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samedi 16 mars 2013

Lettre ouverte
de Jean-Marie Matagne,
président de l’Action
des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire,
à l'Eglise catholique


Depuis cette semaine, l’Eglise catholique a un nouveau pape. Avec des millions ou des milliards d’êtres humains croyants et incroyants, je formule le vœu que François devienne, sur la petite planète que nous avons à partager, le pape des pauvres et de la paix.

 Pour de nombreux baptisés, dont je suis, qui ont perdu la foi de leur jeunesse en la confrontant aux exigences de la raison comme au spectacle du monde, peu apte à nous convaincre de l’infinie bonté et l’infinie puissance de son Créateur présumé, ce nouveau magistère ne suffira sans doute pas à les réconcilier avec les dogmes et les mystères de la foi catholique. Il n’importe. Nous avons en commun notre humanité, cela devrait suffire à poursuivre un dialogue constructif.

 Permettez donc, Messeigneurs, qu’à l’aube de ce nouveau pontificat, l’une de vos ouailles perdues attire votre attention sur une fâcheuse contradiction de l’Eglise de France et renouvelle le vœu, déjà exprimé auprès de Mgr Lustiger et Mgr Vingt-Trois, de la voir surmontée. Les armes nucléaires sont, nul n’en saurait douter, des armes de massacre, de crime contre l’humanité. Elles ont été clairement condamnées par l’Organisation des Nations-Unies. Ainsi, « considérant que l’emploi d’armes nucléaires et thermonucléaires entraînerait pour l’humanité et la civilisation des souffrances et des destructions aveugles dans une mesure encore plus large que l’emploi des armes que les déclarations et accords internationaux… ont été proclamées contraires aux lois de l’humanité et criminelles aux termes du droit international », l’Assemblée générale de l’ONU a déclaré le 24 novembre 1961 que « tout Etat qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations-Unies, agissant au mépris des lois de l’Humanité et commettant un crime contre l’Humanité et la civilisation » (résolution 1653 XVI).

 A ce titre également, les prédécesseurs du pape François, dont Benoît XVI, les ont condamnées. Inutile de vous rappeler en quels termes vigoureux ils ont appelé à les éliminer. La surdité de l’Eglise de France aux appels pontificaux et son silence persistant en la matière sont donc un grand motif d’étonnement, si ce n’est de scandale. Elle qui ne se prive pas d’intervenir dans des débats de société tels que le « mariage pour tous », va-t-elle rester longtemps sourde et muette à propos d’un sujet dont dépend la survie même de l’humanité ?

 L’un de vous, Messeigneurs, a rompu ce silence. Mgr Christophe Dufour, archevêque d’Aix et Arles, a écrit le 5 juin 2012 au président de la République : « J’approuve et je soutiens la démarche de Monsieur Jean-Marie Matagne, président d’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire en grève de la faim depuis le 15 mai 2012 ». Je vous serais reconnaissant de répondre à la question posée dans le courrier qu’il vous a adressé le 18 mai dernier : « Approuvez-vous que la France participe, avec les autres Etats concernés, à l’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? ».
Un ami adhérent d’ACDN, Luc Dazy, m’avait rejoint le 1er juin dans cette grève (jeûne intégral ou carême sévère si vous préférez). Nous l’avons poursuivi jusqu’au 25 juin 2012 (42e jour de jeûne dans mon cas), date à laquelle nous avons trouvé porte close à l’Elysée. Et motif pour lequel nous continuons sous d’autres formes l’action que nous vous appelons à soutenir au nom de l’Eglise de France.

 Depuis, Mgr Dufour et deux de ses collègues - Mgr Emmanuel Lafon, évêque de Cayenne, et Mgr Jacques Gaillot, évêque de Parténia en Algérie – qui nous avaient apporté leur soutien font partie des 113 personnalités et responsables associatifs, politiques ou religieux ayant signé la lettre envoyée le 26 février dernier au Président de la République. Le 9 mars, en compagnie de Jacques Gaillot, nous en avons porté des exemplaires signés à l'Elysée.

 L’Eglise de France porte une grave responsabilité dans le fait que notre pays refuse toujours de négocier avec les autres états concernés l’élimination de leurs arsenaux nucléaires, y compris le sien, alors que le droit international, notamment l’article 6 du traité de non prolifération, leur en fait une stricte obligation. Sans parler de la morale, bien entendu.

Tout récemment encore, les 4 et 5 mars, la France a refusé de participer à la conférence d’Oslo où plus de 130 Etats dont 35 pays européens ont examiné « l’impact humanitaire des armes nucléaires » et conclu à l’urgente nécessité de les éliminer. 
Ne serait-il pas temps, Messeigneurs, que l’Eglise de France, assumant son magistère spirituel, prenne clairement position pour l’abolition des armes nucléaires, même françaises, et pour le transfert à des fins humanistes des sommes et des ressources dépensées pour cet emploi aussi absurde que criminel ? Examinez, je vous prie, les arguments exposés dans la lettre ouverte au Président de la République. Si vous les trouvez justes, ayez la bonté de lui écrire à votre tour et d’inviter vos fidèles à en faire autant - comme vous le leur avez récemment demandé à propos d’un sujet de société évoqué plus haut. Et pourquoi ne dédieriez-vous pas la fin du carême ou vos homélies du dimanche des Rameaux à la cause de la paix et du désarmement, notamment nucléaire ?

 Croyez bien, Messeigneurs, à mon profond respect, eu égard à la foi, l’espérance et la charité qui vous inspirent et que j’aimerais, comme beaucoup d’humains, pouvoir partager avec vous - au moins les deux dernières.

 Jean-Marie Matagne, président de l’ACDN 

• Conférence débat
De retour du Japon, Hélène Shemwell, conseillère régionale, livrera un témoignage percutant sur ce qu'est désormais la vie dans la région de Fukushima lundi 18 mars à 20 h 30, salle Saintonge n° 5 à Saintes. Les personnes intéressées sont cordialement invitées.

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