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samedi 17 mars 2012

1962-2012 :
Le 50e anniversaire de la fin
de la guerre d‘Algérie


Faire la guerre à 20 ans…

Le 19 mars, la FNACA du canton de Jonzac, que préside Jacques Garnichat, donnera à cette date anniversaire toute l’ampleur qu’elle mérite. Six cérémonies sont organisées ainsi qu’une exposition au Cloître des Carmes.

Jacques Garnichat, qui préside la FNACA du canton de Jonzac, n’a rien oublié de l’Algérie. Il n’avait que 20 ans et ce passé est encore bien présent dans sa mémoire… « Quand je suis parti faire mon service militaire en 1956, je ne pensais pas intégrer le 59e Régiment d’Artillerie » se souvient-il. Natif de la région Champagne Ardennes, il a passé 28 mois dans l’armée : « j’étais d’abord à Nancy, où je comptais faire un stage de pilotage quand j’ai réalisé qu’on allait m’envoyer, selon l’expression, au pays où fleurissent les cactus ».

Après une préparation de deux semaines, près de Thionville, dont « l’un des entraînements était d’accomplir 50 kilomètres à pied sur une ancienne voie ferrée », il rejoint l’Algérie, le long de la frontière tunisienne, sur la ligne Morice. « Il avait été demandé d’aller nous faire soigner les dents avant de partir. L’endroit où nous allions passer les mois à venir était isolé de tout ».

Toutes les nuits, à bord d’une jeep, il opère des surveillances. « J’ai appris que le RA était formé pour la guerre. Personnellement, je n’ai jamais été un soldat professionnel. De toutes les façons, on n’avait pas le choix. Notre rôle était le maintien de l’ordre, la pacification. En France, on parlait pudiquement d’événements en Algérie. La réalité sur le terrain était tout autre ».
Jacques Garnichat est marqué à vie par ce conflit : « tous les soirs, nous étions attaqués par le FNL qui arrivait de Tunisie où il se cachait. Le moment le plus tragique a été la mort de mon camarade tué d’une balle dans la tête à mes côtés. Il était marié et père de famille ». L’incompréhension face à cette violence ne s’arrête pas là : « il faut savoir que de nombreux soldats ont désobéi aux ordres officiels pour sauver des harkis qui étaient la cible du FNL. Ce fut une drôle de période où l’on a vu des membres de l’OAS tirer sur un camion d’appelés français. En clair, des Français tuaient leurs compatriotes. On dit que c’est grâce aux appelés du contingent si Paris n’est pas tombé sous le joug de l’armée » !

Jacques Garnichat et Jean-Marry Doucet.
Jacques Garnichat garde des séquelles de la guerre d’Algérie : « en 1999, après la grande tempête, quand j’ai vu les poteaux téléphoniques tombés au bord de la route, méthode qu’utilisait le FLN en Algérie, je m’attendais presque à embuscade au bout du chemin. Or, j’allais rendre service à un copain à Clam ! Ces détails ont éveillé en moi des souvenirs qui, finalement, n’ont jamais quitté mon esprit. Il est vrai qu’à l’époque, j’avais 20 ans. À cet âge, on attend autre chose de l'existence que de faire la guerre »...

Jean-Marry Doucet, un autre membre de la FNACA, acquiesce : « grâce aux transistors que nous écoutions, nous savions bien qu’il y avait un décalage entre le message de Charles de Gaulle à Paris et les ordres de nos supérieurs ».
Mobilisé à la fin de la guerre, il a 19 ans et sert son pays 26 mois et demi. Il est dans les Aurès, au sein du bataillon des chasseurs à pied. Contrairement à Jacques Garnichat, il a une chance : « je n’ai jamais tiré sur personne et l’on ne m’a jamais tiré dessus ». Par contre, en tant que vaguemestre, il a une triste mission, celle de renvoyer à leurs familles les effets personnels des soldats décédés. « Je suis resté un peu plus de sept mois en Algérie. Ce qui m’a révolté est l’abandon des harkis par l’armée. Ils voulaient rentrer avec nous en France. Au moment de monter dans les camions, les gradés les ont repoussés. Il est facile d’imaginer la suite et les représailles avec les hommes du FNL. Ceux qui ont survécu ont été parqués dans des camps dans le Sud de la France, comme l’avaient été les réfugiés espagnols ».

Ces deux hommes savent que leurs plus belles années, celles de leur jeunesse, les ont conduits à s’opposer à un peuple pour qui ils n’éprouvaient aucun ressentiment. D’où une certaine interrogation, proche de celle de leurs aïeux engagés dans les deux guerres mondiales. La guerre d‘Algérie, qui commença en novembre 1954 pour se terminer en mars 1962, a entraîné la mort de 30 000 soldats français, sans oublier les victimes civiles, très nombreuses. Côté algérien, les pertes sont difficiles à évaluer. Le gouvernement parle d’un million de morts, les historiens de 150 000.


Les cérémonies du 19 mars

C’est précisément pour garder le flambeau du souvenir allumé que la FNACA du canton de Jonzac organisera des cérémonies importantes lundi 19 mars. Le programme est le suivant : Villexavier à 10 h 30, Saint-Simon de Bordes à 11 h 30, Léoville à 15 h 30, Ozillac à 17 h pour se terminer à Jonzac à 18 h place du 8 mai, avec remise d’insignes aux porte-drapeaux, puis à 18 h 30 sur la place du château. La population est invitée à participer nombreuse à cette manifestation.
Du 26 au 30 mars, une exposition suivra au Cloître des Carmes où sera retracée toute l’histoire de la guerre d‘Algérie sous forme de panneaux. Les scolaires, ainsi que toutes les personnes intéressées, auront plaisir à la parcourir.

Enfin, la FNACA fonde ses espérances dans le Mémorial de Saint-Savinien, en cours de construction. 256 noms d’anciens combattants d’Algérie y seront apposés. D’un coût de 75 000 euros, ce monument sera installé dans le jardin du souvenir que la municipalité est en train d’aménager (le monument aux morts y trouvera également sa place). Afin de financer ce projet, une médaille représentant la colombe de la paix a été émise. « L’acquéreur, par son geste, permettra au comité de boucler ce projet auquel nous sommes très attachés » souligne Jacques Garnichat. La première pierre a été posée samedi 10 décembre 2011 par Marc Laffineur, secrétaire d‘État auprès des Anciens Combattants.

Rendez-vous donc le 19 mars pour saluer ceux qui se sont battus en Algérie et y ont perdu la vie. C’est en octobre 1999 que l’Assemblée Nationale a enfin consacré la reconnaissance légale de la guerre d’Algérie. Auparavant, dans les discours officiels, on parlait seulement « des événements »…

• Au sujet du 5 décembre :
Pour 84 % des Anciens d’Algérie, la date de commémoration est le 19 mars 1962 qui sonna la fin des combats (l’indépendance de l’Algérie a été proclamée le 5 juillet 1962). Or, en 2002, sous Jacques Chirac, une autre date a été choisie. Il s’agit du 5 décembre qui correspond à l’inauguration du Mémorial national des Anciens Combattants d’Algérie, quai Branly à Paris. « Cette date est fantaisiste et arbitraire. Nous ne la reconnaissons pas » remarque Jacques Garnichat.

• François Mitterrand : « La seule négociation, c’est la guerre » !

En 1954, alors que Pierre Mendès France est président du Conseil, François Mitterrand, ministre de l’Intérieur, déclare à l’Assemblée Nationale  : « L’Algérie, c’est la France. Les départements de l’Algérie sont des départements de la République française. En trois jours, tout a été mis en place. On a dit : « Est-ce pour maintenir l’ordre ? ». Non, pas seulement. C’est pour affirmer la force française et marquer notre volonté… Qui d’entre vous hésiterait à employer tous les moyens pour préserver la France ? Tout sera réuni pour que la force de la nation l’emporte en toute circonstance. C’est vers les leaders, vers les responsables, qu’il faudra orienter notre rigoureuse répression. Je n’admets pas de négociations avec les ennemis de la Patrie. La seule négociation, c’est la guerre ».

En mai 1956, ministre d’État du cabinet Guy Mollet, François Mitterrand est solidaire de l’envoi du contingent en Algérie. Il reste donc fidèle à ses convictions. À l’époque, celui qui prôna l’abolition de la peine de mort en septembre 1981 n’a pas les mêmes dispositions d’esprit. Ministre de la Justice, il donne un avis défavorable à la grâce des quarante-cinq nationalistes algériens, condamnés à mort pour des attentats. Ils sont guillotinés. Le premier de la liste est Mohamed Zabana, arrêté le 8 novembre 1954. Il est exécuté à la prison Barberousse de Serkadji le 19 juin 1956 à 4 heures du matin.

En 1981, quand il devient président de la République, personne n’ose parler de ce sombre épisode. François Mitterrand reste, pour de nombreux Français, un président tolérant et humaniste. Il avouera tout de même, avec la modestie qui le caractérise : « J’ai commis au moins une faute dans ma vie, celle-là »…

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