateur d'art peut redémarrer le chantier, après avoir validé les mesures sanitaires à mettre en place avec le bureau de contrôle et le maître d’œuvre.

Avec le déconfinement, les autres entreprises veulent revenir. Une réunion de chantier avec le contrôleur SPS est fixée le 18 mai. 

Le restaurateur d’art a repris son travail et avance assez vite aux côtés de quatre jeunes artistes qui aiment leur travail et donnent « l’impression de "bichonner" les peintures murales ». Leur travail peut se décomposer en trois phases : La refixation des écailles et des déplaquages ; les rustines de rebouchement et la retension des fonds dans les zones altérées ; la réintégration des surfaces picturales le nécessitant.

• Juillet 2020

L’ensemble des travaux extérieurs est réceptionné par l’architecte. Le bâtiment est consolidé, assaini et drainé correctement.

Voici notre église Saint-Etienne sauvée du péril qui la menaçait

A l’intérieur, dans la nef, les artistes s’activent depuis de nombreuses semaines. Ils viennent de terminer le travail en hauteur sur les voûtes, les clés de voûtes et les murs périphériques dont l’arc triomphal où se trouvent deux anges. L’échafaudage intérieur vient d’être démonté.

• Janvier 2021

Surprise importante avec la nécessité de remplacer un chapiteau très endommagé et un retard dans l’octroi de certaines subventions essentielles au bon déroulement du chantier. Les travaux supplémentaires sont effectués avec l’aide de la DRAC et du Département qui accompagnent la commune financièrement. La quatrième et dernière tranche du chantier est lancée.

Le remplacement du chapiteau défectueux est très spectaculaire car il nécessite la pose d’un échafaudage impressionnant à l’intérieur de l’église pour soutenir la voûte.

Depuis des semaines, les autres travaux intérieurs (maçonnerie, restauration des peintures et refonte totale du réseau d’électricité) étaient suspendus au lancement de la dernière tranche. Maintenant, les entreprises travaillent de façon cohérente dans l’ensemble du bâtiment, de la nef au chœur en passant par le faux carré et la sacristie.

Actuellement, à l’intérieur de l’église, les échafaudages occupent toute la place. C'est l’occasion de voir de très près, comme jamais, les peintures de la coupole et du chœur !

• Avril/Mai 2021

Le remplacement du chapiteau défectueux a produit un effet spectaculaire ! Pour l’essentiel, ce travail a été effectué par un seul homme, simplement aidé par un compagnon lors des déplacements et mise en place des deux pierres, chapiteau et tailloir. 200 kg pour la petite et 400 kg pour la grande ! Le sculpteur a reconstitué les décorations florales qui ornaient l’ancien chapiteau. 

Chapiteau remplacé

Les restaurateurs d’art sont à nouveau à l’œuvre dans le faux carré et sous la coupole, endroit le plus délicat en décors peints. Selon la coutume, un parchemin qui relate le suivi des travaux, mentionne les intervenants avec des anecdotes et l’inscription des « tâcherons » des différents compagnons, est placé dans une bouteille (de vin de Bordeaux !), puis glissé et scellé dans un contrefort de l’église. Dans plusieurs siècles, lorsque d’autres maçons interviendront à leur tour pour restaurer l’édifice, ils découvriront l’histoire de cette belle restauration !

Un parchemin a été glissée dans cette bouteille scellée dans un contrefort
(© mairie de Chepniers) 
Elle se trouve à cet emplacement
L'escalier qui monte au clocher

• Juin 2021 : 

L'ensemble du chantier sera terminé fin juillet « si tout va bien ». En septembre/octobre, la mairie réfléchit à une manifestation qui saluera cette restauration. L’occasion de remercier tous les intervenants, mécènes, administrations, collectivités publiques et population en les réunissant autour du verre de l’amitié. Huit ans auront été nécessaires après le rapport inquiétant de l'architecte des Bâtiments de France... 

L'info en plus

• L’église est située près d’une nécropole mérovingienne (VIe et VIIe siècles) et de récents sondages archéologiques, au pied de l’église, ont mis en évidence la présence de nombreux sarcophages.

• L’église Saint-Etienne appartenait au Grand Prieuré d’Aquitaine du XVIe à la fin du XVIIIe siècle, rattachée à la commanderie des Epeaux de Meursac qui dépendait des Hospitaliers, après la chute de l’Ordre templier détruit par Philippe le Bel au XIVe siècle. Elle a été inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en mars 1935. 

• Peintures murales : 

En 1814, douze croix de consécration, dix grecques et deux de Malte peintes en couleur rouge sur fond azur étaient encore visibles dans l’église. Ce décor a disparu lors de la grande campagne de peintures murales réalisée à la fin du XIXe siècle (entre 1870 et 1895) par des peintres bordelais renommés, atelier Augier et Millet. 

Les peintures murales ont retrouvé toute leur fraîcheur !

Au sommet de la porte d'entrée, une ornementation antérieure aux peintures murales
effectuées au XIXe siècle

• Un bel ouvrage « Monuments historiques de Charente-Maritime »

Réalisé par la DRAC Nouvelle-Aquitaine et paru aux éditions Hervé Chopin, il est disponible à la mairie de Chepniers (prix 28,50 euros dont une partie est reversée pour la restauration de l’église). L’église Saint-Etienne figure parmi les monuments (page 32). Sur 240 pages richement illustrées et documentées, ce livre met en évidence 90 trésors de notre patrimoine. 

• SOUSCRIPTION POUR LA RESTAURATION DE L’EGLISE

Sous l’égide de la Fondation du Patrimoine et avec le soutien de l’Association Loisirs et Culture de Chepniers, la commune de Chepniers a lancé une souscription publique auprès de tous ceux, habitants, entreprises, artisans et commerçants et amis de Chepniers qui souhaitent participer à la sauvegarde de ce patrimoine de grande qualité.

Pour plus d’informations, suivre le lien suivant :

https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/eglise-de-chepniers

Chevet plat à triplet
L'originalité de l'église de Chepniers réside en ses peintures murales qui couvrent l'ensemble des élévations intérieures. Remontant à la fin du XIXe siècle, elles la distinguent
parmi les autres édifices du Sud de la Charente-Maritime

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