Un simple hommage ne suffira pas à décrire la vie aux multiples facettes de Xavier de Roux. L'annonce de sa mort, jeudi en fin de journée, a provoqué la consternation. Libéré des vicissitudes terrestres, il a rejoint ses frères et sœur disparus. Une fratrie de onze enfants, éprouvée par un sort cruel, frappant Gabriel, Charles-Henri, Dominique l’écrivain, Jacques le navigateur, Hervé l’archéologue, Emmanuel le journaliste, Jean-Louis et Marie-Hélène. Il restait le seul garçon aux côtés de Monique, artiste peintre, et Béatrice, psychologue renommée.
De ces vides, « du gravier de ces vies perdues », il avait appris le détachement qui offre le recul face aux événements tragiques.
Xavier de Roux a grandi à Alger où son père dirigeait la Banque d’Algérie. L’ambiance de cette ville d’Afrique du Nord a façonné sa jeunesse. Il n’a jamais oublié le port, les boutiques, les couleurs et les odeurs. Un de ses amis, prénommé Xavier comme lui, se rappelle combien ils aimaient s’amuser dans les ruelles, insouciants, ou sur le toit des immeubles à observer les déambulations des fatmas.
Le retour en France n’en fut que plus difficile : « il faisait gris, j’ai eu un choc quand j’ai mis les pieds à Paris » disait-il. C’est là qu’il a fait ses études au lycée Louis le Grand, puis à la faculté de droit avant d’entrer dans le cabinet Gide... tout en s’interrogeant sur deux autres professions qui l’intéressaient : le journalisme et le cinéma (il tint d’ailleurs une rubrique à Télé 7 jours « Monsieur Réponse à tout » et tourna un film). Il choisit finalement le Barreau dont il gravit les échelons, dirigeant plus tard le cabinet d’affaires Gide, Loyrette et Nouel.
Spécialisé dans le droit international, de grandes affaires lui furent confiées au Tribunal Pénal International que présidait alors Carla del Ponte, les dossiers relatifs à la Serbie en particulier.
En France, il s’est illustré dans des dossiers célèbres dont "les avions renifleurs" sous Giscard d’Estaing (des inventeurs avaient convaincu le président qu’ils disposaient d’un appareil pouvant renifler le pétrole) ou en défendant Yves Chalié, chef de cabinet de Christian Nucci, alors ministre de la coopération. La mallette de François Mitterrand dans l’affaire du Carrefour du Développement (sommet africain) fit grand bruit. C’est sans doute l’une des rares fois où Xavier de Roux avoua à son entourage avoir placé un revolver (il avait un port d’arme) dans sa boîte à gants car se sentant menacé.
Archives : le préfet Gilard, le sous-préfet de Saintes Pellacœur, Michel Doublet, Xavier de Roux, Marcel Vallet |
Cet art oratoire et cette volonté de faire avancer les territoires dont celui qu’il représentait, les Charentais-Maritimes les ont appréciés lors de ses mandats électoraux, maire de Chaniers durant plus de trente ans, conseiller général et député par deux fois. Il avait entre autres créé le Pays de Saintonge Romane. Xavier de Roux aimait l’arène, c’est pourquoi il ne craignait pas les campagnes électorales où ses détracteurs, pensant le blesser, le traitaient de « salonnard parisien » ou « d’aristo né avec une cuillère d’argent dans la bouche ». Ces attaques le faisaient réagir à chaque fois. Habituelles, elles dénotaient que ses opposants n’avaient pas compris grand chose à son enfance passée à Chaniers, commune où il se sentait bien. Avoir conservé aussi longtemps les rênes de cette ville, dont il avait changé la physionomie en réorganisant le bourg et ses environs grâce à l’architecte Hervé Audinet, n'était pas un hasard.
A l’Assemblée Nationale, vice-président de la Commission des lois, il a apporté sa pierre à l’édifice, même s’il trouvait que la République était trop frileuse en certains domaines. Localement, il a toujours cherché à valoriser Saintes et sa région. Il est à l’origine des Entretiens de Saintes qui attiraient chaque année tout le gratin juridique de la capitale à l’abbaye aux dames. Il a œuvré pour la création du Paléosite de Saint-Césaire, soutenant René Boucher dans la démarche d’un centre d’interprétation de l’homme de Neandertal, assorti de conférences réunissant les plus grands spécialistes dont Yves Coppens.
A cette vie déjà bien remplie, s’ajoute la publication de plusieurs livres sur le droit européen (il était spécialiste du droit de la concurrence et de la consommation ainsi qu'en droit pénal des affaires) et plus généralement sur la marche du monde (« Une fin de siècle » et « Chroniques impertinentes »).
Nicolas Sarkozy en visite dans la circonscription de Xavier de Roux |
Xavier de Roux aimait Chaniers sincèrement. C’est là qu’enfant, il passait ses vacances quand il pêchait dans la rivière avec Jacques et vendait ses poissons aux restaurants ou qu’il discutait avec les gens de Port Hublé, proches du milieu cheminot, qui l’initièrent à la vie simple de la campagne. Cette passion pour la chasse et la pêche ne l’a jamais quitté et il ne ratait pas une ouverture ! On se souvient d’ailleurs de ce formidable concours de pêche qu’il l’avait opposé à Philippe Marchand, au bord de la Charente, et de ses escapades dans le marais qui restait pour lui un lieu privilégié. Là ou l’on entendait l’outarde canepetière et le râle des genêts en guettant le poisson.
Ajoutons à ces activités un goût prononcé pour la cuisine - activité qui l’avait séduit lors de son premier stage d’avocat aux Etats-Unis où il avait collaboré, pour le plaisir, au restaurant « Jacqueline et Jacqueline » - et cette joie de partager la convivialité, le rapprochant de la bonne chère de Rabelais !
Ainsi était Xavier de Roux, homme de mouvement et amoureux de la nature, toujours prêt à refaire le monde et surtout à en rire avec une franche dérision. Son journal « L’Echo des arènes » avait pour slogan la citation de Beaumarchais « sans la liberté de blâmer, il n’y a pas d’éloge flatteur ». Presse créée sur ses deniers personnels quand d’autres élus utilisent l’argent public pour vanter leurs mérites. Dans ses colonnes, il aurait pu exposer son périple préféré et véridique. Il met en scène l’ancien député-maire de Royan, Jean Noël de Lipkwoski qui, sur les conseils de Jacques Chirac, devait rencontrer des responsables indiens afin de dépolluer l’eau du Gange. La France avait soit-disant une nouvelle technologie pour y parvenir. Pour qui a vu l’eau du Gange, le pari était osé et aucune formule miracle ne fut trouvée ! Xavier de Roux adorait raconter cette histoire qui provoquait l’hilarité générale. Et il en avait d’autres en réserve !
Xavier de Roux et l'astrophysicien Hubert Reeves, invité des Entretiens de Saint-Césaire |
Du ciel qui l’accueille, qu’il nous envoie la lumière. Nous en avons bien besoin.
Séance de dédicaces à la Maison de la Presse de Saintes. |
Quel beau résumé. Merci
RépondreSupprimerTrès bel hommage.
RépondreSupprimertrès bel hommage pour un grand homme et un élu admirable
RépondreSupprimerjp adit beau resume je garde le souvenir d un tres grand homme de coeur et de tres bonne recontre au pay de saintonge romane
RépondreSupprimerCet homme a toujours forcé l'admiration. Je suis peiné pour ses proches. Ils ont eu la chance de connaître et de vivre près d'un grand homme,il aura été de ceux qui laissent une très forte empreinte. Monsieur De Roux, Nicole Bertin parle si bien de vous, qui mieux qu'elle vous rendra si bel hommage ?
RépondreSupprimerMonsieur Xavier de Roux était une personnalité considérable, et très légitimement considérée.
RépondreSupprimerCet homme de vérité était passionné par la recherche de cette vérité. L'auteur de ces lignes eut l'occasion de le vérifier voici plusieurs années à la faveur d'une minable affaire privée dont il sortit blanchi, et dont Monsieur Xavier de Roux fit solidairement état dans les colonnes de « L'écho des arènes ». Publication qui valut à « L'écho des arènes », un procès du même acabit que le précédent, intenté par le même personnage, qui fut débouté une seconde fois.
Très bel hommage, respect à cet élu qui a porté haut le Pays de Saintonge Romane.
RépondreSupprimerMerci à Madame Bertin et sincères condoléances.
Vous avez raison Madame Bertin, que la lumière parvienne jusqu'à nous en ces temps bien troubles lorsque les hommes de bonté ne sont plus là pour nous la donner. Monsieur de Roux a été un homme de lumière et d'humanisme. Pour avoir travaillé longtemps à ses côtés au Pays de Saintonge Romane dont cinq années en tant que directrice et collaboratrice directe,je peux témoigner de la confiance qu'il savait accorder, de la compréhension fine qu'il avait des choses et des gens, de la grandeur d'esprit qui l'animait. Je le remercie sincèrement pour toutes ces années d'heureuse collaboration et tout ce qu'il a permis de faire émerger sur le territoire de la Saintonge Romane. Je suis bien triste de lui dire au revoir si tôt. Il nous manquera beaucoup.Avec mes sincères pensées pour ses proches.
RépondreSupprimerTrès bel hommage, sincères condoléances.
RépondreSupprimerQuel beau texte ! J'aurais aimé l'écrire! J'étais avec lui au PORT-Hublé dans les années cinquante.... La Charente, le bac, les baignades, les travaux des champs, les "collations" à l'ombre des frênes... Nostalgie quand tu nous tiens ! Je l'ai ensuite côtoyé à Paris et souvent dans le TGV. Sa disparition me bouleverse, je pense chaque jour à lui.
RépondreSupprimerUn ami d'enfance
Xavier de Roux. l'incarnation de la fidélité en amitié, tu manqueras beacoup à tous ceux qui ont eu le bonheur de te connaître.
RépondreSupprimerA bientôt ton ami du Maroc
Seddik