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dimanche 28 octobre 2012

Médiathèque de Saintes : Comment sauver le fonds ancien ?

Fermé au public depuis l’été 2011, le fonds ancien 
de la médiathèque de Saintes est menacé. La maison 
Martineau, qui abrite les collections, doit aussi faire l’objet d’aménagements. Deux projets de restauration seront lancés par la municipalité, mais ils coûtent cher… 

 

En entrant dans la maison Martineau, on se croirait revenu à l’époque où l’Art nouveau florissait dans les belles demeures. Larges baies ornées de fleurs, murs recouverts de boiseries, carreaux richement décorés…
Seul problème et de taille, le mauvais état de l’immeuble met en danger son contenu, c’est-à-dire des milliers de livres et documents allant du plus ancien, une charte du XIe siècle aux nouveaux vecteurs de communication (microfilms, CD, etc).
Jeudi dernier, les membres de la Communauté de Communes, guidés par Simon Davaud, directeur des médiathèques de Saintes et François Lopez, responsable du fonds ancien régional, étaient appelés à se pencher sur l’épineux sujet puisqu’il sera bientôt question de restauration.
L’ensemble a attiré leur attention. Une évidence s’impose : les pièces de cette élégante maison bourgeoise ne correspondent plus aux normes que requiert un outil moderne de transmission de la connaissance. Quant aux ouvrages, certains d‘entre eux auraient besoin d’un sérieux « renouveau » (moisissures, attaques d’insectes, manque de contrôle de l’hydrométrie). L’inventaire de la faible partie non répertoriée est en cours.
L’enjeu en vaut la chandelle : ce fonds est important pour la Saintonge et les historiens viennent parfois de loin pour le consulter.

Simon Davaud, directeur des médiathèques de Saintes (nommé à Roanne) et François Lopez, 
responsable du fonds ancien régional
Composées au départ par des confiscations révolutionnaires, les collections se sont développées au XIXe siècle avec des acquisitions communales, des dons de l’État, des autres bibliothèques et des particuliers. Fatalité, en 1871, un incendie en détruisit une bonne partie.  La bibliothèque, située successivement à l’Échevinage, puis dans les bâtiments de l’actuelle mairie, déménagea en 1938 pour la maison Martineau. En effet, Maurice, fils de Gustave Martineau, un riche négociant en cognac, légua ce quadrilatère de bâtiments, idéalement situés, à la mairie à condition « qu’elle en fasse une bibliothèque ». Erudit, il avait lui-même constitué un ensemble relatif à la Saintonge à l’Identité saintongeaise. Il mourut en 1928, son épouse dix ans plus tard. Les clauses testamentaires furent alors exécutées.

Un investissement conséquent 

La municipalité de Saintes aménagea donc le site avec l’ouverture de deux nouvelles ailes. Malheureusement, au fil du temps et bien que la sonnette d’alarme ait été tirée en maintes occasions, les conditions de stockage et de préservation se révélèrent insuffisantes. À partir de 2005, le fonds ne fut ouvert que sur rendez-vous, ce qui eut l’heur d’irriter les chercheurs. Pire, depuis juillet 2011, les portes sont carrément fermées.

Visite de la Communauté de Communes du Pays Santon aux côtés de Sylvie Barre, maire adjoint à la culture. Le fonds comprend 130.000 documents sur 3500 mètres linéaires et 25 salles de réserve. 70.000 imprimés côtoient 55.000 documents iconographiques, près de 1000 manuscrits et une grande variété d'objets. Le journal "L'indépendant des Charentes" a été microfilmé. Le journaliste Charly Grenon y a versé ses archives.

Cette décision a une explication. « L’analyse menée par le laboratoire de la BNF recommande expressément le dépoussiérage et la décontamination de certains ouvrages. Ces interventions seront faites par un prestataire extérieur désigné par un appel d’offres » souligne François Lopez.
Le projet scientifique et culturel, quant à lui, envisage de proposer des réserves adaptées à leur conservation : « l’objet est de favoriser l’accès aux collections dans des conditions optimales et des délais raisonnables » explique Sylvie Barre, adjointe à la culture.

Un livre rare concernant Bernard Palissy. Parmi les raretés, une charte de 1081 relative à Saint-Eutrope, des incunables, des éditions originales de Pasca, sans oublier des cartes, des plans, des aquarelles, des cartes postales, des photos et un fonds consacré à la langue saintongeaise
 La première phase du chantier conduira à la mise en place d’espaces de conservation dans l’église des Jacobins et la maison attenante. Une salle de consultation sera aménagée dans l’ancienne salle capitulaire pour accueillir le public dès que la situation le permettra.
Le coût de ces investissements nécessaires laisse rêveur : le projet architectural est évalué à 3 300.000 €, celui du sauvetage des documents entre 270.000 et 360.000 €. Il semble évident que tout ne se fera pas en un jour en cette période où la culture ne semble pas (et c’est dommage) être la priorité. Mais, comme le souligne à juste titre François Lopez, « évoquer le fonds ancien et régional, c’est aussi cheminer à travers des lieux remarquables ». 


On peut seulement se demander pourquoi Michel Baron ou Bernadette Schmitt, les prédécesseurs de Jean Rouger, n‘ont pas choisi d’entreprendre ces travaux quand ils tenaient les rênes de la cité santone…

Présentation de documents par F. Lopez
Un dossier que les chercheurs suivront avec attention...
• Réaction de Marc Seguin, historien :  

« Il y longtemps que nous combattons pour empêcher cette fermeture, mais sans succès et sans espoir de réussite. En premier lieu, le fonds ancien est très riche. Pour une ville comme Saintes, c'est tout à fait extraordinaire ! Beaucoup de villes de plus de 100.000 habitants sont loin de posséder de telles merveilles. De plus, il semble exister tout un stock qui est entassé, non inventorié, non disponible, même pas connu ! Certes, peu de lecteurs fréquentaient ce fonds, mais ceux qui y venaient étaient des chercheurs renommés, souvent étrangers à la ville, Paris et ailleurs. Les priver de cette possibilité est catastrophique pour l'image d'une ville qui se dit "d'art et d'histoire". Il y a certes eu beaucoup de laxisme au cours des décennies passées, mais il ne faut pas en accuser les municipalités d'antan. La responsabilité n'en incombe même pas aux 35 heures. Simplement, depuis un demi-siècle au moins, personne n'a pris les choses en main.
La ville de Saintes est écrasée par un patrimoine trop important. Voyez la fermeture de la cathédrale Saint-Pierre ! Quoi qu'il en soit, la fermeture du fonds ancien est vivement regrettable parce qu'elle prive des chercheurs universitaires de leurs sources ».

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