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lundi 20 février 2017

Les réseaux sociaux au risque de sanctions pour injure et diffamation

On ne peut pas dire tout et n'importe quoi sur les réseaux sociaux. Régis Sainte-Marie Pricot, avocat au barreau de Saintes et ancien Bâtonnier, détaille la législation qui entoure ces nouveaux moyens d'expression.

L’article premier de la loi du 30 septembre 1986, relative à la Liberté de Communication, pose le principe que la communication au public par voie électronique est libre et que l’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, et par les exigences du service public.
L’article 2 dispose qu’on entend par communications électroniques les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d’écrits, d’images de sons, par voie électromagnétique.
On entend par communication au public par voie électronique toute mise à la disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux décrits, d’images, de sons de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée
La loi définit ainsi la liberté d’expression publique par voie électronique, dont les réseaux sociaux sont un des supports.

• La limite à la liberté d’expression sur les réseaux sociaux

La liberté d’expression par communication électronique, comme par tout autre mode d’expression, trouve ses limites dans les dispositions du Code Pénal, qui sanctionnent la diffamation et l’injure.

• La diffamation
Elle peut être publique ou non publique.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté la presse sanctionne, dans son article 32, la diffamation publique envers les particuliers d’une amende de 12 000 € et l’article R.621-un du Code Pénal, la diffamation non publique d’une amende prévue pour les contraventions de la 1re classe soit 38 €.
L’article 29 alinéa 1 définit comme diffamation toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.
La diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes, à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est punie d’un emprisonnement d’un an et/ou d’une amende de 45 000 €.

• L’injure
Elle peut être, comme la diffamation, publique ou non publique.
L’injure est punie différemment selon qu’elle a été proférée en public ou en privé ou encore avec des motifs discriminatoires ou non.
L’injure publique est définie, par le dernier alinéa de l’article 29 de la loi de 1881, comme toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. Elle est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 12 000 € et de 6 mois de prison et de 22 500 s’il celle est raciste, sexiste, homophobe ou contre les handicapés, la peine encourue est de 6 mois de prison et de 22 500 € d’amende.
L’injure non publique est punie par l’article R. 621-2 du Code Pénal d’une amende de 1re classe soit un maximum de 38 €, lorsque elle est proférée envers une personne sans avoir était précédée de provocation.
Celle commise envers une personne ou groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est punie par l’article R. 624-4 du Code Pénal de l’amende prévue pour la contravention de 4e classe soit de 750 €.
Elle est punie de la même peine lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle de leur handicap
Les délits ou contravention de diffamation ou d’injures se prescrivent par 3 mois. La prescription est portée à un an pour les faits de diffamation envers une personne ou un groupe de personnes, « à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

• Les particularités des réseaux sociaux

Le caractère public ou non public des communications électroniques passibles de sanctions.
Par un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de Cassation admet le principe que les réseaux sociaux peuvent être le support de diffamations ou d’injures publiques, tout en définissant ce caractère public. (Ch. Soc 10 avril 2013 N°11-19530)
Dans cette espèce, une salariée avait publié les propos incriminés sur les sites Facebook et msn, accessibles à ses différents « amis » ou « contacts ».
La Cour dit qu’est constitué l’élément de publicité « dès lors que les destinataires des propos incriminés, quel que soit leur nombre, ne forment pas entre eux une communauté d’intérêts ».
Elle définit la communauté d’intérêts comme « un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des aspirations et des objectifs partagés »
Elle considère que ne constituent pas des injures publiques, celles diffusées sur un compte de réseau social « accessible aux seules personnes agréées, en nombre très restreint », par l’auteur des propos injurieux, et « qui forment entre elles une communauté d’intérêts »
Pour autant l’auteur des propos encourait des poursuites pénales, par application de l’article R. 621-2 du Code Pénal, la cour d’appel ayant été censurée pour s’être borné à constater que « les propos litigieux ne constituent pas des injures publiques, sans rechercher si de tels propos ne pouvaient être qualifiés d’injures non publiques »
Facebook est à la fois un espace public et privé en sorte qu’il faut distinguer selon que les propos incriminés sont tenus sur le mur de leur auteur, accessible à toute la communauté Facebook et alors passibles de poursuites et les conversations purement privées sur la messagerie personnelle du réseau social, qui ne le sont pas, si ce n’est pour injure ou diffamation non publique.
Au vu des principes ci-dessus il apparaît prudent de considérer Twitter comme un espace public puisqu’il est potentiellement consultable par tout un chacun, qui peut accroître la publicité en ‘’retwittant’’ le propos injurieux ou diffamatoire.
Il en découle logiquement que non seulement pourrait être poursuivi l’auteur du Twitt mais également celui qui le rediffuse, puisqu’il contribue à sa publicité et donc au préjudice de la personne ou du groupe visé.

• Le point de départ de la prescription

L’action publique est enfermée dans un bref délai le législateur ayant, dès 1881, considéré que l’information chasse l’information.
C’est pourquoi l’action est habituellement menée par celui qui considère qu’il a été porté atteinte à son honneur et sa considération. Elle est considérée comme la forme moderne du duel, les taches d’encre portées à l’honneur ne s’effaçant plus sur le pré mais dans les prétoires.
S’agissant des réseaux sociaux il sera prudent de faire constater, par huissier de justice, la diffusion, sur le net, du propos faisant grief.
La particularité des diffusions sur la toile est quelles sont quasiment ineffaçables, ce qui pourrait laisser penser que la diffamation et l’injure constituent « des délits continus », passibles de poursuites tant que les propos sont en ligne.
Il n’en est rien puisque le point de départ de la prescription est la date du premier acte de publication qui correspond à celle à laquelle le message a été mis à la disposition des utilisateurs du réseau. (Cass. crim., 16 Oct 2001 n° 00-85728)

• L’anonymat ne permet pas d’échapper aux poursuites

 La pratique des réseaux sociaux démontre que nombre de personnes courageuses mais étourdies oublient de décliner leur identité, lorsqu’elles déversent leur fiel sur la toile.
Elles n’en sont pas moins exposées que les autres, puisque la Loi du 26 juin 2004 dite Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) permet aux Procureurs de la République d’obtenir des hébergeurs la communication de l’identité des personnes qui ont participé à sa diffusion.
Son article VI.1 dispose que l’hébergeur ne pourra s’y soustraire, au risque sinon d’une peine d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 €.
Linkdin Viadéo et autres réseaux sociaux sont manifestement soumis aux mêmes règles et sanctions.

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