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jeudi 14 août 2014

Odile et la Pietà de Chaniers


Dans le cadre de ses études à l’Ecole du Louvre, Odile Papapietro a choisi de contribuer à la restauration d’une œuvre en Charente-Maritime. La Pietà de Chaniers, sculpture du XIXe siècle réalisée par Justin Chrysostome Sanson, a retenu son attention. 

Rendez-vous est pris à la mairie de Chaniers. Il y a là Jean-Luc Fourré, représentant le maire Eric Pannaud, le père Monnard et Odile Papapietro, étudiante à l’Ecole du Louvre et native de Royan.
La jeune fille, qui prépare une licence, participe au « Plus grand Musée de France », une action mise en place par la Junior Entreprise. Elle consiste à « éclairer » des œuvres qui, bien que n’étant pas majeures, appartiennent au grand patrimoine national.
Odile fait partie des volontaires qui se sont engagés spontanément malgré la charge de travail. Elle est heureuse de participer à cette vaste initiative qui permettra de sauvegarder des témoignages de l’art français. « Notre but est de redécouvrir des objets qui sont en péril ou peu valorisés » explique-t-elle.


Motivée, elle a donc parcouru la région en quête d’œuvres correspondant aux critères. « J’ai arpenté la campagne » avoue-t-elle en souriant. Son choix s’est porté sur la Pietà de Chaniers qu’un œil, même averti, ne remarque pas forcément. Abîmée par les déménagements d’un curé qui voulait modifier son emplacement, cette belle et imposante sculpture a subi des dégradations, c’est pourquoi elle a été placée dans un angle de la chapelle latérale, à l’abri des regards. Et pourtant, elle est digne d’intérêt : « une sincère émotion s’en dégage et ses dimensions lui confèrent une grande solennité » souligne Odile qui a eu un coup de cœur. D’autant qu’elle suscite le mystère : en effet, on ignore par qui cette sculpture de Sanson - ou plutôt de Justin Chrysostome Sanson - qui fréquenta l’Ecole des Beaux-Arts de Pari, a été offerte à la paroisse de Chaniers. L'artiste est célèbre : il séjourna à la Villa Médicis et obtient le Grand Prix de Rome en 1861 pour son bas-relief « Ulysse ramenant Chyséis à son père ». Sa création la plus remarquée est incontestablement la fameuse Pietà réalisée en bronze et en marbre. Les deux exemplaires furent médaillés au Salon de 1869 et à l’Exposition universelle de Paris en 1878. Des copies furent réalisées dont l’une, en plâtre, se trouve à Chaniers. C’est un privilège pour la commune… même si cette présence est source d’interrogation !

Odile Papatrieto et le Père Monnard
Qui est donc le généreux donateur ? 

La question est posée à Jean-Luc Fourré. Il avoue ignorer qui est le mystérieux donateur. Serge Lhoumeau, l’historien de la commune, hoche la tête tandis que le père Monnard se dit tout prêt à résoudre l’énigme en consultant les archives de l’Evêché.
La restauration de la Pietà est indispensable. Le socle est brisé à plusieurs endroits, la jambe gauche du Christ est fêlée et son pied gauche n’est pas mieux loti. « Si rien n’est fait, le pied de Jésus risque de s’émietter » remarque Odile.
Importante, la mission de sauvetage compte plusieurs volets, du repérage au montage financier qui permettra d’honorer les frais occasionnés par la rénovation. L’étudiante doit sensibiliser des mécènes et des entreprises - ce qu’elle fait - et organiser des manifestations qui lui permettront de dégager une trésorerie. Elle s’appuie également sur le père Monnard et la mairie de Chaniers.
Pour obtenir des deniers sonnants et trébuchants, Odile a proposé un premier concert en avril avec le chœur d’Emmanuelle Piaud. « Je m’active pour trouver des fonds. L’intervention de la restauratrice, Anne-Laure Goron, devrait se situer entre 8000 et 9000 euros. J’attends son devis. Elle travaillera sur place pendant trois semaines environ ».

Durant son entretien avec le premier adjoint, Odile met en place des stratégies. Le dossier reposant sur ses épaules, elle déborde de dynamisme ! « Cette Pietà a suscité ma curiosité. Pour mieux connaître ses origines, je me suis rendue au château-musée de Nemours qui est consacré à Sanson. Les responsables m’ont donné des informations. Surpris, ils ignoraient qu’une copie se trouvait en Saintonge ».
« Nous soutenons la démarche d’Odile qui s’inscrit dans la valorisation de notre patrimoine. Elle a su nous sensibiliser. Si une personne connaît l’origine de la Pietà, qu’elle n’hésite pas à nous contacter » déclarent Jean-Luc Fourré et le père Monnard.

Pour les Journées du Patrimoine, en septembre prochain, une conférence sera donnée sur cette belle aventure, suivie d’un concert. Dans l’église bien sûr. Deux rendez-vous à ne pas manquer !

Reportage/photos Nicole Bertin

• La Pietà de Chaniers, scène douloureuse où Marie enserre Jésus dans ses bras. La beauté des lignes et des formes est à souligner. La signature de Sanson se trouve dans la couronne d’épines du Christ.


• Odile a porté son choix sur la Pietà de Chaniers. Elle a également remarqué une croix en bronze doré en l’église de Sainte-Ramée et l’autel de l’église de la Gripperie Saint-Symphorien. Sans oublier la grande fresque du réfectoire au lycée Cordouan à Royan d’Olivier Debré. Si vous souhaitez participer à la restauration de la Pietà de Chaniers, n’hésitez pas à contacter le père Monnard à la paroisse ou la mairie de Chaniers (05 46 90 12 70).

Jean-Luc Fourré, Serge Lhoumeau et le Père Monnard
• Cette campagne nationale est menée par les étudiants de l’École du Louvre en partenariat avec la Sauvegarde de l'Art Français, premier mécène des églises de France. L’objectif est d’attirer les regards sur les œuvres et susciter un mécénat local. Dans chaque commune, il existe une église, un château ou une mairie renfermant de véritables trésors, dignes des plus grands musées. Certains sont dus à de grands artistes : Ribera, Watteau, Stella, Mignard, Delacroix ou encore Germain Pilon. Imaginez cette richesse à l’échelle de nos 36 000 communes !

L'église de Chaniers est l'une des rares à posséder une sculpture d'Aliénor d'Aquitaine (sur ce chapiteau). Lorsqu'elle venait à Chaniers, la Reine se rendait à l'Abbaye de Dorion, aujourd'hui disparue.
Le chœur de l'église fortifiée

La chapelle latérale où se trouve la Pieta
Des fresques ont été découvertes lors de restaurations
• Si vous passez par Chaniers (près de Saintes), une étape s’impose chez Serge Lhoumeau 

 Il a réuni des outils de la vie paysanne, du XIX e siècle à nos jours. Situé dans le bourg, son garage abrite un trésor. Chaque objet, en parfait état, y est minutieusement répertorié. Le maître des lieux les présente, explique ses fonctions, ses évolutions. Certains sont surprenants. Les écoliers qui viennent lui rendre visite sont attentifs à ces matériels qui accompagnaient la vie du monde rural il n’y a pas si longtemps. Il serait d’ailleurs intéressant de réunir cette collection en un musée. La mairie y pense et recherche un local.

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