• Libre opinion publiée dans la revue de l'ASAF (association de soutien à l'Armée française)
Le général Philippe Mercier, ancien chef d’état-major de l’armée de Terre s’offusque de la radiation des cadres de l’armée de cet officier général qui avait participé à une manifestation non autorisée à Calais.
23 août 2016. Les Français sont en vacances, les journalistes aussi : c’est le bon moment. Par mesure disciplinaire prise par décret, signé par le président de la République, le général Christian Piquemal est radié des cadres de l’armée. La décision, qui ne sera pas publiée au Journal officiel, tombe dans l’indifférence générale… ou presque. Car pour ceux qui connaissent et estiment Christian Piquemal et qui suivent l’« affaire », ce qu’ils se refusaient à imaginer est bel et bien arrivé.
• Bref rappel des faits : le 6 février, le général Piquemal est arrêté de façon brutale, à Calais, à la fin d’une manifestation interdite par le préfet. Placé en garde à vue, il est libéré 48 heures plus tard et son jugement en comparution immédiate est reporté au mois de mai. Le 26 mai, le tribunal de grande instance de Boulogne- sur-Mer prononce la relaxe sans que le parquet fasse appel. Dans sa sagesse, que nous dit la justice ? C’était beaucoup de bruit pour pas grand-chose.
L’affaire semblait donc close. Eh bien non ! Quelle mouche a donc piqué les autorités politiques et militaires pour en rajouter en lançant une procédure administrative susceptible de déboucher sur la radiation des cadres, sanction tellement grave qu’elle n’a pas été prononcée depuis des décennies ? À supposer qu’il faille marquer le coup, un bon « remontage de bretelles » de la part du ministre n’aurait-il pas suffi ?
On imagine la suite : sous forte pression du cabinet du ministre, l’armée de Terre réunit son Conseil supérieur. Christian Piquemal comparaît devant ses pairs, qui se prononcent pour la radiation.
Cette décision de l’armée de Terre, dont on pourrait dire qu’elle s’est piégée « à l’insu de son plein gré » en se substituant au pouvoir politique pour faire le sale boulot, est évidemment navrante à plus d’un titre. Elle fait peu de cas du principe de solidarité qui constitue l’un des piliers de l’institution militaire, mais là n’est pas l’essentiel ; elle est inique et disproportionnée ; elle témoigne enfin d’une interprétation frileuse, si ce n’est désuète, du droit expression.
Voilà donc un officier général respecté de tous, qui a servi son pays pendant quarante ans de façon exemplaire, qui a fait partie du cabinet militaire du premier ministre et commandé la Légion étrangère et qui, brutalement, se voit signifier qu’il n’appartient plus à la communauté militaire. Mesure-t-on bien l’humiliation ressentie par un officier qui n’a ni péché contre l’honneur, ni vilipendé la République et ses représentants ?
Alors, pourquoi cet acharnement ? Le crime du général Piquemal, c’est d’avoir manqué au sacro-saint devoir de réserve auquel sont tenus les militaires. La Grande Muette doit se taire : « Circulez, il n’y a rien à dire » nous ont rappelé des bonnes âmes de tout bord. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la solidité des fondements juridiques du devoir de réserve. Mais surtout, à une époque où tout le monde, dans les médias et sur les réseaux sociaux, donne son avis sur tout, où le secret de l’instruction est régulièrement bafoué, où le manquement au devoir de réserve est aujourd’hui une réalité au plus haut niveau de l’État, les militaires n’ont de leçons à recevoir de personne dans ce domaine. Faudrait-il que les officiers généraux, qui ont le plus souvent acquis une expertise et une expérience reconnues au gré des responsabilités qu’ils ont exercées aussi bien au sein qu’en dehors de l’institution militaire, demeurent des citoyens de seconde zone, privés de toute expression publique et cantonnés à leur pré carré professionnel et encore à condition qu’ils n’y exercent pas leurs critiques ?
Manifestement, les officiers généraux ne l’entendent pas de cette oreille. Comme cela se pratique dans d’autres pays, ils estiment être en droit de donner leur avis sur les affaires du pays. Ainsi, des experts de talent contestent-ils certains choix opérés en matière de défense et de sécurité, ainsi, de hauts responsables exposent-ils à des élus ce que ceux-ci ne veulent surtout pas entendre. Bref, ils pensent, ils écrivent, ils sont présents sur les plateaux de télévision… Tout cela dérange. Déjà, le ministre de la Défense avait adressé des lettres de mise en garde à plusieurs officiers généraux. Récemment, un élu avait demandé au chef d’état-major des armées, à l’occasion d’une audition devant la commission de la Haute Assemblée, comment il entendait faire taire tous ces généraux.
Intimidation, menace, sanction, tout cet arsenal au service de la pensée unique n’est plus de mise. Il conviendrait d’en prendre acte.
On comprend mieux, dès lors, le dénouement de l’affaire Piquemal. Il fallait donner un coup de semonce. Le véritable tort de Christian Piquemal, qui n’en a dit ni fait plus que d’autres, est d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment. Il fallait un bouc émissaire, et ce fut lui.
On a connu la République plus généreuse, dans des affaires autrement graves qui visaient à la déstabiliser. À juste raison, elle avait su, le temps venu se montrer magnanime. Souhaitons qu’elle le soit encore.
Oui, il faut sauver le soldat Piquemal.
Général (2S) Philippe Mercier, a
ncien chef d’état-major de l’armée de Terre
Une vidéo montrant ce général proférer des insultes racistes et xénophobes circule sur internet. Faut-il rappeler que c'est un délit ? Mais, il n'était pas poursuivi pour cela. Participer à une manifestation interdite peut se concevoir pour un citoyen lambda, mais pas un général, fut-il à la retraite. De par sa position, celui-ci est toujours tenu à un devoir de réserve. Tout corps de l'administration possède ses propres instances de discipline, notamment l'armée qui dispose en cas de besoin d'une cour martiale. C'est même une garantie pour les fonctionnaires que d'être jugés par leurs pairs. C'est également une garantie de neutralité pour notre démocratie. À lire les arguments rapportés ici, faudrait-il croire que des serviteurs de l'armée pourraient s'affranchir de toute règle de discipline ? C'est le monde à l'envers...
RépondreSupprimerMerci.