Pages

jeudi 27 avril 2017

Présidentielles : Macron, Le Pen, le vote blanc ou l’abstention ?

En balayant les partis habituels, Républicains et Socialistes, les Présidentielles du 23 avril placent l’électorat dans une situation peu banale, semblable à 2002 quand Jacques Chirac se retrouva face à Jean-Marie Le Pen. Toutefois, Jacques Chirac appartenait à la droite classique (UMP). 
Cette fois-ci, c’est Emmanuel Macron, le représentant du nouveau mouvement En Marche créé il y a un an, qui arrive en tête des suffrages du premier tour. Les électeurs n’ont jamais connu ce cas de figure qui les change de leur arène traditionnelle. 
Que feront-ils au second tour ? Pour ce premier tour d'horizon, nous avons posé la question à Benoît Biteau, Stéphane Trifiletti, conseillers régionaux, Catherine Queille et James Poitier, cadres retraités, Didier Catineau, journaliste et Dominique Brochard, artiste peintre qui ont accepté de répondre avec franchise…

Dessin de M. Large
• Benoît Biteau : « Les politiques libérales de ces dernières années ont détruit des milliers d'emplois »

« Les scandalisés, les cris d'orfraie, les "mais tu ne te rends pas compte " ne me culpabilisent pas, je ne suis pas responsable de la présence de Marine Le Pen au second tour, je n'ai pas voté pour elle et je ne le ferais jamais. Je n'ai pas non plus à prouver ma détestation viscérale de l'extrême droite et de mon engagement pour faire reculer ce mouvement et l'obscurantisme de ses idées.
Ou étaient-ils les donneurs de leçons quand, militants anti-fascistes pendant plus de 30 ans, nous nous trouvions face aux durs du parti et que nous manquions de soutien? Quand nous réclamions que ce parti, qui n'est pas républicain, soit interdit ?Leur vote du second tour leur rendra leur bonne conscience, puis ils reprendront leur vie pépère en Macronie.

Emmanuel Macron sera président de la République parce que Socialistes (ce qu'il en reste) et Républicains seront main dans la main pour voter pour le très libéral ancien banquier.

Les politiques libérales deces dernières années ont détruit des milliers d'emplois ; des millions de gens sont tombés sous le seuil de pauvreté. Le FN germe sur le terreau du désarroi, du désespoir, du repli sur soi, de la misère et de l'ignorance, il se repaît de ces âmes perdues. Emmanuel Macron est le symbole de ces politiques destructrices. Il incarne la continuité et l'amplification des dérives.

Ses prises de position sur NDDL, Sivens, le gaz de schiste, le diesel, les OGMs, les pesticides, ou/et le nucléaire, sa volonté de valider le CETA et le TAFTA sont à l'opposé de ce que je peux penser de l'évolution de notre société. De ce que je souhaite transmettre aux générations futures. Et sur ces terrains de lutte, je ne les ai jamais croisés, le banquier et ses soutiens !
J'ai voté Chirac douloureusement en d'autres temps. Ça n'a rien changé. Mais j'irai voter le 7 mai contre le Front National, pas pour le projet d'Emmanuel Macron, mais avec la ferme intention de faire un nouvelle fois barrage à la haine et la xénophobie, mais aussi de résister à ce programme ultra-libéral, notamment lors des Législatives pour que les députés à l'Assemblée Nationale puissent poser des garde-fous ».

• Catherine Queille : « Il faut essayer des choses nouvelles avec des gens nouveaux »

Le résultat du premier tour me semble plutôt encourageant ; on a échappé à la rencontre des deux extrêmes de droite et de gauche avec un avenir pour le pays plus qu'incertain. Le FN est là, mais c'était hélàs parfaitement prévisible depuis longtemps compte-tenu du ras le bol généralisé des gens envers l'attitude des élus, de la montée du chômage et de la précarité, des attentats...
Fillon, qui avait un boulevard devant lui, a tout perdu alors que cette élection était imperdable et a fait perdre la droite avec ses affaires, peut-être pas illégales, mais à tout le moins immorales.
Alors Macron, est-ce un Hollande bis ? Aura t'il une majorité à l’Assemblée ? En tout cas, il a accompli un exploit à 39 ans, en réussissant un si beau score, sans l'aide d'un parti, sans avoir jamais été élu ; s'il réussit à placer des gens de la société civile dans le Gouvernement et à l’Assemblée comme il l'a dit, c'est bien. Il a fait imploser les deux grands partis (les Républicains et le PS) et c'est tant mieux. On n'en peut plus de revoir toujours les mêmes politiciens qui n'ont rien compris et ne font rien. Il faut essayer des choses nouvelles avec des gens nouveaux.
Donnons-lui sa chance, on verra s'il saura la saisir et aider notre France bien mal en point.

• Dominique Brochard : Nouvelle pièce de théâtre en France « Les Présidentielles »

Encore une fois, cette très belle pièce de théâtre, comique, au sujet néanmoins très sérieux, a été mal gérée par le réalisateur dans son choix des comédiens. Dix sur les onze n’ont pas été à la hauteur dans la diction, la gestuelle et la sincérité du rôle attribué. Nos grands maîtres théâtreux doivent se retourner dans leur tombe. Mais pour eux, le respect est de rigueur.

• James Poirier : « La fabrique du consentement »

Le vide du programme et du personnage n’ont pas empêché le plein des voix chez Macron… C’est bien la preuve que la « fabrique du consentement » dont parle Chomsky (*) a efficacement fonctionné.
La propagande concertée a surtout produit ses effets dans 7000 communes urbaines ou semi-urbaines, mais elle n’a pas berné le peuple de France dans 18000 communes rurales.
 Ce putsch médiatique qui nous a imposé une marionnette mondialiste au premier tour n’a pas encore gagné. Les électeurs Fillon, Mélenchon, Hamon ne vont pas voter Hollande-bis comme un seul homme au second tour. L’espoir est permis.
 
(*) La fabrique du consentement – De la propagande médiatique en démocratie — Noam Chomsky & Edward Herman – Editions Agone - 2008


• Didier Catineau : « La peste ou le choléra »

Ces élections présidentielles 2017 (du moins le premier tour, mais il y a fort à parier que le deuxième tour sera assez semblable) sont exécrables ! Une grande partie des médias aux ordres, des juges surgissant à l’improviste pour accrocher quelques casseroles à des candidats qui courbent l’échine ou qui carrément les ignorent au nom d’une pseudo liberté dont le simple citoyen ne peut se prévaloir, des égos dont la taille encore jamais atteinte débordent de partout, des militants aux ordres… tout un capharnaüm explosif qui parvient à attirer l’attention du monde entier. La France des libertés et des lumières a perdu de sa superbe et s’enfonce dans des abysses mâtinées de Grand Guignol et de pathétiques et larmoyantes déclarations tout azimut !
A titre personnel, aucun des 11 candidats n’a été, ne serait-ce qu’un quart de millième de seconde, à la hauteur des enjeux qui nous touchent tous pour quelques générations à venir. Je n’ai pas entendu parler de programmes réels et sincères, je n’ai entendu que des vitupérations bien loin d’atteindre les préoccupations de notre quotidien et surtout de notre avenir incertain. C’est le système entier qui est malade et voici venus les temps de peines et de douleurs !
On me demande de choisir entre la peste et le choléra, entre le pouvoir éhonté de l’argent et de ses nébuleuses financières et le retour d’une période que l’on croyait révolue. A force d’obstination, on en sent les effluves nauséabonds. Les hommes ont la mémoire courte et tuent toujours les annonceurs de nouvelles ou les remueurs de souvenirs.
On se rallie, se congratule, ourdi aussi des complots caverneux qui débouchent sur des situations qu’Ubu lui-même n’aurait pu vivre. On assassine à grand coup de slogans et de manifestations notre intégrité et notre liberté de choix.
Alors oui, pour ce deuxième tour, je choisi avec fermeté de ne pas choisir et de voter blanc dans l’espoir que cette décision, à la longue, sera reconnue dans notre code électoral. Je n’obéirai pas aux consignes des états-majors, aux recommandations des ténors politiques et sans couardise aucune mais avec courage et responsabilité, je m’éloignerai de tout ce fracas car j’aspire à autre chose de la vie en société et en communauté.
Je crois très sincèrement que les temps sont venus pour qu’aux élections législatives, les représentants du peuple dont je suis pourront être choisis non plus au sein de ces écoles toutes identiques et fabriquées mais bien auprès de certains, plus sincères, plus préoccupés de notre quotidien que de leur avenir doré réglé rubis sur l’ongle par une administration bien huilée.
En Belgique, les citoyens sont restés près de deux ans sans gouvernement et ça a fonctionné. Parce qu’il existe à tous les niveaux des hommes et des femmes dévoués à leur prochain, parce que la politique ne règle rien sans les relais humains nécessaires.
Le grand tribun que fut Jean Jaurès a clamé cette remarquable phrase : « Je ne plierai pas, je ne m’en irai pas en silence. Je ne me soumettrai pas. Je ne me retournerai pas. Je ne me conformerai pas. Je ne me coucherai pas. Je ne me tairai pas. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; ce n’est pas subir la loi du mensonge triomphant ».
Loin d’être un professionnel de la politique, de sa dialectique et aussi de ses codes faits de combines et de pièges à loup, j’affirme avec force ne pas me désintéresser de ces rendez-vous périodiques. Mais ils devraient respecter les idées que je chéris et que je ne retrouve nullement dans tout ce salmigondis de traitrises et de coups bas.
Ne vous abstenez pas, mais dites vraiment que vous portez en vous cet espoir de l’humanité qui donne un véritable sens à notre vie. Cet espoir passe par la construction et la fondation d’un nouvel élan loin de ces vieilles lunes qui nous étouffent et nous tétanisent. Le peuple ne veut plus souffrir.
Je reste attentif, lucide et réaliste et j’approuve Alfred de Vigny quand il dit : « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse ».
Si ce silence vient à être rompu, cela sera par la force d’un humanisme impérieux et sans faiblesse.

• Stéphane Trifiletti :  « il faut un sursaut démocratique »


Je veux dire mon inquiétude quant aux résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Le score du Front National, en hausse par rapport à 2012, son apparence “banale” est un tournant dans notre histoire politique. Il faut barrer la route au Front national, parti du repli et de la haine.
La politique libérale et anti-écologiste prônée par Emmanuel Macron ne constitue pas, à mes yeux, une solution aux crises sociale, démocratique et écologique que traverse notre pays. Pour autant, face au national-populisme incarné par le FN et sa candidate, il faut un sursaut démocratique. Si le programme d’E. Macron peut être combattu démocratiquement au Parlement et être battu dans les urnes dans un futur proche, le risque de dérive autocratique du pouvoir par le FN apparaît aujourd’hui comme un danger autrement supérieur.
En faisant barrage le 7 mai au Front national, il faut continuer en parallèle le combat pour une société plus juste et plus écologique.
Je veux contribuer en Charente Maritime au rassemblement des progressistes et des écologistes autour d’un projet de société sorti du dogme de la croissance que nous avons initié au cours de cette présidentielle. Les campagnes de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ont montré que l’écologie était au cœur du projet du camp progressiste. Il faut favoriser les convergences au « 3ème tour », c'est-à-dire aux législatives et rompre avec les opportunistes PS valso-macronistes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire