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mercredi 10 avril 2013

Jérôme Cahuzac :
Celui par qui le scandale arrive


Il avait fière allure, Jérôme Cahuzac ; un sourire hollywoodien, un bel aplomb et cette joie de siéger dans la cour des grands. Au budget, à Bercy. Rien que ça. Il avait bien manœuvré, évité les écueils et surfé sur la vague jusqu’à une histoire incroyable.

A bas la statue du commandeur ! Le voici au banc des accusés pour avoir détenu, sans le déclarer, un compte en Suisse à une époque où profitant de ses relations, cet éminent praticien avait mis de l’argent à gauche. Pardon pour l’expression ! Sa vie était belle, clinique d’implants capillaires, société de consultant, laboratoires complaisants : pas de quoi s’arracher les cheveux ! Un divorce et le pot aux roses a été dévoilé. Les femmes sont redoutables. C’est ainsi que l’opposant de Cahuzac à la mairie de Villeneuve-sur-Lot s’est retrouvé avec des documents compromettants.

Aujourd’hui, l’affaire fait grand bruit parce que Jérôme Cahuzac a menti devant le Parlement. Il a juré ses grands dieux ou ses grands maîtres que des deniers à l’étranger, il n’avait jamais eus. Seuls les spécialistes de cette discipline baptisée la « morphopsychologie » ont remarqué son manque de clarté. Les autres n’ont rien vu. Plus tard, l’enquête a éclairci le paysage. « Si Cahuzac était aussi sûr de lui en public, c’est parce qu’il se sentait protégé » lancent les plus remontés. Eh oui, il a travesti la vérité comme d’autres l’ont fait sur leur état de santé, leurs déplacements aux frais de la République ou leurs agissements. Il n’a rien d’exceptionnel, Cahuzac. C’est pourquoi s’acharner sur lui, c’est tirer sur une ambulance. Il est à terre, faut-il l’achever ? Avant lui, personne n’aurait-il jamais failli ? On l’imagine déjà en haillons, poussé hors des murs.

Son grand tort est d’être celui par qui le scandale arrive. Hollande est dans la confusion et le Premier Ministre au ground Z’Ayrault. En conséquence, le Président a demandé à son équipe de faire état de ses biens et de ses comptes respectifs afin que chacun puisque apparaître sans reproches, selon les vœux formulés durant la campagne.
Le monde politique commence un vrai concours de pauvreté qui fait penser aux Misérables. Deux femmes ont pris les devants, Marie-Arlette Carlotti et Cécile Duflot, suivies des UMP Laurent Wauquiez et François Fillon, lequel pourrait mettre dans l’embarras son camarade Copé. Et pour cause, Jean-François Copé, avec son style enfariné, possède sans doute un patrimoine plus important que l’ex Premier Ministre de Nicolas Sarkozy.

Marie Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, a été la première à dévoiler son patrimoine. Durant l’été, elle est venue sur la côte royannaise, à Meschers, visiter un villages vacances.

Dans sa quête de persuasion, François Hollande veut aller plus loin. Les parlementaires seraient appelés à abandonner leurs métiers respectifs afin d’assurer pleinement leurs mandats. Cette disposition, qui figure dans le règlement de l’Assemblée Nationale et le code de déontologie des avocats, est naturelle puisque nos honorables représentants, ne disposant pas des bras multiples de Kâlî, ne sauraient être au four et au moulin. Toutefois, seuls les fonctionnaires ont la possibilité de se mettre en disponibilité. Que deviendront alors les professionnels du secteur privé ? Leurs candidatures seraient-elles limitées ?

En fait, les questions d’enrichissement personnel qui gravitent autour de la politique sont vieilles comme le monde. Les uns profitent du système quand d’autres restent intègres. La nature humaine est ainsi faite. Quant à prêcher « l’humilité » des Pays nordiques, cette attitude semble improbable en France puisque le pouvoir et l’argent combinés aboutissent généralement à un vaste déploiement. Mieux vaut faire envie que pitié ! On parle des ors de l’Etat, du train de vie des ministères, des réserves parlementaires (sommes importantes et discrètes dont disposent sénateurs et députés) qui servent à donner, sur le terrain, un coup de pouce aux projets des élus. Et que dire - mais c’est un autre sujet - de l’attribution de subventions publiques versées à tête du client selon les décideurs en place depuis les lois de décentralisation ? En prélevant directement l’impôt, les structures intercommunales agissent totalement à leur guise, président et vice-présidents (parfois en nombre excessif) percevant au passage une substantielle rémunération.

Quel sera l’avenir ? Déçus, les citoyens risquent de s’éloigner de leurs politiciens. Et pour cause, ils ne les font plus rêver. La confiance rompue, ils sont nombreux à pratiquer l’abstention. Et si la grogne atteint son paroxysme, ils pourraient prendre le Palais du Luxembourg ou l’Assemblée Nationale comme leurs ancêtres ont attaqué la Bastille. Tout un symbole ! D’une situation aussi complexe, Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon ne tireront pas forcément les marrons du feu. La crise est plus grave, elle affecte le lien et l’exemplarité.

Depuis des lustres, les élus prétendent qu’ils lavent plus blanc. Après l’affaire Urba qui a fragilisé François Mitterrand, le gouvernement s’est attaché à rendre transparent le financement des partis. Pendant des décennies, les autorités n’ont eu de cesse que de rassurer les pauvres pèlerins : certes, le chemin serait jonché d’épreuves, mais le divin Créateur, dans sa mansuétude, serait à leurs côtés. Souffrez et contribuez et vous obtiendrez la rédemption. Aujourd’hui, ils ne reçoivent ni la lumière, ni de réponses à leurs interrogations.

Malgré sa bonne volonté, François Hollande aura bien du mal à honorer ses promesses. Quant aux chiens qui "jappent" quand la caravane passe, ils devraient, eux aussi, se regarder dans un miroir. S’il les magnifie, le monde des apparences (et du mensonge) a encore de beaux jours devant lui.

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