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jeudi 26 décembre 2019

Rétrospective 2019 : en juin, Jonzac mondialement connue grâce à l’homme de Néandertal !

Quand le climat de la Haute-Saintonge ressemblait à la Norvège…

Des animaux que Néandertal a croisés
William Rendu, chercheur au CNRS, ses collègues de l’Académie des Sciences de Russie, des Universités de Bordeaux et Novosibirsk viennent de conduire un chantier de fouilles sur le site de chez Pinaud situé à la sortie de Jonzac, non loin du centre des congrès. Récemment, au Temple de Jonzac, William Rendu a présenté un premier bilan de la fouille 2019 axée sur ce gisement préhistorique connu pour la grande quantité de rennes abattus et exploités par les Néandertaliens il y a 70.000 ans. Jonzac (qui ne portait pas encore ce nom !) était le lieu où les hommes se regroupaient chaque hiver pour débiter et préparer leur chasse (rennes, chevaux, bisons) avant d’en exporter les principaux morceaux vers d’autres sites. 

Décidément, l’histoire de Jonzac abrite plus d’un secret ! Voilà qu’un passé lointain ressurgit, lui offrant une renommée internationale avec le site néandertalien de chez Pinaud. Parmi nos ancêtres, Neandertal est l’une des nombreuses branches du bouquet humain. Arrivé il y a plus de 200.000 ans en Europe, il s’est incliné devant les hommes modernes, Sapiens, voici 30.000 ans. Disparu ? Pas tout à fait ! Dans notre génome, il nous a légués environ 3% d’ADN.


En quoi le site de chez Pinaud est-il exceptionnel ? 
Une patte de lion des cavernes découverte en 2002

Le site préhistorique de chez Pinaud a été repéré par un ingénieur du BRGM dans les années 1980. Comprenant des couches du Paléolithique moyen et supérieur, il a fait l’objet de plusieurs chantiers conduits par Jacques Jaubert, professeur à l’Université de Bordeaux et responsable de l’unité de recherches Pasea, et Jean-Jacques Hublin, directeur du département de l’évolution humaine au Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology de Leipzig. Jean Airvaux s’y est également intéressé.
Dernièrement, une équipe conduite par des chercheurs français et russes, William Rendu, Svetlana Shnaider (université de Novossibirsk), Kseniya Kolobova (Académie des Sciences de Russie) et des étudiants a poursuivi les recherches : « nous avions peur de manquer de fouilleurs. Après un message sur Twitter, nous avons reçu quarante demandes en quatre heures, preuve que le site de chez Pinaud est mondialement connu » souligne William Rendu. Et pour cause, la concentration d’ossements de rennes en fait « un gisement remarquable ».

La fouille de chez Pinaud conduite par William Rendu
La présentation du bilan de la fouille 2019 avait attiré un large public. Une occasion, grâce à cet éminent chercheur, de nous familiariser avec Neandertal dont nous sommes « un peu » les héritiers. Comment étaient-ils ? Ils mesuraient 1,65 m environ, possédaient un squelette extrêmement robuste avec des os épais, des insertions musculaires marquées. Leurs membres étaient relativement courts avec de fortes articulations. Leur cage thoracique était très large. Ils étaient présents de Gibraltar jusqu’aux contreforts de l’Altaï russe. Les Néandertaliens n'ont jamais été plus de 50.000 à vivre en même temps sur l’Eurasie (Europe et Asie, s’étendant de l'Atlantique à la Mongolie et la Sibérie). Ces chasseurs cueilleurs ne souffraient donc pas de promiscuité et devaient se déplacer sur des distances assez importantes.

Le sol tel que l'ont laissé les Néandertaliens jonché d'ossements de rennes et de bisons
Dans quel milieu vivaient-ils ? Quelle était la faune ? Des herbivores, cervidés, gazelles, daims, chevaux, rennes, bisons, bouquetins. Des carnivores également avec les ours et les lions des cavernes. A titre d’exemple, on a trouvé en 2002, sur le site de chez Pinaud, les ossements d’une patte de lion qui présentait des traces de couteau. Car Néandertal façonnait des outils tranchants qu'on a baptisés « les couteaux suisses de l’époque ». Ces hommes avaient appris à s’organiser en inventant des procédés dans un contexte où ils étaient largement exposés aux dangers extérieurs.

Un nombreux public réuni au Temple pour assister à la conférence de William Rendu

L’homme moderne arrive en Europe vers 40.000 avant J.C. et croise forcément Neandertal, d’où un métissage. Longtemps, on a cru que Neandertal était une brute épaisse. Cette image a été revue : ils enterraient leurs morts et avaient une recherche esthétique. « Ils n’étaient pas si différents » estime William Rendu. D’ailleurs, compte-tenu de leurs éloignements, les groupes néandertaliens possédaient leurs propres caractéristiques. Toutefois, ne sont parvenus jusqu’à nous que les éléments se conservant comme les silex, les os, les dents, les bois de cervidés. Les habitations ont disparu, de même que les pieux et autres éléments dégradables dont les ornements (plumes, etc).

Le Sud-Ouest un paradis ! 
Puis le climat devient celui l’actuelle Norvège

Bienvenue dans un refroidissement climatique !
Pour nos ancêtres, l’actuelle Haute-Saintonge est un formidable garde-manger. Nombreuse, la faune y attire forcément les hommes dont la préoccupation principale est la survie, donc la nourriture. Il y a là moult troupeaux de bisons, chevaux et rennes.
Malheureusement, vers 70.000 ans avant J.C, un coup de froid frappe la planète et divise par cinq le nombre de proies. Il réduit également les ressource végétales. Néandertal subit de plein fouet ce refroidissement climatique et désormais, il doit suivre les rennes migrateurs. Le climat est alors celui de la Norvège.
A Jonzac, les hommes grelottent et doivent s’adapter sous peine de disparaître. Ils développent de nouveaux procédés et mettent au point ce qu’on pourrait appeler « la première économie ». Ils apprennent à se répartir les tâches comme le montre la fouille de chez Pinaud. Les uns chassent et rapportent le gibier, les autres débitent et préparent la viande, constituent des réserves et exportent certains morceaux. Parmi leurs outils, figure le fameux silex grain de mil qu’on a retrouvé jusqu’en Corrèze.

La chasse des rennes par les Néandertaliens
Les « sociétés de transport » s’organisent : les hommes effectuent plusieurs centaines de kilomètres à pied pour acheminer viande et silex en d’autres lieux. Chez Pinaud est un grand centre de débitage de rennes, de l’ordre de plusieurs milliers, d’où un amoncellement que les chercheurs ont mis au jour. « Il s’agit d’un vaste lieu de découpage. Ils ont du inventer l’idée de stockage. En tout cas, ils préparent les morceaux de carcasses pour les périodes de disette » explique William Rendu. Chez Pinaud n’est occupé qu’à certains moments de l’année et ne sert qu’à la même activité. Ce n’est pas un lieu d’habitation (peut-être est-elle en face, dans les grottes d’Heurtebise ?). Le site a été utilisé par plusieurs dizaines de générations de Néandertaliens, d’où une transmission du savoir. « Chez Pinaud était une sorte de boucherie, d’usine Charal » plaisante William Rendu.

Si les paléontologues ont trouvé une dent (dans le passé), aucun ossement humain n’a été découvert à Jonzac, contrairement à Saint-Césaire où la célèbre Pierrette a fait beaucoup parler d’elle. Les équipes actuelles recherchent de l’ADN dans le sol, les sédiments (sueur, urine) :  « cet endroit, destiné à l’abattage, a perduré durant des lustres et il est intact. Il s’agit du le sol que les Néandertaliens ont laissé. C’est exceptionnel. Une cage thoracique de bison en entier, ça n’existe qu’ici !  ». Tout sédiment récupéré est tamisé.

Les fouilles de chez Pinaud
Les fouilleurs ont encore de belles perspectives devant eux. Les travaux scientifiques vont se poursuivre (avec études en laboratoire) ainsi qu’un partenariat accentué avec la création d’un chantier école réunissant des étudiants français et russes. Par ailleurs, les nouveaux procédés offrent des pistes intéressantes. La modélisation du gisement en 3D est l’une des opportunités dont le public pourra profiter sur internet.
En juin prochain, Discovery Channel, la célèbre chaîne de télévision américaine, consacrera un reportage à Jonzac ainsi qu’à Saint-Césaire (près de Saintes). C’est là que pour la première fois, des ossements de Néandertaliens (la fameuse Pierrette !) ont été localisés dans des couches de terrains modernes, preuve que Sapiens et Neandertal ont cohabité alors qu’on pensait qu’ils s’étaient succédé. Sur la disparition des Néandertaliens, les avis divergent. En toute évidence, l’homme moderne s’est imposé sur ses prédécesseurs au fil du temps…



• Le site de chez Pinaud comprend 24 niveaux, les plus bas étant les plus anciens. La base correspond aux Néandertaliens chasseurs de rennes. La carrière appartient à Bernard Cellou et la CDCHS.

Le site de chez Pinaud va recevoir la visite de la chaîne américaine Discovery Channel
Une fouille franco-russe
Quand le climat de la Haute-Saintonge ressemblait à la Norvège…
Des animaux que Néandertal a croisés
William Rendu, chercheur au CNRS, ses collègues de l’Académie des Sciences de Russie, des Universités de Bordeaux et Novosibirsk viennent de conduire un chantier de fouilles sur le site de chez Pinaud situé à la sortie de Jonzac, non loin du centre des congrès. Récemment, au Temple de Jonzac, William Rendu a présenté un premier bilan de la fouille 2019 axée sur ce gisement préhistorique connu pour la grande quantité de rennes abattus et exploités par les Néandertaliens il y a 70.000 ans. Jonzac (qui ne portait pas encore ce nom !) était le lieu où les hommes se regroupaient chaque hiver pour débiter et préparer leur chasse (rennes, chevaux, bisons) avant d’en exporter les principaux morceaux vers d’autres sites. 

Décidément, l’histoire de Jonzac abrite plus d’un secret ! Voilà qu’un passé lointain ressurgit, lui offrant une renommée internationale avec le site néandertalien de chez Pinaud. Parmi nos ancêtres, Neandertal est l’une des nombreuses branches du bouquet humain. Arrivé il y a plus de 200.000 ans en Europe, il s’est incliné devant les hommes modernes, Sapiens, voici 30.000 ans. Disparu ? Pas tout à fait ! Dans notre génome, il nous a légués environ 3% d’ADN.


En quoi le site de chez Pinaud est-il exceptionnel ? 
Une patte de lion des cavernes découverte en 2002

Le site préhistorique de chez Pinaud a été repéré par un ingénieur du BRGM dans les années 1980. Comprenant des couches du Paléolithique moyen et supérieur, il a fait l’objet de plusieurs chantiers conduits par Jacques Jaubert, professeur à l’Université de Bordeaux et responsable de l’unité de recherches Pasea, et Jean-Jacques Hublin, directeur du département de l’évolution humaine au Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology de Leipzig. Jean Airvaux s’y est également intéressé.
Dernièrement, une équipe conduite par des chercheurs français et russes, William Rendu, Svetlana Shnaider (université de Novossibirsk), Kseniya Kolobova (Académie des Sciences de Russie) et des étudiants a poursuivi les recherches : « nous avions peur de manquer de fouilleurs. Après un message sur Twitter, nous avons reçu quarante demandes en quatre heures, preuve que le site de chez Pinaud est mondialement connu » souligne William Rendu. Et pour cause, la concentration d’ossements de rennes en fait « un gisement remarquable ».

La fouille de chez Pinaud conduite par William Rendu
La présentation du bilan de la fouille 2019 avait attiré un large public. Une occasion, grâce à cet éminent chercheur, de nous familiariser avec Neandertal dont nous sommes « un peu » les héritiers. Comment étaient-ils ? Ils mesuraient 1,65 m environ, possédaient un squelette extrêmement robuste avec des os épais, des insertions musculaires marquées. Leurs membres étaient relativement courts avec de fortes articulations. Leur cage thoracique était très large. Ils étaient présents de Gibraltar jusqu’aux contreforts de l’Altaï russe. Les Néandertaliens n'ont jamais été plus de 50.000 à vivre en même temps sur l’Eurasie (Europe et Asie, s’étendant de l'Atlantique à la Mongolie et la Sibérie). Ces chasseurs cueilleurs ne souffraient donc pas de promiscuité et devaient se déplacer sur des distances assez importantes.

Le sol tel que l'ont laissé les Néandertaliens jonché d'ossements de rennes et de bisons
Dans quel milieu vivaient-ils ? Quelle était la faune ? Des herbivores, cervidés, gazelles, daims, chevaux, rennes, bisons, bouquetins. Des carnivores également avec les ours et les lions des cavernes. A titre d’exemple, on a trouvé en 2002, sur le site de chez Pinaud, les ossements d’une patte de lion qui présentait des traces de couteau. Car Néandertal façonnait des outils tranchants qu'on a baptisés « les couteaux suisses de l’époque ». Ces hommes avaient appris à s’organiser en inventant des procédés dans un contexte où ils étaient largement exposés aux dangers extérieurs.

Un nombreux public réuni au Temple pour assister à la conférence de William Rendu

L’homme moderne arrive en Europe vers 40.000 avant J.C. et croise forcément Neandertal, d’où un métissage. Longtemps, on a cru que Neandertal était une brute épaisse. Cette image a été revue : ils enterraient leurs morts et avaient une recherche esthétique. « Ils n’étaient pas si différents » estime William Rendu. D’ailleurs, compte-tenu de leurs éloignements, les groupes néandertaliens possédaient leurs propres caractéristiques. Toutefois, ne sont parvenus jusqu’à nous que les éléments se conservant comme les silex, les os, les dents, les bois de cervidés. Les habitations ont disparu, de même que les pieux et autres éléments dégradables dont les ornements (plumes, etc).

Le Sud-Ouest un paradis ! 
Puis le climat devient celui l’actuelle Norvège

Bienvenue dans un refroidissement climatique !
Pour nos ancêtres, l’actuelle Haute-Saintonge est un formidable garde-manger. Nombreuse, la faune y attire forcément les hommes dont la préoccupation principale est la survie, donc la nourriture. Il y a là moult troupeaux de bisons, chevaux et rennes.
Malheureusement, vers 70.000 ans avant J.C, un coup de froid frappe la planète et divise par cinq le nombre de proies. Il réduit également les ressource végétales. Néandertal subit de plein fouet ce refroidissement climatique et désormais, il doit suivre les rennes migrateurs. Le climat est alors celui de la Norvège.
A Jonzac, les hommes grelottent et doivent s’adapter sous peine de disparaître. Ils développent de nouveaux procédés et mettent au point ce qu’on pourrait appeler « la première économie ». Ils apprennent à se répartir les tâches comme le montre la fouille de chez Pinaud. Les uns chassent et rapportent le gibier, les autres débitent et préparent la viande, constituent des réserves et exportent certains morceaux. Parmi leurs outils, figure le fameux silex grain de mil qu’on a retrouvé jusqu’en Corrèze.

La chasse des rennes par les Néandertaliens
Les « sociétés de transport » s’organisent : les hommes effectuent plusieurs centaines de kilomètres à pied pour acheminer viande et silex en d’autres lieux. Chez Pinaud est un grand centre de débitage de rennes, de l’ordre de plusieurs milliers, d’où un amoncellement que les chercheurs ont mis au jour. « Il s’agit d’un vaste lieu de découpage. Ils ont du inventer l’idée de stockage. En tout cas, ils préparent les morceaux de carcasses pour les périodes de disette » explique William Rendu. Chez Pinaud n’est occupé qu’à certains moments de l’année et ne sert qu’à la même activité. Ce n’est pas un lieu d’habitation (peut-être est-elle en face, dans les grottes d’Heurtebise ?). Le site a été utilisé par plusieurs dizaines de générations de Néandertaliens, d’où une transmission du savoir. « Chez Pinaud était une sorte de boucherie, d’usine Charal » plaisante William Rendu.

Si les paléontologues ont trouvé une dent (dans le passé), aucun ossement humain n’a été découvert à Jonzac, contrairement à Saint-Césaire où la célèbre Pierrette a fait beaucoup parler d’elle. Les équipes actuelles recherchent de l’ADN dans le sol, les sédiments (sueur, urine) :  « cet endroit, destiné à l’abattage, a perduré durant des lustres et il est intact. Il s’agit du le sol que les Néandertaliens ont laissé. C’est exceptionnel. Une cage thoracique de bison en entier, ça n’existe qu’ici !  ». Tout sédiment récupéré est tamisé.

Les fouilles de chez Pinaud
Les fouilleurs ont encore de belles perspectives devant eux. Les travaux scientifiques vont se poursuivre (avec études en laboratoire) ainsi qu’un partenariat accentué avec la création d’un chantier école réunissant des étudiants français et russes. Par ailleurs, les nouveaux procédés offrent des pistes intéressantes. La modélisation du gisement en 3D est l’une des opportunités dont le public pourra profiter sur internet.
En juin prochain, Discovery Channel, la célèbre chaîne de télévision américaine, consacrera un reportage à Jonzac ainsi qu’à Saint-Césaire (près de Saintes). C’est là que pour la première fois, des ossements de Néandertaliens (la fameuse Pierrette !) ont été localisés dans des couches de terrains modernes, preuve que Sapiens et Neandertal ont cohabité alors qu’on pensait qu’ils s’étaient succédé. Sur la disparition des Néandertaliens, les avis divergent. En toute évidence, l’homme moderne s’est imposé sur ses prédécesseurs au fil du temps…



• Le site de chez Pinaud comprend 24 niveaux, les plus bas étant les plus anciens. La base correspond aux Néandertaliens chasseurs de rennes. La carrière appartient à Bernard Cellou et la CDCHS.

Le site de chez Pinaud va recevoir la visite de la chaîne américaine Discovery Channel
Une fouille franco-russe

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