L’église d’Arces-sur-Gironde occupe une situation particulière. Non loin du célèbre bourg de Talmont, elle a été construite sur un promontoire d’où l’on peut admirer le paysage environnant, l'estuaire de la Gironde et les côtes du Médoc. Malheureusement, bien qu’ayant une position "dominante", la situation géographique du monument et surtout le sous-sol sur lequel il repose sont à l’origine des désordres qui le frappent régulièrement, dégradation des voûtes, fissures, affaissement de terrain.
Se trouvant dans un état critique ayant entraîné la création d’un espace sécurisé afin que les offices puissent y être célébrés, l’église d’Arces est l’une de préoccupations de la mairie qui a la charge de son entretien. Une première tranche vient d'être réalisée dans le transept (qui menaçait ruine) et c’est dans l’une des deux chapelles latérales qu’a eu lieu la plus grande surprise. Sur la voûte en croisée d’ogives, dissimulés sous onze couches de badigeon, Elsa Ricaud, architecte du patrimoine au cabinet Sunmetron (Paris), chargée de la restauration de l’édifice, a mis au jour différentes scènes religieuses datant du XVe siècle. Un événement pour cette petite commune qui cherche à valoriser son patrimoine !
Les travaux de maçonnerie ont été confiés à l’entreprise Hory-Chauvelin. Outre le traitement du transept, l’atelier Arcoa a dégagé ces peintures qui font actuellement l’objet d’une étude.
Le sauvetage d’un monument
Vendredi dernier, le député Raphaël Gérard et sa suppléante, Evelyne Delaunay, ont rencontré le maire Jean-Paul Roy et Corinne Duvert, secrétaire de mairie. Le coût des trois tranches de restauration est d’environ 200.000 euros chacune. Le point "délicat" reste donc le financement.
Si le premier volet a été subventionné à hauteur de 80% grâce à la participation de la DRAC, la Région, le Département et la CARA, les deux autres suscitent des interrogations. Parmi les pistes envisagées, pourquoi ne pas faire appel à Dartagnans, plateforme de financement participatif dédiée à la préservation du patrimoine ? « Notre action est entièrement dirigée vers la conception de projets autour des monuments que nous voulons sauver et la recherche des partenaires qui peuvent nous accompagner dans ces aventures. Notre voulons aussi faire comprendre que le patrimoine en péril ou en phase de l’être ne peut plus être seulement l’histoire d’une personne, mais doit devenir une affaire collective » expliquent les responsables de la start’up.
Le plafond de la seconde chapelle latérale cacherait-il, lui aussi, des décors ? |
L’édile nourrit l’espoir de concrétiser ce projet dans son intégralité, transmettant ainsi aux générations futures un monument en bon état : « Révéler ces décors peints est une aventure formidable pour la commune d’Arces-sur-Gironde ; ils peuvent y attirer de nombreux visiteurs ».
Bénitier et fonts baptismaux |
Sensible à l’architecture de cet édifice et à la mobilisation de la mairie pour mener à bien cette restauration, Raphaël Gérard a assuré le premier magistrat de son aide dans la recherche de fonds. A noter qu’une dotation spéciale de 25 millions d’euros destinée aux petites communes vient d’être créée (elle compense l’ancienne réserve parlementaire). Arces pourrait-elle en bénéficier ? Par ailleurs, l’élu va contacter la DRAC.
L’objectif de la municipalité est d’ouvrir cette église au plus grand nombre afin de la faire mieux connaître et sensibiliser l’opinion. Les Journées du Patrimoine, en septembre, pourraient être l’occasion d’un éclairage intéressant. Par ailleurs, un office y sera célébré le 18 août à 18 heures. Des fouilles préventives y seront conduites en octobre prochain par le service d’archéologie de Charente-Maritime.
Affaire à suivre…
Les décors peints apparus sous l'épais badigeon |
• Terminée, la première tranche de travaux (transept) s’élève à 180.238 euros HT. La restauration des décors peints de la première chapelle latérale est de 99.627 euros HT.
• Le maire Jean-Paul Roy et Corinne Duvert, secrétaire de mairie ont reçu vendredi matin Raphaël Gérard, député, et sa suppléante Evelyne Delaunay
• Dans l’église dédiée à Saint-Martin, on retrouve le blason de la famille du Breuil de Théon dont le château est situé dans les envions. Jusqu'à la Révolution, il était le siège d'une importante seigneurie. Situé sur une hauteur dominant l'estuaire, il occupait un point stratégique dans l'arrière-pays. Théon est mentionné pour la première fois en 1363. Dès cette époque, il appartient à la famille du Breuil, une des plus anciennes lignées nobiliaires de Saintonge. Au XVIe siècle, Guillaume du Breuil demande à être inhumé dans l'église d'Arces où repose déjà sa seconde épouse, Julienne de Château-Bardon. Au XVIIIe siècle, la chapelle sud, vouée à Saint-Laurent, accueille Alexandre-Eutrope du Breuil de Vérac inhumé en 1763. Y sont également enterrés Gombaud du Breuil, écuyer au XIVe siècle, Florimond du Breuil au XVe siècle et Joseph-Louis de Théon au XVIIe siècle. Des sépultures d’enfants y sont également mentionnées.
Blason de la famille du Breuil de Théon |
L'église est dédiée à Saint-Martin |
Le sanctuaire est composé d'une nef unique de deux travées, coupée par un transept prolongé par deux chapelles seigneuriales gothiques, qui ont remplacé les absidioles romanes au XIVe siècle. Le clocher octogonal, surmonté d'une flèche d'ardoise, se dresse à la croisée du transept.
La décoration de l'abside a été entièrement repensée au XIXe siècle : de cette époque, datent les fresques murales et la voûte céleste peinte sur le cul-de-four. Les vitraux et la statuaire ornant l'édifice datent également de cette même époque. Le retable qui se trouve dans le chœur a été restauré en 1994.• L’atelier ARCOA se consacre depuis 1970 à la restauration de peintures, des grands décors peints monumentaux et d’objets mobiliers polychromes.
Extrait de l’Inventaire du Patrimoine de la Nouvelle-Aquitaine :
En mauvais état, déjà !
A la fin du XVIIe siècle, l'église est en très mauvais état : les voûtes des deux chapelles sont "rompues" et l'édifice entier "menace ruine". Avec une aide financière du Roi, des travaux de restauration sont entrepris en 1703 : la sacristie et le "charnier" (crypte-ossuaire ?) sont démolis et "le pilier qui soutient le clocher, à main droite, vers la chapelle de Brésillas [soit le pilier sud-est] est refait".
"L'arcade de la chapelle de Notre Dame" est également reprise. La reconstruction de la nef suit en 1704 puis, après un effondrement pendant les travaux, en mars 1705. En juin et juillet de la même année, la chapelle des fonds baptismaux est à son tour voûtée après que l'on ait fait "le pilier pour la soutenir". En 1706, la pose du retable et des "tabernacles du grand autel et de Saint-Laurent" achève l'opération pour la partie orientale de l'église. La "muraielle de la chapelle des Brésillas, joignant le clocher" est toutefois restaurée en août 1708.
Quant à la façade occidentale, elle est sans doute reconstruite à la même époque, comme le laisse penser son style architectural. Un tambour est "fait et posé" en 1714. La même année, le 12 novembre, la bénédiction d'une cloche, baptisée Catherine, du poids de 358 livres, marque probablement la fin de la campagne de restauration de l'église.
En 1862, une nouvelle phase importante de travaux est entreprise. D’un montant de 12280 francs, ils sont réalisés, selon les plans de l'architecte bordelais Gustave Alaux, par l'entrepreneur Laurent Dejean, demeurant à Pauillac.
Au cours des années qui suivent, l'essentiel des travaux concerne l'ornementation. Le chœur est entièrement peint en 1887 par L. Augier et L. Millet (leur nom figure derrière l'autel). En 1896, la couverture de l'église est refaite, comme le rappelle une inscription sur un modillon extérieur de l'abside, côté est : "B-L 1896". Dès le 19 janvier 1911, l'église d'Arces est classée Monument Historique, suivant l'avis positif de l'architecte Lucien Magne (1849-1916), inspecteur général des Monuments Historiques.
Le chœur entièrement repeint au XIXe siècle |
• Arces viendrait du latin arx, monticule.
• Dans les années 1840, des travaux d'urgence sont réalisés, à la toiture de l'église notamment, sur devis de l'architecte Fontorbe (très connu à Saintes).
Première tranche de travaux réalisée par la société Hory-Chauvelin et l'atelier Arcoa |
Chapelle latérale (droite de l'édifice) où ont été découverts les décors peints |
Station du chemin de croix (ensemble repeint) |
• La découverte d’un important décor figuratif, complété par un décor floral et une litre funéraire blasonnée sur les murs de la chapelle de Brésillas constitue un événement important pour la commune d’Arces.
© Photos Nicole Bertin
Très beau reportage. La mobilisation pour la sauvegarde est plus que justifiée. Il faut aussi des fonds publics (moins de budgets signalisation, moins de bétonnage, moins de spectacles et d’animations qui poussent comme poussaient les églises romanes mais sans laisser de patrimoine) et pourquoi pas une alliance avec Talmont pour renforcer l’attractivité de ce périmètre et donner aussi de la visibilité et des moyens à la sauvegarde de Talmont, autre priorité !
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