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mardi 12 avril 2016

Michelle Cazanove,
sous-préfète de Saintes :
« En Charente-Maritime, je reviendrai
chercher des émotions » !

Elle a été la première femme sous-préfète de Saintes, nommée en mai 2012, après avoir occupé le même poste à Langon. Cette personnalité rigoureuse et ferme, comme l'exige la fonction, a toujours été empreinte de naturel. Grande, le regard franc, pas snob, Michelle Cazanove a gardé de ses origines toulousaines un accent qui donne à ses conversations une intonation chantante. Attentive aux autres, soucieuse de l'environnement qui l'entoure, cette humaniste ne pouvait qu'apprécier la Saintonge, région de la façade atlantique qui conjugue la tolérance et l'esprit d'entreprise. A l'heure de la retraite, qu'elle prend dans le département de l'Aude, elle revient sur sa vie professionnelle. Lors du dernier conseil départemental, à La Rochelle, le président Dominique Bussereau a salué son travail ainsi que les élus qui l'ont côtoyée pendant quatre ans. 
Un page se tourne, mais elle restera active, à n'en pas douter. Pour l'instant, son successeur n'est pas encore connu. Le sous-préfet de Jonzac, Frédéric Poisot, assure l'intérim.

 
• Michelle Cazanove, quand vous étiez étudiante à Toulouse, pensiez-vous être un jour sous-préfète de Saintes ?

Non. Je remercie le hasard qui m'a fait prendre cette voie. Je suis issue d'une famille de commerçants. Mes grands-parents étaient boulangers. Nous ne sommes que deux fonctionnaires, ma sœur enseignante et moi-même. Mon mari travaille dans les travaux publics.

• Vous avez choisi d'être une femme au service de l'Etat. Sont-elles traitées différemment des hommes ?


Au début oui. Quand je suis entrée dans la carrière préfectorale, il y a dix-sept ans, le fait d'être une femme était plutôt favorable parce que nous n'étions pas nombreuses : le pourcentage de femmes devait être remonté ! Après non. Bien que les choses progressent vite, les femmes sont encore en sous-effectifs, elles représentent 30%.
Je n'ai jamais considéré qu'être une femme était une situation différente que d'être un homme ! C'est une question de caractère. Quand j'étais étudiante à Toulouse et que je prenais un café sur la place du Capitole, je n'étais ni différente, ni inférieure à mes camarades masculins. En revanche, je comprends que certaines femmes puissent avoir un autre sentiment.

• Comment les élus saintongeais vous ont-ils accueillie ?

A tous ces messieurs, j'ai rappelé qu'on disait "Madame la sous-préfète" et non "Madame le sous-préfet" ! Ce n'est pas forcément joli à l'oreille, mais à partir du moment où ce terme est entré en usage et pour bien montrer qu'il y a des femmes dans la fonction, je tiens à ce qu'il soit utilisé. En ce qui concerne mes relations avec les élus, je n'ai jamais rencontré de problème. J'ai le sens de l'humour et je sais que mes jeunes collègues sont armées contre les éventuelles réflexions !

• Vous quittez Saintes au moment où la CDA est en pleine "effervescence" après avoir évincé son président Jean-Philippe Machon. Le territoire saintais a tout de même de beaux atouts à valoriser ?


J'ai vu naître la CDA avec le maire de l'époque, Jean Rouger. La CDA a pour elle une situation géographique centrale, elle est bien desservie par le train, l'autoroute. Elle a une histoire très riche, à la fois du passé mais aussi du progrès, le train, le développement de l'industrie et elle dispose d'atouts touristiques. C'est un territoire qui bouge et qui saura retrouver la sérénité. Le travail est perturbé quand une collectivité se trouve en émoi.

• Quels sont les dossiers concrétisés dont vous êtes satisfaite ? 

Tout ce qui concerne la cohésion sociale, la coopération entre les différents acteurs. Le territoire manquait un peu de cohésion. La rénovation urbaine est terminée, c'était un beau projet qu'il faut garder vivant ! Le contrat de ville se déroule bien également. Des dossiers sont en cours.
Ce qui me chagrine par contre, c'est la crise économique avec le départ de Saintes du Crédit Agricole, la fin de la Wesper à Pons. En ce qui concerne Saintronic, l'Etat a fait tout ce qu'il pouvait, mais en vain. 170 salariés sont concernés, c'est énorme. Le chômage augmente sur ce territoire. Sur les secteurs de Gémozac et Saint-Porchaire, le tissu économique est plus réactif.
Il faut activer les réseaux et travailler en partenariat avec la Région. Au moment où je prends ma retraite, je reste préoccupée par la situation de l'emploi. Quand une partie de la population est sans travail, la paupérisation la guette.
Ce qui a plus manqué ici, c'est sans doute l'ingénierie. La CDA aurait dû se doter d'un outil, d'une agence de développement. Jean-Philippe Machon semblait prêt dans ce domaine, mais les crises internes sont déstabilisantes pour une collectivité.


Le nouvel agencement de la sous-préfecture de Saintes : 
des travaux dont se réjouit Michelle Cazanove
• Les territoires de Saint-Porchaire et Gémozac ne rejoindront pas la CDA de Saintes. Quelles en sont les causes ?

La compétence scolaire vraisemblablement. L'état des finances de la CDA n'est pas catastrophique, mais la capacité d'investissement est faible.

• Que peut apporter la nouvelle grande Région à Saintes ?

La nouvelle région ALPC peut apporter l'élan et un savoir-faire que l'on peut exporter. Bordeaux est à nos portes, nous avons tout à y gagner. C'est une opportunité très intéressante.

• Les cérémonies d'accueil dans la nationalité française ont été des moments importants dans l'exercice de vos fonctions ?


En effet. Je suis fière que des personnes choisissent la nationalité française. La France est un pays accueillant, ouvert, libre. Même si ces cérémonies sont un peu formelles, il y règne une ambiance chaleureuse. Je me souviens d'une femme qui a entonné la Marseillaise toute seule au milieu du salon de la sous-préfecture, bientôt rejointe par l'assistance. C'était très émouvant.

Cérémonie d'accueil dans la nationalité française

• Confronté au terrorisme, le gouvernement français a décrété l'état d'urgence et la sécurité des territoires est une priorité. La région saintaise est-elle confrontée à des situations de "turbulences" ?

Quand on est sous-préfet, la préoccupation première est d'assurer la sécurité tant lors d'événements ponctuels qu'au quotidien en traitant le problème de la délinquance par exemple. Sur Saintes et l'arrondissement en général, j'ai trouvé des élus locaux prêts à travailler en matière de prévention. La délinquance a reculé notablement ces dernières années grâce aux mesures prises. Jean Philippe Machon, maire de Saintes, a augmenté les effectifs de la police municipale. Avec le procureur et lui-même, nous avons établi des conventions de coopération entre les polices rénovées. De réels progrès ont été enregistrés. Le CISPD est à nouveau opérationnel. Sur le reste de l'arrondissement, les gendarmes font un gros travail. Toutefois, les vols, les cambriolages et la violence restent préoccupants.

• Saintes abrite-t-elle des personnes ayant rejoint les mouvements islamistes "radicalisés" ?

Le cabinet du préfet se charge directement de ces dossiers. Si nous recevons des signalements, nous les faisons remonter à La Rochelle. A Saintes, la communauté musulmane est calme et coopérative.

• Quel poste vous a le plus marquée durant votre carrière ?

Dans mon parcours professionnel, il y a Saintes… mais pas seulement. J'ai commencé ma carrière à Mantes la jolie. Dans cette ville, je me suis intéressée au social, à la politique de la ville, aux aménagements pour la population.
Le poste qui m'a le plus marquée humainement est lié aux inondations en 1999 qui avaient fait 32 morts dans le bas du Tarn et la Montagne noire. J'étais alors directrice de cabinet à Albi. Le gouvernement a ouvert une phase de reconstruction dans le Tarn et l'Aude. J'ai accepté cette mission gouvernementale qui m'a rapprochée de la population frappée par les événements. J'ai réalisé que la nature est indomptable ! Quand on détourne des rivières, il peut y avoir des conséquences. On ne joue avec la nature, il faut vivre en osmose avec elle. J'ai entendu les témoignages de personnes qui avaient tout perdu ; elles se trouvaient dans une détresse totale. Sous la responsabilité du préfet de l'Aude, j'ai travaillé avec les sinistrés, les institutions, les collectivités, les assurances, les organismes, les entreprises. J'ai fait des rencontres extraordinaires qui m'ont amenée à m'interroger sur la richesse que constituent les souvenirs pour tout être humain. Je me rappelle d'un grand-père qui pleurait ; les photos de sa femme, de sa famille, ses médailles aussi avent disparu. L'existence est faite de petites choses qui, les unes après les autres, cimentent l'existence. Ces signes de reconnaissance, que constituent documents personnels, albums, décorations, sont importants. Je me souviens aussi d'un bel élan : ces hommes et ces femmes meurtris avaient envie de reconstruire…

Michelle Cazanove aime le monde artistique, culturel et le patrimoine. 
En Saintonge, elle a été gâtée tant à Saintes que dans la région, 
célèbre pour son chapelet d'églises romanes.
• L'heure de la retraite a donc sonné. Une page se tourne. Quels souvenirs garderez-vous de la Charente-Maritime ?

Avec mon mari, nous nous installons dans un petit village de l'Aude avec pour horizon les montagnes et la Méditerranée à soixante kilomètres. Quels souvenirs que je vais garder ? Le patrimoine est formidable dans toute la région, que ce soit la petite église de Rétaud ou l'Abbaye aux Dames de Saintes. J'adore la musique classique et vous me reverrez sans doute au prochain festival ! Je pense aussi à La Rochelle, aux Francofolies, à Jonzac où se déroulent des concerts remarquables. Tout ce patrimoine vivant. Que des commune puissent consacrer de l'argent à la culture et à son rayonnement est une action forte.
Je partage avec mon époux la passion de l'art roman. Il m'arrive de chanter dans les églises où l'acoustique est formidable. Je pense en particulier à la crypte de Saint-Eutrope à Saintes. En Charente-Maritime, je reviendrai chercher des émotions, la mer, les villages pittoresques comme Talmont, les édifices, les manifestations estivales, l'histoire...

• Dynamique comme vous l'êtes, votre retraite sera forcément active ?


Je vais aménager la maison, y planter des fleurs et prendre mes marques. Je vais aussi prendre soin de mes proches, de mes petits enfants. Ensuite, je ferai le tour de la famille, j'ai manqué trop d'occasions en raison de mes fonctions professionnelles. Maintenant, je serai plus souvent avec eux. Nous allons également prendre des vacances ; j'aime l'Europe, l'Italie, l'Espagne. A la rentrée, je pense que je rejoindrai les associations que j'ai quittées quand je suis entrée dans le corps préfectoral, le logement, les restos du cœur, les associations humanitaires, l'encadrement d'orphelinats à l'étranger. J'espère qu'on a encore besoin de moi quelque part !


• L'un des objets symboliques que Michelle Cazanove conserve dans son bureau : « La truelle, c'est construire et reconstruire » dit-elle.

• Michelle Cazanove quitte Saintes avant que le projet du site Saint-Louis et du vallon des arènes n'ait vraiment avancé. « Je vais rester connectée » dit-elle, même si elle préfère grandement la version papier au numérique !

• C'est en 1998 que Michelle Cazanove a été nommée sous-préfète pour la première fois,
directrice de cabinet du Préfet du Tarn. A partir des années 2000, elle est successivement en poste dans l'Aude, les Alpes Maritimes, Marmande, la Bourgogne, Langon en Gironde et Saintes. Elle y a succédé à Thierry Tesson, ex-directeur de cabinet de Fadela Amara, démis de ses fonctions par un décret du président Sarkozy.

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