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vendredi 5 décembre 2014

Communauté d’agglomération de Saintes :
« une collectivité qui a un train de vie supérieur à ses recettes, ça me dérange » déclare Eric Pannaud, vice-président

Que cache l’héritage de Jean Rouger ? 

Tous deux élus en mars dernier, Jean-Philippe Machon, maire de Saintes, et Eric Pannaud, maire de Chaniers, ont des responsabilités à la Communauté d’Agglomération de Saintes. L'un en est le président, le second vice-président chargé des affaires scolaires. 
Portée sur les fonts baptismaux le 1er janvier 2013, sa création fut le « grand moment » du mandat de Jean Rouger, alors premier magistrat. On se souvient combien il était heureux d’annoncer l’événement ! ll faut bien avouer qu’il avait mouillé sa chemise pour regrouper 36 commues (59000 habitants), exercice où il avait rencontré quelques obstacles. 
Dès lors, la CDA connut une « envolée » et Jean Rouger était convaincu que n’ayant pas démérité, cette nouvelle collectivité lui assurerait sa réélection. 
Malheureusement, « les roses ne durent que l’espace d’un matin » disait le poète Ronsard. En mars dernier, les électeurs ont choisi la liste opposée, conduite par Jean-Philippe Machon. Une page s’est tournée. Aux commandes, la nouvelle équipe a hérité, entre autres, de la gestion de la CDA. Soucieux d’obtenir une comptabilité clairement détaillée, Jean-Philipe Machon a alors demandé un audit. 

CDA : Le fonctionnement absorbe toutes les recettes 

Jean Philippe Machon, président de la CDA et maire de Saintes
Quelles sont les conclusions de cet audit ? Jean-Philippe Machon admet qu’elles ont révélé « une situation tendue ». Certes, il n’y a pas de dettes, mais les concours de l’Etat sont en diminution et la section de fonctionnement absorbe tout, empêchant l’investissement. En effet, 70% des dépenses de la CDA sont liées aux charges de personnel.
Que faire ? Le président ne critique pas son prédécesseur dont il peut comprendre les ambitions : « Pour lui, l’essentiel était de constituer cette CDA. Elle a été faite dans la rapidité, avec sans doute un manque de réflexion. Aujourd’hui, elle existe et c'est un outil à valoriser ».
Il envisage de travailler différemment. La partie la plus délicate sera de réduire le personnel : « les salariés partant à la retraite ne seront pas renouvelés ainsi que des contrats. Nous allons également réévaluer le niveau des services ».

2014 : l'élection de Jean-Philippe Machon à la présidence de la CDA
L’objectif poursuivi est d’insuffler une nouvelle dynamique au territoire et pour y parvenir, il souhaite développer le secteur économique : « Nous n’avons pas de foncier à proposer aux investisseurs. Nous sommes donc en train de bâtir une offre attractive sur la zone des Charriers, la route de Cognac, etc ». La seconde priorité est de donner à Saintes une véritable dimension touristique par l’aménagement de la vallée de la Charente et la valorisation du vallon des Arènes : « Pourquoi les arènes ne deviendraient-elles pas, comme l’Hermione à Rochefort, un chantier de rénovation ouvert au public ? Nous avons la chance d’avoir un vallon peu construit. Nous pouvons lui donner une dimension archéologique qui le distinguera, avec la création d’un musée consacré au gallo-romain, et d’un espace dédié à la recherche avec l’organisation de colloques, la venue de chercheurs. Il faudra une bonne dizaine d’années pour ce projet se concrétise, c’est pourquoi nous devons le lancer dès maintenant ».

Le vallon des arènes
S’y ajoute le site Saint-Louis, l’ancien oppidum de Mediolanum Santonum, qui pourrait accueillir un grand hôtel et des appartements, tout en conservant ses parties historiques.
« Tous ces projets doivent être portés par la CDA. C’est pourquoi il est urgent non seulement d’équilibrer les comptes, mais de dégager des fonds pour l’investissement. Pour l’instant, les chiffres ne sont pas bons » souligne Jean-Philippe Machon, soucieux de tenir ses promesses électorales. Et d'ajouter :« Nous allons présenter notre premier budget début 2015. Je veux savoir où nous allons. Nous y travaillons avec l’ensemble de maires ».

Plus généralement, Jean-Philipe Machon est favorable à une mutualisation des moyens. Il mise sur un rapprochement avec Rochefort et La Rochelle (via le CGPME, Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises) et de Cognac, même si cette ville n’est pas en Charente-Maritime. « Nous ne sommes plus à une époque où les partenariats s’arrêtaient aux frontières administratives » souligne-t-il justement.


•  Eric Pannaud : 
« Les charges de la CDA ont été mal appréciées » 

Cet informaticien de 49 ans , successeur de Xavier de Roux à la mairie de Chaniers, est vice-président de la CDA chargé des affaires scolaires. 


Au centre, Eric Pannaud, nouveau maire de Chaniers et vice-président de la CDA
La situation qu’il a découverte à la CDA le laisse méditatif : « ça me gêne que les dépenses d’une collectivité soient supérieures à ses recettes. Bien sûr, l’Etat a annoncé qu’il allait réduire ses subventions, mais s’y ajoutent des éléments qui font que la CDA ne tire pas son épingle du jeu, tels les coûts de garderie pré-scolaires qui apparaissent bas pour les communes et coûtent très cher à la CDA. Les ex-responsables ont fait des choix pour les cantines comme les circuits courts, les produits bio. C’est bien, mais il aurait fallu en étudier le financement ».
Le niveau de certaines charges aurait été mal apprécié : ainsi les deux piscines de Saintes et celle de Saint-Césaire seraient déficitaires d’un million d’euros. Il y a tout de même une réforme qui ne pèse pas sur les comptes, celle des rythmes scolaires que financent les communes, l’Etat, la CAF et les parents à hauteur de 10 euros par an : « elle est parfaitement maîtrisée. Bien sûr, elle repose entre autres sur les municipalités qui versent 100 euros par enfant. Pour Chaniers, cette somme représente 34000 euros. Le transport des élèves est assuré par le Conseil général jusqu’en 2016. Après, on ne sait pas ». La CDA, par contre, a pour compétence le transport des passagers. Dans ce domaine, ce ne serait pas la panacée : bien en ville, décevant dans la première couronne, inexistant plus loin. « Ce budget est particulièrement déficitaire»…

Au sujet du nombre d’emplois de la CDA, Eric Pannaud estime qu’il serait judicieux de rationaliser et réorganiser le système. « La ville, la CDA et le CCAS emploient 1200 agents. La semaine dernière, le maire les a réunis pour répondre à leurs questions. Il a présenté la nouvelle gouvernance qu’il veut mettre en œuvre. Certains services seraient soit mal rendus, soit trop onéreux. Il est évident que les salariés sont inquiets pour leur avenir et je les comprends, mais la CDA ne peut continuer à consacrer toutes ses recettes dans le seul fonctionnement. Il s’agit d’une situation dont nous avons hérité et non d’une situation que nous avons provoquée ».
L’élu estime qu’on peut réaliser des économies. « Les cantines par exemple, il est apparu que des communes faisaient appel à des commerces qui vendaient le double qu’à Saintes. A Saintes, le coût d’un repas est estimé aux environs d’1,70 euro. Dans quelques communes, il atteint 4 euros ! Une harmonisation est nécessaire. C’est pourquoi nous venons de lancer un appel d’offres qui privilégie d’abord la qualité des denrées, puis le prix. Les plis seront ouverts le 5 janvier prochain. Nous avons tenu à ce que les prestataires locaux puissent y participer. Si on économise 0,10 centime, cela fera au final 60.000 euros. Nous avons 45000 repas par jour à servir sur le territoire de la CDA ».

Réunion de la CDA
La CDA est née le 1er janvier 2013. Jean Rouger (PS) en a été le premier président
A la question : avez-vous été surpris par d’autres points du budget de la CDA élaboré par Jean Rouger ? Eric Pannaud répond positivement : « on s’est aperçu par exemple que la cotisation pour la Saintonge Romane, quelque 270.000 euros, n’avait pas été inscrite alors qu’elle était logiquement due. Il s’agissait d’une décision politique quand on connaît les rapports qu’entretenaient Jean Rouger et Xavier de Roux. Jean Rouger souhaitait la disparition du pays de Saintonge Romane. Il a survécu et se porte bien ! ».
On parle aussi d’oublis concernant les écoles privées Jeanne d'Arc, Recouvrance, Marie-Eustelle, dont les subventions n’auraient été que partiellement versées (elles porteraient sur plusieurs centaines de milliers d’euros). Choix politique à nouveau ? Plus que la CDA, ce serait plutôt à la ville de régler cette somme, dit-on.

Parmi les autres problèmes, s’ajoutent celui des ordures ménagères : faut-il rester en régie, déléguer ou travailler avec le syndicat départemental ? Pour ne rien cacher, là encore, des agents sont concernés par ces futurs changements.

« Pensez-vous qu’en 2015, vous dégagerez de l’investissement ?», Eric Pannaud pense que non : « il faudra au moins deux ou trois ans avant de faire ressortir des excédents ». On peut toujours augmenter la fiscalité mais sur ce chapitre, le maire de Chaniers (comme celui de Saintes) reste prudent : « les impôts ne cessent d’augmenter et les citoyens constatent que les services ne suivent pas forcément. Leur irritation est perceptible et leurs interrogations légitimes ».
L’élu est hostile au chevauchement des compétences : « le manque de clarté ne suscite que des lourdeurs. Les collectivités sont efficaces quand elles ont chacune leurs créneaux d’intervention. Si elles font la même chose, ça ne peut pas marcher. Je prends l’exemple de la Voie Verte. Il s’agit d’aménager un parcours le long de la Charente, initié par la CDA. Le Conseil général a entrepris une démarche identique. Conséquence, le projet est bloqué. J’en arrive à me demander si nous ne sommes pas chacun d’un côté du fleuve ! Ce serait plus efficace si nos services travaillaient ensemble ».

Eric Pannaud représente la nouvelle génération d'élus issus des Municipales de mars 2014
Eric Pannaud est entré de plain pied dans la vie publique saintongeaise : « à la mairie, j’avais l’habitude des dossiers. Elu en 2001, je suis devenu maire adjoint en 2008. A la CDA, c’est différent. D’une part, il n’est jamais agréable de trouver une situation qui ne correspond pas à vos attentes et d’autre part, il n’est guère sympathique de recevoir les réflexions d’élus qui, faisant preuve d’une remarquable amnésie quant aux décisions qu’ils ont votées avec l’ancienne direction, veulent vous donner des leçons »

Bref, nous ne doutons pas que cette nouvelle équipe saura faire preuve de volonté et de dynamisme. Elle sera le témoin des grandes évolutions territoriales avec l’avénement de la nouvelle région Aquitaine (Aquitania ?) qui réunira Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin : « je me demande ce que nous allons peser face à Alain Rousset…» s’interroge Eric Pannaud. Affaire à suivre !

Nicole Bertin

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