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lundi 26 août 2019

Violé par son beau-père, Philippe Bellenger raconte son calvaire dans son livre "Derrière les volets"

Il en faut du courage pour raconter ces actes qu'un silence entoure généralement. En 2015, dans son livre "Derrière les volets", Philippe Bellenger - qui vivait dans la région de Jonzac à l'époque - a choisi d'écrire et de décrire des situations qui le hantaient depuis sa prime jeunesse. Les gestes déplacés de son beau-père, viol, violence. Cet homme, aujourd'hui disparu, a brisé de jeunes vies dont celle de Philippe...

• Philippe Bellenger, dans ce premier livre, vous traitez de sujets gravissimes, l'inceste, le viol et la violence dont vous avez été victime et auparavant votre mère. Comment êtes-vous parvenu à écrire ces moments si douloureux ? 

Ce passé était trop lourd à porter. Le fait d'écrire fait prendre conscience que des situations similaires à la mienne ont toujours lieu. Avec le temps, la société s'y est habituée ou plutôt elle préfère fermer les yeux. Je veux être le témoin des enfants qui souffrent.
En pareil cas, l'agresseur peut être n'importe qui, le père, le beau-père, le cousin, le voisin. Dans l'entourage, on ne veut pas le dénoncer pour de nombreuses raisons dont la honte parfois, la peur de représailles. En France et ailleurs, de nombreuses personnes se font violer et n'en disent rien.

•  Ce livre a-t-il été long à écrire ?

J'ai mis cinq ans. Pourquoi ? Parce que le fait de l'écrire déclarait chez moi des crises d'angoisse, j'avais mal en avouant ces terribles moments. La douleur ne se guérit jamais même si j'ai suivi une psychothérapie pendant sept ans. On ne surmonte pas le traumatisme, on vit avec. Toutefois, il faut bien avancer dans la vie et façonner son avenir. C'est à ce moment-là que l'entourage est important et surtout l'amour dont on va nous entourer.

• Dans votre existence, le bourreau n'est autre que votre beau-père. A quel âge ont commencé ses agissements ? 

Quatre ans et demi jusqu'à 14 ans. Il avait aussi des attouchements avec ma sœur et mon frère.

• Pourquoi votre mère ne disait-elle rien ? 

Ma mère m'a juré qu'elle n'avait jamais rien vu. Toutefois, dans certains cas de violence physique à mon égard, arrivés à la limite, elle intervenait pour calmer son mari. Lequel agissait envers nous quand elle était absente de la maison…

• Quand avez-vous brisé le silence ?

A quinze ans, j'ai décidé de le dénoncer. Mon professeur de français se doutait de quelque chose et m'avait dit  "si tu veux partir, tu peux venir chez moi". Le déclic, c'est que je voyais mon beau-père faire la même chose avec mon frère qu'avec moi. Je ne supportais pas non plus sa violence : il prenait tous les motifs possibles pour me frapper, y compris devant tout le monde.

• En êtes-vous resté traumatisé ? 

Tout à fait. Mal-être, humiliation, des mots et des situations que je ne supportais pas, manque de confiance, regard terrible sur la société. J'ai fait des cauchemars longtemps ainsi qu'une dépression. Aujourd'hui, je continue à me reconstruire.

• Une fois adulte, avez-vous craint de devenir "bourreau" à votre tour ?…

Je savais que je n'étais pas pédophile, j'ai eu cette chance. Mes enfants peuvent témoigner, ils savent que ce ne sont pas des enfants battus, ni malmenés.
Les traces de mon passé se trouvent plutôt dans mon comportement quotidien. Je pense toujours qu'il faut que se battre pour émettre ses idées et il m'arrive d'être trop agressif dans mes propos.

• Quel message souhaitez-vous délivrer ? 

Si quelqu'un voit ou se doute de quelque chose, qu'il ne baisse pas les yeux. Il y a des gens qui ne veulent pas voir, ne pas faire d'histoires dans les familles. Il faut abattre ce mur d'hypocrisie, ne pas baisser les bras, avoir la force de prévenir les services sociaux, la gendarmerie.

• Le livre commence par les malheurs de votre mère qui, elle aussi, a été violée. Comment avez-vous recueilli ces détails intimes ? 

J'ai voulu savoir la vérité. Un jour, nous avons eu une vraie conversation. Elle a fini par avouer qui était mon véritable père. Est-ce qu'une situation de viol en amène une autre ? C'est la question que je me pose. Une suite sera donnée à ce premier ouvrage, la période de l'adolescence. Je suis en train de l'écrire.

• Votre message est de "l'importance à libérer la parole" ? 

En effet, je défends ceux qui souffrent en silence, qui n'ont pas de main tendue. Se soumettre au silence, s'obstiner à se noyer dans le regard des autres, vouloir désespérément s'oublier, s'acharner à étouffer sa douleur, activent un feu dévastateur qui consume jusqu'à notre mort les quelques rescapés lambeaux de notre intégrité. Être l'acteur soumis ou un témoin silencieux d'une ignominie ne doit pas nous emprisonner indéfiniment dans nos irréfrénables peurs.
En ce qui me concerne, mon beau-père a été jugé à Caen mais à cette époque, il n'était pas facile pour un mineur d'expliquer la situation, d'autant que ma sœur et mon frère qui pourtant avaient été abusés n'ont pas voulu le dire à la barre. Finalement, seules les violences dont j'avais été victime ont été retenues. Par la suite, j'ai été placé à la DDASS et ce n'était vraiment pas évident. Tu es la victime et c’est toi qui paie. Mon beau-père a fait de la prison et ma mère a vraiment réalisé la situation quand mon frère s'est enfin décidé à lui révéler la vérité, que je ne mentais pas, que lui-même avait subi des attouchements sexuels. Si mon frère avait témoigné devant la justice, le dossier aurait été rouvert. Personne n'a eu ce courage. Mon mère a quitté mon beau-père et lui-même a fini sa vie en maison de retraite, bien tranquille, une fois sa peine purgée. Ce qui me rassure, c'est qu'aujourd'hui les choses seraient différentes. De telles situations doivent évoluer pour éviter la souffrance et les séquelles qu'elles engendrent.

• Quels conseils donneriez-vous à des familles se trouvant dans une situation comme celle que vous avez connue ? 

L'enfant est innocent, c'est une victime. Le fait que la justice reconnaissance la culpabilité de son "bourreau", que ce soit un homme ou une femme, va lui permettre de se reconstruire. Mais après, il y aura encore beaucoup de chemin à parcourir parce que les blessures sont tenaces. Je pense que la médiatisation extrême de ces affaires, surtout à la télévision, n'est pas une bonne chose. L'important, c'est que l'enfant sache qu'il est aimé, entouré, c’est la meilleure thérapie. Il ne faut jamais oublier l'humain et je suis bien placé pour en parler...

• Derrière les volets, société des Ecrivains, en vente en copie numérique à la FNAC et Amazon

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