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mardi 10 mars 2015

Transparence de la vie politique :
Les péripéties de Jean-Paul
avec l'Administration...

• Vous avez dit transparence ? 
s'interroge Jean-Paul le Saintongeais...
Il raconte ses différents échanges téléphoniques avec l'Administration




Suite à différentes affaires, la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique permet à présent de lutter contre les éventuels enrichissements personnels et autres conflits d'intérêts durant les mandats électifs ou ministériels. La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) est chargée de mettre en œuvre cette noble mission républicaine de collecte et de diffusion de l'état des revenus et patrimoines de nos (très) chers élus, députés, sénateurs, conseillers généraux, régionaux et leurs présidents, ministres, etc. 
Afin de comparer l'évolution des situations personnelles concernées, les déclarations sont établies et déposées à l'entrée puis en sortie de mandats. Comment est appliquée cette nouvelle loi  ? Il suffit par exemple d'appeler la HATVP au 01 72 60 58 70 pour en savoir plus et vérifier s'il se cache des humains derrière ce sigle barbare. Voici mon expérience personnelle :

 - Bonjour.  Je souhaiterais obtenir quelques informations concernant les déclarations d'intérêt des parlementaires
- HATVP : ne quittez pas, je vous passe le service
- Bonjour , etc...
- HATVP : bonjour . Qui êtes-vous ?
- Je suis un simple citoyen qui paye ses impôts et qui souhaite s'informer directement auprès de vos services
- HATVP : pardon. J'avais cru que vous étiez un parlementaire. Que souhaitez-vous savoir ?
- Je voulais connaître par exemple le délai au bout duquel un nouvel élu était tenu de publier sa déclaration d'intérêts.
- HATVP : 2 mois.
- Ah bon ! Parce qu'il semblerait que certains de ces nouveaux élus depuis septembre dernier n'ont toujours pas déposé ce document auprès de vos services. Or, nous sommes au premier trimestre 2015. Y-a-t-il une sanction si le nouvel élu ne dépose pas sa déclaration dans les délais impartis ?
- HATVP : non, il n'y a pas de sanction. Mais vous savez, nous avons des milliers de déclarations à vérifier. Et puis, il y a des dispenses .
- vraiment ? quel genre de dispenses ?
- HATVP : par exemple, s'il s'agit d'un sénateur ou d'un député qui est également maire, qui a donc déjà établi auparavant sa déclaration. A ce titre, il n'est pas tenu de la refaire en tant que sénateur ou député.
- Et où peut-on consulter cette déclaration d'intérêts concernant les maires ?
- HATVP : on ne peut pas consulter ces déclarations. Elles ne sont pas diffusées.
-Tiens donc ! Vous me dites que les déclarations des maires ne sont pas diffusées ?
- HATVP : non, c'est la loi .

S'ensuit un échange très embrouillé à l'issue duquel il est difficile de savoir si du fait que le député ou le sénateur-maire, étant à la fois maire, il n'est pas tenu de déposer à nouveau sa déclaration d'intérêts au titre de député ou maire, et du coup, il est  possible ou non de prendre connaissance de la déclaration du député ou sénateur en question, etc...
A la lecture du texte de loi, il apparaît que seuls les maires des communes de plus de 20 000 habitants sont tenus d'établir une déclaration d'intérêts.

Le dialogue se poursuit.
- Dites-moi svp, quelles sont les démarches nécessaires pour pouvoir consulter les déclarations de patrimoines des parlementaires dans une préfecture ?
- HATVP : je ne peux pas vous répondre
- Ah bon ? Pourquoi ?
- HATVP : ceci concerne les préfectures.
- Très bien. Je vais me renseigner auprès de la mienne. Je vous remercie pour ces renseignements. Mais avant de vous quitter, je voudrais vous demander si la HATVP est souvent consultée sur ce sujet par de simples citoyens comme je viens de le faire ?
- HATVP : je ne peux pas vous répondre.
- Pourquoi donc ? On ne peut pas connaître le nombre de citoyens qui vous interrogent ?
- HATVP : non, je ne peux pas vous répondre. Mon statut professionnel, mon contrat me l'interdisent. - Ah bon ! Merci et bonne journée. 

Allons donc consulter à présent les services de la Préfecture. 


- Bonjour, je voudrais connaître les démarches à effectuer pour pouvoir consulter les déclarations de patrimoines des parlementaires
- Préfecture : ne quittez pas, je vous passe le service
- Oui, bonjour, je voulais savoir, etc.
- Préfecture : nous ne détenons pas ce genre de documents. Il faut vous adresser à la HATVP
- C'est la HATVP qui m'a indiqué que je devais m'adresser à vous.
- Préfecture : Ah ?
- Bon. Vous pouvez peut-être m'indiquer simplement les modalités pour une consultation ?
- Préfecture : je vais en parler à mon chef de service et je vous recontacterai plus tard. Je peux avoir vos coordonnées svp ?

Face à un tel flot de transparence, totalement ébloui par cette républicaine lumière, il a bien fallu se résoudre à prendre connaissance d'un texte de loi que par définition, nul n'est censé ignorer. Et là... surprises !

• Première surprise : une exception importante 
A moins que ce détail important n'ait échappé à l'attention de l'humble et très incompétent citoyen de base lecteur du texte, à aucun moment, dans la longue liste des personnes assujetties aux obligations de la loi, n'apparaît la qualité de président de la république. Celui-ci n'est donc pas contraint à déclarer l'état de son patrimoine, ni celui de ses divers revenus.

•  Seconde surprise : la transparence s'opacifie 
Alors que les déclarations d'intérêts sont consultables directement sur internet (tout de même un certain temps après une élection!), il n'en va pas de même pour les déclarations de patrimoines. Effectivement, il est possible à tout citoyen de se rendre en préfecture pour les consulter. Il est obligatoire préalablement de décliner sa qualité d'électeur dans la circonscription concernée, et donc de fournir carte d'électeur et pièce d'identité. La HATVP transmettra le dossier à la préfecture sur la demande de celle-ci qui convoquera ensuite le petit curieux. Ce dernier, sous l'œil attentif du fonctionnaire de service, pourra consulter un document papier, sans prendre de notes, ni demander une copie. Si par mégarde, tout ou partie du contenu du très passionnant document consulté est diffusé, le petit curieux indiscret sera gratifié d'une amende de 45000 € ! La loi avait prévu initialement un an de prison en prime. Mazette, heureusement que la galère a disparu ! Après discussion, cette pénalité supplémentaire fut heureusement supprimée.

• Imaginons quelques situations exemplaires 
1/ Ce n'est pas précisé dans le texte de loi, mais on imagine que l'élu en question sera informé qu'un petit curieux s'intéresse à son patrimoine, n'est-ce pas ? Et au nom de la transparence, ce parlementaire, par exemple, sera informé des coordonnées du petit curieux. Or, malencontreusement, le petit curieux ou l'un de ses proches travaille dans une activité qui dépend de près ou de loin de l'élu sur le patrimoine duquel il porte son intérêt... Ou toute autre situation tout aussi embarrassante liant le parlementaire et le petit curieux... De quoi décourager toute velléité de transparence républicaine !
2/ En cas de fuite concernant le très passionnant document consulté, étant donné que la liste des indiscrets consultants sera collationnée précieusement en préfecture, est-ce que ces méchants supposés contrevenants seront collectivement sanctionnés pour éventuellement la faute d'un seul ? (Non, non, Mesdames et Messieurs les déclarants, ne remerciez pas l'auteur de ces lignes qui vient de cette façon, indirectement, de vous rendre un fier service en décourageant par avance toute tentative indiscrète !)

• En résumé 

La lecture du texte de loi, bien qu'assez rébarbative et souvent peu claire, réserve encore quelques surprises. De toutes façons, en ce qui concerne la constitution de leur patrimoine personnel, nos (trop) chers élus, notamment sénateurs et députés, ont la faculté d'en bâtir ou d'en compléter une bonne partie au cours de leur mandat, et ce d'une manière tout à fait légale. Parmi d'autres sources, il n'est qu'à visionner l'émission «Pièces à conviction» qui a été diffusée sur France 3 le 28 janvier dernier, pour s'en convaincre.
Jeunes futurs bacheliers qui préparez votre avenir, pensez donc à la politique. C'est un très bon métier très gratifiant, agrémenté de nombreux avantages et qui paye très bien. Surtout une fois que l'on en a compris les subtils mécanismes. Et que, grâce à la miséricorde et l'amnésie des électeurs, l'on est sur les bons rails d'un bon train de vie, pour une très longue et très lucrative carrière toujours reconduite !

Jean-Paul Négrel 
site : la-cagouille-libre.fr

Un livre à découvrir

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