Orné de fleurs qui embellissent l’avenue principale en signe de bienvenue, le village de Neuvicq-le-Château (17) est accueillant. Dans l’air, flotte une ambiance estivale qu’honore le soleil de ses rayons. Voyons, où se trouve la mairie ?
Il suffit le suivre le panneau “château“. Eh oui, la municipalité a installé ses bureaux dans un castel et pas n’importe lequel. Il s‘agit de l’ancienne demeure de M. de Montespan dont la femme était la maîtresse de Louis XIV. Le maire, Pierre Denéchère, n’est pas peu fier de cette illustre occupation ! Bien qu’ardent républicain, la présence d‘un hôte aussi célèbre - et que dire de son épouse - donne à la commune une aura particulière. Si précieuse que le château figure désormais sur la route des Trésors de Saintonge. « Administration et conseil ont élu domicile dans le château. Je partage cette particularité avec Claude Belot » dit-il en riant.
Pour lui, le château représente bien plus qu’un site majestueux dont on admire les détails Renaissance : il est l’une de ses passions pour d’évidentes raisons patrimoniales. « J’aime l’histoire et j’ai animé des associations culturelles » avoue-t-il. Et s‘il est un autre personnage qu’il apprécie, c’est François de La Laurencie, marquis de Neuvicq et Charras, un homme qui avait compris les enjeux de la Révolution. C’est pourquoi, commissaire de la noblesse aux assemblées de février, il fut élu député suppléant aux États Généraux en mars 1789.
Le maire conserve son portrait sur une étagère. Glorieux personnage de cape et d’épée. « Il a su s’adapter aux réalités de son époque. Il avait des idées avancées et entretenait des relations avec la population. J’ai travaillé en fermage sur des terres lui appartenant autrefois. C’est sans doute un signe ! ».
Il est, en quelque sorte, le gardien du château qui a échappé, il est vrai, à bien pillages et saccages. Une sorte de miracle quand on sait combien sont nombreux les trafics d’objets et de mobilier anciens…
Superbe charpente
Sauvé par Alphonse Porchaire
Pierre Denéchère commence la visite guidée du château par l’extérieur. L’endroit est habité de longue date, comme en attestent des tombes anciennes, trouvées à proximité, ainsi qu’une hache préhistorique. Le château était protégé par les maisons qui formaient un alignement compact. L’ancienne porte voûtée rappelle qu’à une heure avancée, mieux valait ne pas trop s’éloigner sous peine de tomber sur des « voleurs de poules ».
L'une des entrées anciennes de Neuvicq
Dans les combles, la présence de machicoulis
Sur ce site privilégié, les témoignages des siècles se succèdent. Le château Renaissance a été modifié au XVIIe siècle par le marquis de Montespan. Pour des raisons de commodité, une aile a été ajoutée. Après la Révolution, les terres du domaine ont été acquises par des agriculteurs. L’édifice, quant à lui, a été vendu comme bien national.
« En 1904, la famille Martel voulait se défaire des plus beaux éléments, dont les cheminées » souligne le maire. Une large partie des bâtiments, situés sur le devant, a été détruite. Le premier magistrat de l’époque, Alphonse Porchaire, s‘émut de la situation. Après avoir sensibilisé les habitants, ce médecin organisa une collecte et parvint à faire racheter le château par la commune. Les actes furent établis par Me Clais, notaire à Saint-Jean d’Angély.
Cette histoire démontre l’attachement qu’ont les habitants pour leur « bastion », même si certains n’y voient que le témoignage d’un passé révolu.
Pierre Denéchère présente François de La Laurencie qui appartenait au Régiment d’Infanterie du Roi en août 1764.
Exploitant agricole, Pierre Denéchère appartient à une vieille famille de la région. Son grand-père, André Debord, était adjoint au maire de Neuvicq. Lui-même est entré dans la vie publique en 1995. Depuis, il s’active à donner à sa commune une véritable authenticité. Le château, en mauvais état, a été l’une de ses préoccupations. Si les maires successifs ont entretenu la toiture (pour mettre l’ensemble hors d‘eau), plusieurs tranches de restauration s’avéraient indispensables (restauration des escaliers, sculptures, façades, etc). Elles ont été réalisées par des compagnons, sous le regard attentif de l’architecte des Bâtiments de France, M. Boisrobert. « Nous intervenons en fonction des urgences ; certaines pièces étaient inutilisables, il fallait les rendre fonctionnelles » remarque l’élu.
Du vendeur à l’acquéreur… avec la télé !
De mi-juin aux journées du patrimoine, en septembre, le château accueille moult visiteurs. Cette année, outre l’exposition artisanale proposée à l’étage, la municipalité met en place un centre d‘interprétation de l’architecture qui montrera l’évolution des châteaux-forts depuis la motte féodale. Le maire n’a pas hésité à aller chercher une maquette “représentative“ dans le Pas-de-Calais afin de compléter cette présentation.
Restauration de sculptures par des Compagnons
L’action de Pierre Denéchère ne s’arrête pas là. En 2011, ayant constaté que plusieurs maisons de son village de 440 habitants étaient inoccupées, il a relevé ses manches ! Il fit d’abord un recensement pour savoir qui était vendeur. Il s’aperçut que certaines belles demeures restaient en l’état car leur entretien était trop onéreux. S’étant assuré que les agents immobiliers ne prendraient pas mal son initiative, il a contacté la presse afin d’organiser une grande journée où propriétaires et futurs acheteurs se contacteraient directement. Le tout bénévolement. « Une vingtaine d’habitations étaient disponibles. J’ai également sollicité le CAUE, l’Agence d’information sur le logement ainsi qu’un organisme de prêt ».
La télé s’en est mêlée et le jour J, le maire était bien affairé. Quatre maisons ont finalement trouvé preneurs. « Ça fait un peu club de rencontres, mais l’objectif est de redonner vie au bourg ». Le 25 août prochain, il revivra la même expérience avec M6, la presse écrite et les radios. Plus d’une dizaine de maisons cherche un nouveau départ : qu’on se le dise ! Et pendant qu’on y est, un boulanger serait le bienvenu dans le bourg de Neuvicq, un local flambant neuf venant d’être aménagé !
Bref, si vous rêvez d’une agréable escapade, n’hésitez pas à vous rendre à Neuvicq-le-Château, commune célèbre pour ses vignobles et son château. On peut même pique-niquer dans les douves !
• Un peu d’histoire :
Né en 1741, François de la Laurencie, marquis de Charras et de Neuvicq après la mort de son frère, fut Chevalier de Saint-Louis. Ancien Inspecteur général de la Maréchaussée, il reçut une pension de 5 000 livres pour ses bons et loyaux services en 1783. Sa femme eut moins de chance que lui : Anne Jeanne Roettiers de La Chauvinerie, qu’il avait épousée à Paris en mai 1772, fut guillotinée le 11 pluviôse an II (20 janvier 1794)…
• Pour se rendre à Neuvicq :
À partir de Jonzac, prendre Archiac, puis Saint-Fort sur le Né, Segonzac, Jarnac. Neuvicq est à quelques kilomètres en Charente-Maritime. Château ouvert tous les jours sauf le mardi de 14 h 30 à 18 h 30. Renseignement au 06 83 28 94 47.
Le château avant son extension (archives)
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