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samedi 11 octobre 2014

E.Fan, l’avion 100% électrique
est né à Royan ! Perspective
de commercialisation en 2017

Cet avion 100% électrique, conçu et fabriqué par l’entreprise ACS à Saint-Sulpice de Royan, est l’avion du futur. Supporté par Airbus Group, ce rêve devenu réalité a été porté sur les fonts baptismaux par Francis Deborde et Didier Esteyne. Doté de technologies avant-gardistes qui retiennent l’attention des spécialistes, l’avion présente l’avantage d’être particulièrement discret. Son autonomie de vol, qui n’est que d’une demie-heure, sera améliorée dans les mois à venir. Sa nouvelle version est destinée aux écoles de pilotage. Airbus Group envisage, en effet, la commercialisation d’un biplace pour 2017 conçu comme avion école. Il sera construit dans une usine (à bâtir) à Mérignac en Gironde. 
 Dimanche 12 octobre à Royan, l’Académie de Saintonge a décerné aux concepteurs d’E.Fan le prix de l’innovation (doté par la famille de René Coutant, célèbre pour l’Aquarium de La Rochelle). Le rapport a été présenté par Bernard Mounier, membre de l’Académie et homme de télévision. 



Didier Esteyne, créateur de l’E.Fan :


« j’ai toujours eu une passion fondamentale pour l’aviation » 


• Didier Esteyne, vous êtes le concepteur de l’E.Fan. Comment vous est venue l’idée de cet avion électrique? Etes-vous ingénieur de formation ?

Non, j’ai plutôt un parcours atypique. Je viens des Beaux Arts où j’étais dans l’illustration publicitaire et le dessin technique. Comme j’ai toujours eu une passion fondamentale pour l’aviation, les choses se sont enchaînées, voire combinées. Mon père était pilote dans l’armée de l’air, mais il n’a pas influencé mon choix. Moi-même suis devenu pilote à l’âge de 25 ans. Je cumule à ce jour plus de 3000 heures de vol. Trois ans après avoir obtenu mon brevet, j’ai pris la décison de dessiner, de construire et de faire voler un avion. Au cours de ma carrière, j’ai conçu des aéronefs en France, au Mexique et aux Etats-Unis. Avec E.Fan, j’en suis à mon huitième appareil . A chaque fois, j’ai tiré parti des imperfections des modèles précédents. Le premier a été réalisé en 1983.

Didier Esteyne
• Quels étaient les défauts des sept premiers ?

Attention, tous n’étaient pas des avions électriques. Chaque avion était une nouvelle génération avec des particularités liées à des besoins identifiés. A chaque fois, c’était une évolution. Pour le Cri-Cri, premier quadrimoteur tout électrique créé par Michel Colomban, ingénieur de renom, j’ai mis au point la propulsion électrique avec mes collaborateurs. Avec E.Fan, c’est différent. Je l’ai conçu de a à z avec le concours et l’aide de personnes proches d’Airbus Group et celles d’ACS. Quand cette aventure a commencé à Saint-Sulpice de Royan, nous étions 9 environ. Au départ, il ne s’agissait que d’une part de l’activité de l’entreprise parce que nous n’avions pas de financement. Rapidement, les discussions avec EADS Innovations Works ont conduit à signer un partenariat. E.Fan est devenu une affaire primordiale pour l’entreprise ! C’était le chantier principal parce qu’il fallait construire l’appareil avant le salon du Bourget 2013 et le mettre en vol. Dix-huit personnes ont travaillé à sa « naissance ». C’était intense !

 • Comment E.Fan a-t-il été accueilli au salon du Bourget ?

Très bien et partout ensuite. Il est novateur et porte l’image de notre partenaire, Airbus Group mondialement connu dans le monde de l’aéronautique. • E.Fan fonctionne avec des batteries lithium-polymère. Quels sont ses particularités ? Il est 100% électrique, c’est novateur car il existe très peu d’avions électriques à ce jour. Il est propulsé par des « fans », c’est-à-dire des turbines sèches qu’on appelle des « ducted fan ». C’est le seul au monde à en disposer. La troisième particularité est qu’il dispose d’un roulage électrique, c’est-à-dire que l’avion se déplace au sol grâce à une roue à propulsion électrique. Ces trois caractéristiques sont essentielles. Il est très différent des autres avions électriques. Lorsque nous serons parvenus à obtenir plus d’autonomie, notre objectif est que l’E. Fan puisse servir aux écoles de pilotage. Actuellement, nous sommes sur le développement et les essais en vol d’un prototype qui n’est pas commercialisable en l’état. Mais nous sommes en train de forger l’avenir et écrivons une page d’histoire en quelque sorte puisque l’avion électrique en est à ses prémices…

 • Avez-vous l’impression d’être pionnier de l’aviation comme les premiers pilotes par exemple ?

A titre personnel, je dirai non parce que j’ai beaucoup de respect pour ces hommes qui étaient d’un courage extraordinaire. Quand les premières machines ont volé avec des succès et des accidents malheureusement, ils partaient dans l’inconnu. Nous, nous appartenons à une époque où nous disposons des connaissances et des travaux réalisés antérieurement. Nous ne sommes donc pas des pionniers ! Là où nous sommes inventeurs, inventifs et créatifs, c’est que nous utilisons les données disponibles pour les transformer et travailler sur d’autres modes de propulsion.

• Comment se pilote un avion électrique ? Est-il différent d’un avion normal ? 

Oui et non. Une fois que l’avion est en l’air, il se pilote comme un avion normal avec une particularité : il fait très peu de bruit, à l’intérieur comme à l’extérieur. C’est nouveau parce qu’un avion biplace à moteur thermique est bruyant. Il est également exempt de vibrations. Sur le plan du pilotage pur, il est donc proche de l’avion classique. En revanche, la différence notoire est qu’il faut utiliser l’avion électrique autrement. Pour obtenir une autonomie optimum, une voiture électrique ne doit pas se conduire comme une voiture thermique. Il en est de même avec l’avion électrique. Il faut être attentif de manière à économiser l’énergie en terme de masse embarquée. Sur le prototype, la manœuvre est manuelle ; sur les modèles futurs, elle sera automatisée.


• Quel est le poids des batteries électriques ? 

Les 120 batteries assemblées pèsent 137 kg. Le poids de l’avion, quant à lui, est de 600 kg au décollage. Chaque batterie est surveillée unitairement car les composants sont des éléments chimiques « subtils ». Cette énergie coûte cher en terme de masse. Pour obtenir la même énergie qu’avec un kilo de carburant fossile, il faut à peu près trente kilos de batterie. Les scientifiques travaillent sur ce problème dans le monde entier. Des progrès ont déjà été faits.

 • D’une façon générale, pensez-vous que les recherches sur les nouvelles énergies auraient pu être entreprises plus tôt ? 

 Ma réponse sera plus philosophique que politique. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il faut donner une vraie conscience au public de ce qu’est la pollution. On s’aperçoit que le sujet laisse des populations, des industriels, voire des Etats insensibles. Naturellement les choses évolueront, trop lentement à mon sens. Les recherches sur les énergies de transition, puis sur les énergies futures auraient pu commencer plus tôt il est vrai. Mais il y a un lobbying pétrolier considérable et il tiendra la planète pendant encore de décennies. Le pas que nous franchissons actuellement est une aventure collégiale, c’est pourquoi je suis optimiste ! Que nous soyons associés au nom d’Airbus Group est une grande chance pour nous.

• Où le public peut-il voir l’E.Fan ? 

En juillet, l’E.Fan se trouvait sur l’aérodrome de Royan, puis nous avons volé en France et à l’étranger, Allemagne, Angleterre. La première campagne d’essais s’est arrêtée en août. La seconde a commencé et nous sommes de nouveau à Royan !

Propos recueillis par Nicole Bertin

Francis Deborde, gérant de la société ACS :


« l’E.Fan est une formidable aventure » 


• Francis Deborde, quand avez-vous créé votre société ? 

Aéro Composites Saintonge a été créée en 1995. L’activité initiale était la fabrication de pièces en matériaux composites, principalement liées à l’aviation légère. Nous nous sommes diversifiés vers le nautisme dans les années 2000. En 2005, l’entreprise a été contactée par un ingénieur pour créer un prototype de dirigeable Alizé. Une sorte de soucoupe qui mesurait 21 mètres de diamètre et 7 mètres d’épaisseur. Nous avons réalisé toute la structure en fibre de carbone. L’ingénieur concepteur recherchait un pilote d’essai et un ingénieur pour mettre au point les commandes de vol. Je lui ai présenté Didier Esteyne qui a rejoint ACS à cette époque. Ce dirigeable a fait des vols d’essais sur l’ancienne base aéronavale de Rochefort qui est actuellement l’école de gendarmerie. Gonflé à l’hélium, il a volé entre 2006 et 2008. Il ne fonctionne plus actuellement. Ensuite, nous avons travaillé sur un drône captif pour la recherche des nappes de pollution en mer. A partir de 2009, nous avons axé nos efforts sur la propulsion électrique des avions.

Francis Deborde
• C’est alors qu’est arrivé le projet d’avion électrique. D’où vient le nom E.Fan ?

E. pour électrique et Fan est la traduction en anglais de turbine. Cet avion est propulsé par deux turbines électriques aux hélices carénées entraînées par des moteurs électriques, d’où son nom. Le projet, initié en 2011, est mené en étroite collaboration avec Airbus Group. Didier Esteyne, responsable du bureau d’études, a dessiné l’avion et dirigé l’équipe qui l’a conçu. Il en est le pilote. Au départ, les essais ont eu lieu à Bordeaux pour des raisons d’espace suffisant de sécurité ; maintenant ils se déroulent en grande partie sur l’aérodrome de Royan. Notons qu’E.Fan passe inaperçu parce qu’il est silencieux !

• Non polluant pour l’environnement, silencieux, E.Fan constitue un espoir pour l’aviation future…

E.Fan peut être un espoir dans le domaine de l’aviation légère à court terme, mais pas pour les déplacements sur une longue distance. Le problème de tout véhicule électrique, qu’il soit terrestre ou aérien, est l’autonomie et la performance des batteries. L’objectif recherché, avec la génération qui suivra l’E.Fan, est de proposer un avion qui puisse faire de l’école de pilotage. Les vols en école sont très courts et effectués en périphérie de l’aérodrome. Aujourd’hui, l’autonomie de l’E.Fan est de 30 minutes. Les batteries utilisées ont cinq ans d’ancienneté de conception. Si on les remplaçait par des nouvelles, l’avion aurait une autonomie supérieure. Des améliorations sur l’avion actuel sont à apporter quant à la performance des hélices, la gestion de l’énergie. Nous finalisons actuellement le système de train rentrant et sommes en phase d’optimisation des systèmes pour gagner en autonomie. La Direction Générale de l’Aviation Civile est intéressée par ce projet car les avions électriques ne sont pas bruyants, ce qui n’est pas le cas des avions actuels !

L'E.Fan dans l'atelier de Saint-Sulpice de Royan
• A quand remonte votre partenariat avec Airbus Group ? 

Notre collaboration avec Airbus Group remonte à 2010. Le premier projet était de transformer un petit avion à moteur thermique en avion à moteur électrique. Il s’agit du Cri-Cri qui pèse 85 kg à vide. C’est le seul avion au monde qui peut emmener autant de charge embarquée que son poids à vide. Airbus Group étant satisfait de notre collaboration, nous avons ensuite présenté plusieurs avant-projets. Un appareil plus important en terme de masse a été retenu, l’E.Fan. Il existe deux autres projets connus d’avions électriques dans le monde. L’un, en Chine, a été mis en sommeil en raison d’un accident du prototype. En Europe de l’Est, une société a pris un avion existant de sa gamme pour le transformer en électrique. Notre démarche est différente : nous sommes partis d’une feuille blanche pour concevoir l’avion autour de la motorisation et des batteries qui représentent une masse importante. Avec un avion normal, le réservoir chargé de carburant se vide. Avec l’avion électrique, le poids des batteries est le même au départ qu’à l’arrivée. L’E.Fan vole depuis le début de l’année 2014. Il sert de démonstrateur. Il nous permet de voir comment on peut gérer l’énergie électrique. De nombreuses données sont analysées, consommations, température des moteurs. Les essais en vol sont suivis par un gros travail de dépouillement des données. Il sert de machine d’essai pour tester les différents éléments qui serviront à construire un nouvel avion dans les prochaines années. Le futur prototype sera réalisé à Saint-Sulpice de Royan. Pour notre équipe et nous-mêmes, l’E.Fan est une formidable aventure.

Propos recueillis par Nicole Bertin

 • Infos : 

- L’E.Fan s’inscrit dans le cadre des travaux de recherche d’Airbus Group dans le domaine de l’énergie et de la propulsion. Le rapport « Flightpath 2050 - Europe’s vision for aviation » de la Commission européenne prévoit une réduction de 75% des émissions de dioxyde de carbone imputables au transport aérien, accompagnée d’une réduction de 90% des émissions d’oxydes d’azote et de 65% des nuisances sonores par rapport à l’an 2000. E.Fan est exempt de toute émission de CO2 et il est silencieux. Il sera adapté aux écoles de pilotage.

Avion électrique nouvelle génération !
- Il dispose d’un système anticrash par parachute à déploiement pyrotechnique.

- Le système de gestion optimisée de l’énergie électrique s’occupe de toutes les caractéristiques électriques, simplifiant ainsi la surveillance des systèmes.

 - Les moteurs sont alimentés par une série de batteries au lithium-ion polymère de 250 V fournis par le sud-coréen Kokam. - Les batteries sont placées dans la partie intérieure des ailes et à l’extérieur du cockpit. Elles peuvent être rechargées en une heure et demie en fonction de la puissance secteur disponible.

- La roue principale arrière est entraînée par un petit moteur électrique de 6kW. L’E.Fan est équipé d’un ensemble de télémesures.

• L’E-Fan constitue « le projet central » du plan « Avion électrique et nouvelle génération d'aéronefs », l'un des 34 plans de la « Nouvelle France industrielle » mis en place par le ministère du Redressement productif. Le premier vol officiel a lieu le 25 avril dernier à Bordeaux. La mise sur le marché est prévue pour 2017. L'E-Fan sera produit dans une future usine d'assemblage située en Gironde (Mérignac). La production en série portera sur deux modèles : l'E-Fan 2 avec deux sièges côte à côte, l'E-Fan 4 à quatre sièges, avec une autonomie programmée de plus de 3 heures. Airbus Group envisage la fabrication de 40 à 80 avions électriques par an. Il s’agit d’une première étape jusqu'à la construction d'avions gros porteurs tout électriques dans les 20 prochaines années.

- Soutien financier des institutions : DGAC, FEDER, département de la Charente-Maritime, Région Aquitaine.

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