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lundi 27 août 2018

Benoît Biteau, agriculteur résistant : Comment Stéphane Travert, Ministre de l’agriculture, a failli le "tuer"…

« Changez de modèle, le bonheur est dans le pré ! » dit-il

(© Coline le Moing)
Au cœur de l’été, Benoît Biteau, agriculteur bio à Sablonceaux (commune située à une vingtaine de kilomètres de Royan) a lancé un compte à rebours sur Facebook. Il a choisi les réseaux sociaux pour y alerter l’opinion sur la situation préoccupante qu'il subit. En effet, les aides censées être octroyées au soutien de la filière bio par la PAC ne sont pas versées depuis des années. La faute à un logiciel, paraît-il, qui s’emmêlerait les pinceaux. D’où des problèmes à n’en plus finir et des frais que les exploitants doivent payer aux banques pour garder la tête hors de l’eau. Benoît Biteau et son femme Stéphanie ont eu l’idée de lancer une cagnotte en ligne qui a remporté un bel élan de générosité.

« J-4 , dimanche 26 août 2018 , "Travert a failli me tuer", point cagnotte et pétition ». Comme chaque jour sur le net, Benoît Biteau dresse un bilan de la situation de sa ferme (EARL Val de Seudre Identi’Terre) où il privilégie la polyculture bio (sans irrigation), tout en sauvegardant les races animales menacées. Ce jour-là, il est optimiste : « + de 95100 signataires de la pétition.... ils étaient 40000 avant le 27 juillet, 4040 € de dons sur la cagnotte ce soir, après les deux premiers virements, soit 615 donateurs si l’on compte ceux ayant contribué autrement que par la plateforme Leetchi. Nous remercions chaleureusement les participants de toute la France et l'étranger. Ils démontrent que notre ferme agroécologique et biologique est très soutenue, tant dans ses activités que ses engagements envers la société civile, lorsqu'elle traverse et supporte plus de trois ans d'incurie de l'Etat, comme la plupart de nos collègues ! » dit-il en rappelant que tout n’est pas perdu quand la voix du peuple se fait entendre.

Avec Icare le baudet (© Céline Rebuelta)
Benoit Biteau appartient à ces paysans engagés qui défendent un modèle de culture calqué sur le bon sens et l'amour de la nature. Ingénieur, il a d’abord travaillé selon les méthodes « en vigueur » avant de réaliser l’impasse dans laquelle conduisait cette logique. Il a alors opté pour des pratiques en symbiose avec l’environnement. Il porte aujourd’hui différentes casquettes et ceux qui l’ont hâtivement classé dans la case « mouvance mai 68, classe bobo » n’ont rien compris. S’ils se basent sur sa queue de cheval, effectivement, on est loin du look « coupe du monde de football » où les tempes sont dégagées et le sommet de la chevelure valorisé ! Mais lui aussi sait mener un match… S’il respecte la tradition, il se bat avec les armes du XXIe siècle et son mandat de conseiller régional est plutôt un atout car il lui permet d’exprimer ses idées dans l’hémicycle de la Nouvelle-Aquitaine. Une grande et belle Région.

Replacer le sujet agricole dans le débat de société et non l’enfermer comme le fait la FNSEA

Comme de nombreux agriculteurs, Benoît Biteau perçoit des aides européennes. Si l’agriculture conventionnelle (utilisatrice de produits phytosanitaires, « bombes à retardement » selon Stéphane le Foll) les reçoit rubis sur l’ongle avant le 31 décembre , il n’en est pas de même pour les « bio » qui tirent la langue en raison d’un logiciel défaillant. « Dans 35 jours, si non versement des aides dues par l’Etat à ma ferme, représentant un montant de 70.000 euros, je serai en situation de cessation de paiement et j'abandonnerai mes activités avec mise en vente des animaux, des bâtiments, du matériel, et licenciement du salarié » déclarait-il récemment. Il a réussi à tenir trois ans sans rien toucher, mais il a senti l’asphyxie gagner peu à peu son exploitation. Serait-il obligé de tout liquider, ses espérances y compris ? Il a choisi de sortir de l’ombre pour lui et tous les autres : « par pudeur, beaucoup n’osent pas avouer les difficultés qu’ils rencontrent. Pensez au nombre de suicides qu'il y a dans la profession ». Et d’ajouter « pour que les choses avancent enfin dans ce pays, il faudrait replacer le sujet agricole dans le débat de société. Aujourd’hui, tout gravite autour de la FNSEA qui fait la pluie et le beau temps. Or, les consommateurs, qui sont les premiers à être concernés par l’agriculture, ont leur mot à dire. Ils ont des attentes précises dans ce domaine après les différents scandales que nous avons connus ».

Sa démarche personnelle ayant été révélée par les médias (télés, radios, journaux nationaux), Benoît Biteau a fini par recevoir une partie des sommes qui lui sont dues. Les 18000 euros restants devraient lui être versés prochainement. « Nous sommes une petite partie à avoir obtenu gain de cause, 30% environ. Les 70% restants n’ont toujours rien touché. Du courage, il en faut » remarque l’agriculteur qui fait, par ailleurs, état des menaces et autres désagréments dont il est la cible : « Parler publiquement expose forcément. Je n'ai pas que des amis ! Pour des raisons de sécurité, j’ai été obligé d’annuler la fête paysanne de chez Berthegille que nous avions projetée ». D’où l’importance d’un combat collectif uni : « nous avons un projet que nous sommes en train d’élaborer au sein de la Fédération régionale des producteurs bio. Nous serons le bras armé contre le modèle polluant actuel. En ne nous versant pas les aides, l’Etat veut nous condamner. Il sait très bien ce qu’il fait, j’appelle ça du sabotage ».

La cagnotte, quant à elle, sert à payer les frais financiers engendrés par les découverts bancaires : « si les aides PAC arrivaient normalement, nos trésoreries seraient équilibrées. Or, chaque fois que nous demandons aux banques d’être compréhensives, nous savons bien qu’elles ne le feront pas gratuitement ! Ce cercle vicieux évite toutefois les faillites. En ce sens, la cagnotte est une bouffée d'air frais. En presque un mois de bataille, du 27 juillet au soir au 26 août, les citoyens contribuables ont participé de façon volontaire, fraternelle et efficace à faire entendre notre cause commune et à construire l'alternative à la tentative d'assassinat financier dont nous avons été victimes, comme la plupart des fermes bio et celles attendant les aides PAC MAEC depuis 2015. Une multitude de talents de tous horizons, de toutes catégories sociales et économiques, culturelles, des centaines de messages, dessins, cartes, mails, visites, initiatives diverses renforcent la courageuse bataille que nous livrons ensemble : celle d'une agriculture responsable placée au centre des priorités. En plein mois d'août, en France, c'est un sacré défi ! ». 

« L’agriculture telle que nous la connaissons est dans un compte à rebours et malgré cela, les gouvernements continuent à faire comme si. Bientôt, il sera trop tard si le modèle actuel perdure. Je ne mène pas un combat individuel, loin s’en faut. Je pense aux générations futures, que deviendront-elles ? » conclut Benoît Biteau qui fait référence à toutes les « saloperies » qui finissent dans la terre, l'air et les cours d’eau...

Ce mouvement engendré pourrait se concrétiser par un ou plusieurs rassemblements… dans le but de sensibiliser et surtout d’alerter et d’informer l’opinion.

• De nombreux témoignages de sympathie



• La Ferme Val de Seudre Identi'Terre a reçu le Trophée National de l'Agriculture Durable en 2009. Elle se veut un modèle en matière d'agriculture durable et biologique, d'applications agronomiques, d'agroforesterie, de circuits courts et de conservation de races locales.
Benoit Biteau et son troupeau de vaches maraîchines (© Coline le Moing)
 • La ferme de chez Berthegille vend du producteur au consommateur : fromages de chèvre et autres produits.

• Consommer des produits non traités, tout le monde en rêve et la condamnation de Monsanto par Dewayne Johnson, un jardinier américain atteint d’un cancer, le prouve. Que cessent la commercialisation de produits phytosanitaires dangereux, dont le glyphosate, avec cette nuance qu’il faut en même temps proposer un produit de transition aux agriculteurs qui l’utilisent. Sur ce chapitre, curieusement, l’empressement n’est pas une priorité ainsi que dans d’autres secteurs, les graines en particulier. Heureusement, des collectifs inventent de nouveaux systèmes, source de biodiversité cultivée et d'autonomie, face au monopole de l’industrie sur les semences et à ses OGM brevetés.


• Découvrez le livre de Benoît Biteau : 
paysan résistant ! paru chez Fayard  
  
Présentation de l’auteur par l’éditeur : Héritier d’une longue lignée de paysans hors norme, Benoît Biteau est un paysan résistant. Ingénieur agronome, il aurait pu couler une vie paisible de haut fonctionnaire sans jamais remettre les mains dans la terre. Oui, mais voilà, cette terre, il l’a dans le sang. Et quand son père, tenant d’une agriculture productiviste, décide de partir en retraite, il relève le défi. En quelques années seulement, il fait d’un terroir épuisé par des pratiques intensives et d’une exploitation dans une impasse écologique et économique une ferme rentable couronnée par le Trophée national de l’agriculture durable.
Il délaisse les kilomètres de tuyaux, les bidons d’engrais et de pesticides. Et adopte les fondamentaux de l’agronomie et du bon sens paysan. On le suit pas à pas dans la transformation de sa ferme. Et les résultats sont là. En se tournant vers des races rustiques, des semences anciennes, en replantant des arbres, la ferme de Benoît devient chaque jour plus productive, plus rentable et plus respectueuse de l’homme, des animaux et de la nature. Par son parcours (du combattant), Benoît Biteau apporte la preuve qu’une autre agriculture est possible. C’est un appel qu’il lance à tous les agriculteurs enferrés dans une logique qui les tue : changez de modèle, le bonheur est dans le pré !

Dédicaces à la librairie Peiro-Caillaud à Saintes

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