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vendredi 17 avril 2020

Académie nationale de médecine : « Si l’idée de déconfiner les seniors en dernier repose sur le souhait de les protéger, elle tend à en faire des citoyens de second rang »

Communiqué de l’Académie nationale de médecine
Sortie de l’épidémie de Covid-19 : Pour une méthodologie de déconfinement respectueuse de l’Humain


« L’Académie a déjà attiré l’attention sur la nécessité d’un certain nombre d’ajustements pour la mise en œuvre des mesures de confinement dans les établissements spécialisés accueillant des personnes âgées le plus souvent dépendantes. Les contraintes liées au Covid-19 sont source d’isolement pour ces personnes, d’éloignement pour leurs familles, et de contraintes morales pour les personnels de santé attachés à leur procurer une qualité de vie satisfaisante. Les souffrances morales induites ne doivent pas être sous-estimées.

Le retour à une certaine normalité est donc attendu avec une particulière impatience par ces aînés. Mais compte tenu de la somme d’incertitudes qui subsistent quant à l’évolution de l’épidémie dans la population, il est difficile d’anticiper la sortie de crise et la mise en œuvre du déconfinement s’avère très délicate. La tentation simplificatrice consistant à gérer cet épisode par tranches d’âge (hypothèse déjà écartée par l’Académie[1]) et à imposer aux personnes âgées, au nom de leur propre protection, de rester confinées n’est pas satisfaisante.

Très préoccupée par le retentissement d’une telle stratégie dans l’opinion et son amplification par les réseaux sociaux jusqu’à l’Union européenne, l’Académie nationale de médecine souhaite rappeler quelques principes élémentaires d’humanisme :

– L’amalgame entre personnes âgées, personnes en situation de handicap et personnes affectées par des maladies chroniques, compréhensible pour un statisticien, peut être très mal vécu par les personnes humaines ainsi cataloguées.

– Toute catégorisation impose des limites précises et génère des effets de seuil. Quel âge limite ? Quelles maladies chroniques ? Quel degré de sévérité ? Quels handicaps ? Comment évaluer le risque encouru individuellement face à l’infinie diversité des situations cliniques particulières.

– Il existe une confusion latente entre la population globale des seniors et celle des EHPAD, composée de personnes affligées de divers degrés de dépendance et soumises à des contraintes spécifiques. Des personnes âgées vivant à domicile sont aussi partiellement dépendantes d’aides médicales et matérielles. Mais il existe aussi toute une population de seniors en bonne santé, actifs, et utiles, qui contribuent non seulement à l’économie, au bénévolat associatif, mais aussi à l’activité de leurs descendants en assurant des gardes de petits enfants. Si ces grands parents sont assignés à résidence, ils feront défaut lors de la reprise d’activité des parents.

– Si l’idée de déconfiner les seniors en dernier repose sur le souhait de les protéger, elle tend à en faire des citoyens de second rang. La perspective d’un confinement au terme non défini puisque tributaire de la disponibilité de tests, de traitements validés, et idéalement d’un vaccin, est de nature à induire une souffrance et une désespérance dont on mesure mal l’impact, au-delà de ses conséquences physiopathologiques.

– Vaut-il mieux prendre un risque contrôlé en respectant les gestes barrière pour vivre avec les autres, ou s’étioler dans une solitude sans espoir ? Un tel choix appartient à chacun ; il faut respecter ce qu’il est convenu d’appeler le consentement du patient en rappelant que vieillir en santé « c’est garder ses capacités pour continuer à faire ce qui est important pour chacun d’entre nous »[2].

Afin que la sortie du confinement se réalise dans les meilleures conditions et qu’elle bénéficie de l’adhésion des populations impliquées, l’Académie nationale de Médecine recommande de respecter les principes suivants :

• Inciter la population générale à la solidarité intergénérationnelle en continuant à appliquer en tous lieux et en tous temps les règles d’hygiène et les mesures barrière, incluant le port d’un masque grand public, qui contribueront à créer pour les personnes fragiles un environnement favorable ou à moindre risque ;
• Considérer toutes les personnes présentant une fragilité de quelque nature que ce soit (âge, handicap, maladies chroniques) comme des personnes responsables et utiles à la société, et ne leur proposer que des recommandations, à l’exclusion de toute réglementation contraignante et arbitraire ;
• Respecter dans tous les cas la décision du patient, issue du colloque singulier qu’il entretient avec son médecin ».

[1] Académie nationale de Médecine, Communiqué du 5 avril 2020 sur « Covid 19 : sortie du confinement ».
[2] OMS, programme ICOPE, (Bull World Health Organ 2017;95:756–763)

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