« Va-t-on laisser bétonner cette partie haute de la ville qui correspond à l'ancien capitole de Mediolanum à l’époque romaine ? La mairie veut-elle déposséder les Saintais de cet endroit exceptionnel, lieu de gouvernance durant les siècles ? Il faut nous mobiliser car demain, il sera trop tard » souligne-t-il. D’où les courriers qu’il vient d’adresser aux élus charentais-maritimes, à Arnaud Littardi, directeur de la DRAC, sans oublier Stéphane Bern et la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. Sera-t-il entendu ?
Du site Saint-Louis, le vue sur la ville est imprenable, la cathédrale Saint-Pierre puis le fleuve Charente |
Elue en 2014, l’équipe de Philippe Machon a choisi de confier ces aménagements à une société privée, chargée de concrétiser un programme comportant un hôtel de standing, une résidence pour personnes âgées (Ehpad), l'installation de commerces de proximité et restauration. Sans oublier une soixantaine de logements sociaux réalisés par la Semis.
Le dossier est entre les mains de Christian Schmitt. Trois sociétés ont répondu à l’offre, Linkcity, Foncière Duval et Nexity. Le lauréat sera officiellement désigné lors du conseil municipal qui se déroulera à la rentrée. Linkcity (qui regroupe les filiales de développement immobilier de Bouygues Construction) est la mieux placée pour remporter le marché.
En juin dernier, une conseillère de l’opposition, Josette Groleau, s’était insurgée contre cette perspective : « ce n’est pas un projet, c‘est une vente à la découpe. Si tout est privatisé, les habitants en seront-ils réduits à admirer les seules pelouses et à prendre l’ascenseur qui offrira un accès plus aisé au belvédère ? »...
Projet d'aménagement présenté à l'époque de Jean Rouger |
En effet, le cœur de Mediolanum (nom de Saintes aux premiers siècles de notre ère) se situait sur ce promontoire rocheux qui surplombait les habitations et descendait vers le fleuve. Comme le montrent les cartes de Jean-Claude Golvin ou d’Alain Paillou qui ont tenté de reconstituer la ville antique, ce périmètre comportait d’importants édifices dont le sous-sol a conservé les traces.
Carte d'Alain Paillou. Quelles que soient les hypothèses concernant les bâtiments, le Capitole, centre politique, économique et culturel de Mediolanum, comportait des édifices monumentaux |
Jean-Michel Méchain : « Ce patrimoine nécessite des interventions de sauvegarde, de protection et de mise en valeur »
J.M. Méchain : « Notre patrimoine est un bien trop précieux pour être un enjeu de politique politicienne » |
Jean-Michel Méchain comprend mal l’attitude de la mairie : « Des sondages préalables et exploratoires ont été effectués par le service archéologique du Département en 2016. On nous dit que la richesse révélée serait "essentiellement médiévale" alors que le responsable de l’opération soulignait la présence de maçonnerie romaine, fragments de colonnes, tessons de poteries, monnaies, pavages, silos et bien sûr le mur d'enceinte construit dès la fin du IIe siècle. A l'heure des bilans, on se demandait si la DRAC encouragerait la ville à faire des fouilles approfondies. Dans un tel cas, l'ensemble aurait été protégé. L'idée séduisait Eric Normand qui déclarait : "les réserves archéologiques ne sont pas si nombreuses en France puisqu'une fois le diagnostic établi, on rebouche. L'histoire de Saintes retiendrait alors l'attention". Manifestement, elles n’ont pas eu lieu »…
La mairie n’a pas donné suite à cette ouverture puisqu’elle a lancé un appel à projets, plaçant la balle dans le camp d’investisseurs… ce que regrette ACMSantonum : « la disponibilité d’une partie de ce site majeur de l’antique cité est une opportunité historique pour la ville. Nous sommes à un moment crucial en matière de protection du patrimoine archéologique. Si la contrainte financière ne peut être ignorée, elle doit rester subordonnée à l’intérêt général. Nous avons rencontré le maire à ce sujet, mais il n’a pas retenu notre proposition de projet alternatif ».
Non à la spéculation immobilière sur le site Saint-Louis !
Le logis du Gouverneur, témoignage historique du site Saint-Louis |
Ont ainsi reçu une lettre de sensibilisation les membres du conseil municipal de Saintes, les conseillers départementaux, Michel Doublet, président de l’association des Maires, Jean-Claude Classique, président de la CDA, Jean-Philippe Ardouin, député, Dominique Bussereau, président du Conseil Départemental, Alain Rousset, président de la Nouvelle-Aquitaine, Stéphan Bern et Françoise Nyssen, ministre de la Culture. « Si on ne fait rien, l’ancien oppidum sera urbanisé et les citoyens seront placés devant le fait accompli. Dans son plan d’aménagement, Bouygues aurait prévu pour ce projet un rapport financier de 10%, soit deux millions d’euros ».
Jean-Michel Méchain est favorable à un vrai projet de territoire régional, valorisant le patrimoine antique et ouvert sur l’Europe. Baptisé Anticosope Aquitania, il réunirait quatre pôles principaux : le Futuroscope de Poitiers, l’Anticoscope Aquitania de Mediolanum Santonum, la région de Cognac et la cité du vin de Bordeaux, « affirmation d’un trait d’union entre les différentes ex-Régions qui composent la Nouvelle-Aquitaine ».
A l’intérieur, Saintes a incontestablement un rôle à jouer. Encore doit-elle préserver ses atouts ! A l’exception de la côte atlantique et des zones viticoles, la Charente-Maritime de l’intérieur se porte moyennement : « c’est pourquoi nous devons réagir. La mise en réseau des sites gallo-romains est une piste à explorer » conclut Jean-Michel Méchain qui incite les citoyens à s’exprimer : « leur rôle ne s’arrête pas à un bulletin déposé dans l’urne. Ils sont appelés à participer à la vie de la cité, à formuler leurs points de vue. C’est ce que fait notre association ».
Sondages réalisés sur le site Saint-Louis en 2016 |
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