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lundi 6 juillet 2020

Saintes : Plaidoyer pour un petit morceau de pierre...

Dans la libre expression qui suit, Cécile Trébuchet, guide conférencière et présidente de l'association Médiactions attire l'attention des responsables saintais sur l'état actuel des monuments emblématiques de la ville, qui constituent notre histoire patrimoniale... 


« 5 juillet 2020. Bien qu’il soit encore très important d’appliquer les consignes de sécurité face au covid-19, nous espérons tous que la proposition d’un tourisme d’intérieur intéresse grand nombre de françaises et français, partant à la découverte des patrimoines nationaux.
Cette reprise touristique est une priorité, tant pour les spécialistes des patrimoines que pour les « acteurs » du tourisme, c’est-à-dire les restaurants, les cafés, l’hôtellerie et les commerces de proximité. Je parle « d’acteurs » et non de professionnels du tourisme car la nuance est importante. Les corps de métier qui vivent de l’économie du tourisme sont des « Acteurs du tourisme » tandis que les spécialistes qui travaillent à l’élaboration et l’application des Schéma Régionaux de Développement du Tourisme et des Loisirs sont les « Professionnels du tourisme ». Et je dis bravo à tous ces acteurs qui ont dernièrement élaboré une vidéo promotionnelle de Saintes. Quelle belle initiative ! Je reste néanmoins persuadée que la promotion de notre cité devrait être initiée et financée par les collectivités territoriales, tandis que les acteurs du tourisme qui ont tant souffert du covid-19, ont plus que jamais besoin d’être soutenus. Ils ont, nous avons tous, besoin de la réalisation d’une véritable campagne promotionnelle offensive à l’échelle nationale pour faire parler de Saintes. Nous avons besoin de l’application d’un véritable projet de développement territorial pour une économie touristique.

Question d’images !

Si la priorité reste donc et encore la protection des habitants d’un point de vue sanitaire, faut-il que nos monuments en subissent quelque conséquence ? Il y va tout d’abord de leur préservation face à un afflux touristique mais aussi de l’image que l’on propose de notre ville. En jargon touristique, on parlera « d’image voulue » et « d’image reçue » et quand celles-ci sont aussi antinomiques que le jour et la nuit, le niveau d’alerte est déjà depuis longtemps largement dépassé.
L’image de notre ville est aujourd’hui catastrophique. Et mon regard se tourne vers tous les élus qui étaient concernés par l’état général de notre cité et de nos monuments, mais qui n’ont rien fait, tous obsédés par leurs projets pharaoniques. On a dépensé sans compter pour de la communication à gogo, des panneaux géants sur les monuments, des publications à jeter désormais...

Et la réalité ?

La réalité, c’est l’image misérable de l’amphithéâtre dont les espaces naturels ne sont pas du tout entretenus même au minimum. Je n’ose même parler des toilettes ! La réalité : ce sont des thermes jamais nettoyés et pour lesquels personne, aucun élu, n’a proposé un renouvellement de grillages rehaussés et des heures d’ouverture comme tout espace municipal permettant de limiter les squats et les canettes.
La réalité, c’est qu’il n’est aucune proposition de visite-conférence architecturale à l’Abbaye aux Dames et au Prieuré Saint-Eutrope, même en pleine saison, puisque rien n’est fait pour distinguer l’autocariste du tourisme familial.
La réalité, c’est que des monuments sont en train de pourrir et qu’il m’est même impossible de les lister si je veux garder votre attention jusqu’au bout de ma rédaction.
Le plus grand des constats, c’est que l’on pense toujours à ce que l’on peut faire de gigantesque pour marquer son temps, en oubliant cruellement que le fondamental est de soigner avant tout les monuments en souffrance. On ne peut pourtant vendre un tourisme de qualité sur des plaies et j'inclus à ce propos la cathédrale Saint-Pierre de Saintes et sa pauvre coupole.
Ce matin, j’ai accompagné des visiteurs venus de Lyon pour découvrir notre extraordinaire prieuré Saint-Eutrope. Lui aussi est en grand danger se noyant dans la noirceur, l’humidité mais aussi l’absence d’outils de compréhension pour le visiteur lambda.
Nous sommes heureux qu’il y ait actuellement un Programme collectif de Recherches prévoyant son sauvetage patrimonial avec l’intervention d’éminents médiévistes et archéologues.
Mais croyez-vous que dans le cadre d’une préparation de saison, les guides-conférenciers que nous sommes ne pourraient pas recevoir un flash d’actualité, bilan de fouilles et descriptif de projets pour que mieux en parler aux touristes et visiteurs ? En termes de partage, la porte de l’hôtel de ville ne s’est jamais entrebâillée pendant 6 ans.
Ce matin, au Prieuré Saint-Eutrope, gisait lamentablement au sol des fragments de la fontaine aux ablutions, mobilier religieux du XIIème siècle installé dans le transept sud de l’église basse.
Je les ai bien sûr récupérés et mis à l’abri. Je les remettrai officiellement à la Société d’Archéologie et d’Histoire de la Charente-Maritime dont je suis membre en ce début de semaine.
Ce n’est qu’un bout de pierre, diraient peut-être certains... Mais c’est un bout de notre histoire qui ne supporte plus l’indifférence des décideurs.
En attendant que les « très gros projets » puissent être validés, j’invite ainsi tous les nouveaux élus en qui je pose toute ma confiance, à visiter nos monuments et quartiers un par un, pour comprendre, regarder tous les détails qui font la beauté et l’élégance d’une ville.
Un trottoir, un grillage, je sais que tout cela n’est rien face à la grandeur des projets patrimoniaux. Mais il y va de l’image de la ville et de la quiétude des habitants. Soignons l’urgence du détail avant d’entamer le gigantesque afin que nos monuments ne puissent s’effondrer un jour sous le poids des faux semblants ».

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