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lundi 26 décembre 2011

Electrochoc à La Rochelle : 

La Saintonge perd la carte ?


La dernière réunion de la CDCI, où le schéma intercommunal de Charente-Maritime devait être 
approuvé, s’annonçait comme une étape 
ordinaire. Les résultats semblaient connus à l’avance. Et non ! Ledit schéma a été rejeté par 25 voix contre, 
20 voix pour et une abstention. Une première 
en Poitou-Charentes, voire un événement puisque 
certains élus, jusque-là incontournables, ont été publiquement contestés…

Certains édiles se souviendront longtemps de la réunion agitée qui s’est tenue lundi dernier à La  Rochelle où devait être validée la carte intercommunale du département. « Il ne faut jurer de rien », le vieil adage n’a pas pris une ride. En effet, face au mécontentement des communes dissidentes, tant du côté de Pons que de Saintes et ailleurs, des réactions étaient à prévoir, d’autant que les amendements présentés en CDIC se sont le plus souvent soldés par des échecs. En Haute-Saintonge par exemple, les élus de Montils, Brives et Salignac sont venus prêcher par trois fois leur entrée dans la future CDA de Saintes. En vain. Les sénateurs Laurent et Belot, soucieux de construire une grande communauté de communes s’étendant des portes de Saintes à la Génétouze, ne l’entendaient pas de cette oreille. Quant à la Jard et Colombiers, leur entrée dans la CDC de Gémozac ne les enchantait guère.

Peu à peu, des rancœurs se sont accumulées. Il faut parfois lâcher du lest et laisser partir vers d’autres périmètres ceux qui ne veulent pas d’un mariage forcé. Une plus grande souplesse aurait évité cet électrochoc qui restera dans les annales puisque “l’establishment“ a été purement et simplement remis en cause…

Les raisons du rejet

En début de semaine, le schéma élaboré par l’ancien préfet Henri Masse et repris par son successeur, Béatrice Abollivier, a donc été écarté par une majorité “recomposée“ de la CDCI. Et effet, la Commission Départementale de Coopération Intercommunale comprend 46 membres. 26 appartiennent à la majorité départementale, 20 à la gauche. Or, le vote, qui a recueilli 25 voix contre le schéma, démontre que des élus de droite se sont unis à ceux de gauche pour contester la fameuse carte. Loin d’une querelle classique entre les deux grandes formations, nous nous trouvons dans un cas de figure où les susceptibilités et les frustrations ont abouti à un clash.

Jean-Paul Geay, maire de Montils, faisait partie des “dissidents“ venus à La Rochelle faire entendre leurs voix. « On nous a permis d’entrer dans la salle de réunion. Nous étions une quarantaine d’élus issus des secteurs de Pons, Saintes, Matha. J‘ai été autorisé à prendre la parole, ce que je n’avais pas pu faire auparavant. L’amendement concernant Berneuil, présenté par Jean Rouger, a été refusé. Claude Belot a parlé des débuts de l’intercommunalité avec Philippe Marchand. Ses propos sont tombés à plat car le temps a passé. Puis est venu le moment de voter pour la carte intercommunale. Cette fois, il s’agissait d’une majorité simple et non des deux tiers, c’est pourquoi le vote a été négatif. L’intercommunalité n’est pas une stratégie politique, mais la réunion d’hommes et de femmes qui ont des intérêts communs et construisent ensemble dans la proximité socio-économique. L’intercommunalité doit aider la population et non la pénaliser par une fiscalité excessive et des projets qui se concrétisent ailleurs. J’ignore ce que fera Mme Abollivier au sujet de cette carte, qu’elle peut faire passer en force, mais elle devra rendre des comptes à son ministre de tutelle ».

Les maires "dissidents" de Montils, Brives sur Charente et Salignac veulent rejoindre Saintes et non la Haute Saintonge, trop éloignée géographiquement

• Réactions



• Béatrice Abollivier, préfet : « Il n’y a plus de schéma intercommunal en Charente-Maritime »

Le préfet, Béatrice Abollivier se trouve dans une situation délicate. Alors que la carte qu’elle avait préparée en Dordogne a été votée à l’unanimité, celle dont elle a hérité en Charente-Maritime est dans l’ornière. Que faire ? « Je prends acte de ce vote. Pour moi, il n’y a plus de schéma intercommunal et nous fonctionnerons comme avant, sauf si j’ai l’assurance que les élus ont trouvé un terrain d’entente dans les périmètres où se posent des difficultés. Dans ces conditions seulement, une nouvelle CDCI sera réunie. Un consensus est nécessaire ». Et d’ajouter : « je crois que les maires n’ont pas compris la gravité actuelle. Il n’y a plus de projet de CDA sur Saintes, ni de fusion entre La Haute-Saintonge et le secteur de Pons. Pour l’heure, nous restons dans le schéma actuel ».

Et si, malgré tout, Montils voulait entrer dans la CDC de Saintes ? « Il faudrait que toutes les communes qui composent la CDC de Pons délibèrent en ce sens, de même que celles de la CDC du Pays Santon. Il y a des critères bien définis ».

Bref, on reprend tout à zéro, ce que regrette Béatrice Abollivier qui est une femme d’action et de conviction. Après la trêve des confiseurs, elle réunira par petits groupes les élus des différents territoires. Cette concertation par zones devrait permettre d’avancer et de sortir du tunnel, le vote de lundi dernier constituant un événement qui pourrait être lourd de conséquences.

• Dominique Bussereau, président du Conseil Général


« Le schéma, tel qu’il a été élaboré, était intéressant car il regroupait 13 grandes entités. Des problèmes frontaliers sont apparus qui devront être résolus. Par ailleurs, nous sommes dans une période pré-électorale où les sensibilités sont plus exacerbées qu’à l’habitude. Laissons passer les fêtes et prenons du recul. Mme Abolliver va rencontrer les élus et je suis persuadé qu’un consensus se dégagera ».

• Michel Doublet, sénateur maire de Trizay

Au centre, les sénateurs Michel Doublet et Daniel Laurent (en vacances au moment du vote de la CDCI) lors d'une session au Conseil Général

« Le point de blocage se trouve à Saintes, c’est le nœud le plus difficile. Personnellement, je souhaitais un consensus. Ma première position était que la Saintonge Romane, qui comprend un grand nombre de communes, se transforme en CDA.Mais les élus n’étaient pas mûrs pour ce genre de projet. Dans la carte actuelle, Montils, Brives et Salignac voulaient rejoindre la future CDC de Saintes. La Jard et Colombiers voulaient également y adhérer.Face à de telles situations, il faut bien réfléchir et savoir faire des concessions. On ne peut pas construire une bonne intercommunalité si certaines communes sont en désaccord. On le voit bien dans le vote de la CDCI puisque des élus de la majorité se sont ralliés à la partie hostile au schéma. On est au-delà des clivages politiques. Certains sont satisfaits du résultat. Toutefois, en ce qui concerne Saintes, c’est une victoire à la Pyrrhus, le projet de CDA est écarté pour l’instant. Il faut se remettre autour d’une table et trouver des solutions. Je souligne au passage que l’Association des maires est neutre dans cette affaire et qu’elle ne prendra pas partie. Cela ne m’empêche pas d’avoir une opinion à titre personnel ».

• Extraits de l’intervention de Pascal Ferchaud, maire et conseiller général de Saujon, Radical de gauche

« Pourquoi un tel mécontentement ? La principale raison est la précipitation. Une loi votée en novembre, promulguée et publiée au Journal Officiel en décembre. Un schéma qui a été présenté le 6 mai 2011. Pendant ce court délai, on s’interroge sur le rôle de l’association départementale des maires et de son président. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de réunions décentralisées dans les différents territoires du département avec les élus ? Sur le fond, on s’interroge sur la cohérence d’ensemble de ce schéma. D’un côté une communauté de communes de Haute-Saintonge, déjà la plus grande de France par son nombre de communes, à laquelle on ajoute le canton de Pons, pour créer ce que certains appellent déjà le « duché de Haute-Saintonge ». De l’autre côté, on s’interroge sur le mauvais traitement réservé à la Communauté d’agglomération (CDA) en création à Saintes, deuxième ville du département. Que dire des « bouroles » à l’Ouest comme celle de Luchat, curieusement rattachée à Saint-Porchaire et l’intégration forcée de Corme-Royal, contraire à toute logique socio-économique. Quand on regarde le schéma autour de Saintes, en Saintonge, on dirait “qu’ô ressemb’ à rheun“ ! C’est un mauvais schéma, qui s’impose par la force, injustement dans notre Département habitué à une coopération intercommunale réfléchie et volontaire. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ».


Pascal Ferchaud : « Contrairement à ce que dit Mme Abollivier, la situation n’est pas dramatique. Au contraire, les territoires vont pouvoir évoluer. Il faut régler le problème de Saintes. Au lieu de jouer les Ponce Pilate, Mme Abollivier aurait dû prendre ses responsabilités. La balle est dans son camp. Quant à Claude Belot, qu’il arrête de nous parler des années soixante-dix. Nous sommes au XXIe siècle et préparons l’intercommunalité de demain».

Archives (fin des années 80) : Le saintais Philippe Marchand (à gauche de la photo) est à l'origine des lois sur l'intercommunalité. On le reconnaît aux côtés de l'avocat Alain Bougeret et du Ministre de la Francophonie de l'époque, Alain Decaux.

Avec Roland Beix, ancien député maire de Saint-Hilaire de Villefranche

• Furieux, les maires du secteur de Saintes étaient venus en nombre

Dans un communiqué, ils ont expliqué la raison de leur venue à La  Rochelle : « Fin novembre à la préfecture de Charente-Maritime, le périmètre de la future communauté d’agglomération de Saintes a été arrêté. Il exclut les communes de La Jard et Colombiers, historiquement rattachées à Saintes, et celles de Montils, Salignac-sur-Charente et Brives-sur-Charente qui avaient pourtant délibéré pour rejoindre cette grande intercommunalité. Il ne tenait pas compte non plus de la volonté des communes de Corme-Royal et Saint-Hilaire-de-Villefranche en dépit des amendements déposés par les élus du Pays Santon. C’est cette position que les maires de la Communauté de Communes du Pays Santon et ceux de La Clisse, Ecoyeux, Pisany, Montils, Brives-sur-Charente, Salignac-sur-Charente, Tesson, Corme-Royal et St-Hilaire-de-Villefranche, soit 28 maires au total, sont allés défendre lundi dernier, à la préfecture de La Rochelle. Munis de leur écharpe tricolore, ils ont exprimé leur désaccord avec le schéma départemental. Jean Rouger a défendu un nouvel amendement qui demandait l’intégration de Berneuil dans le périmètre de la future agglomération.
Dans le même temps, plusieurs actions ont été engagées par les communes. Corme-Royal a écrit à Jacques Pellissard, président de l’Association des Maires de France, tandis que les maires de La Jard, Colombiers, Montils, Salignac-sur-Charente et Brives-sur-Charente ont demandé par courrier l’intervention de Jean-Pierre Bel, président du Sénat, et de François Fillon, Premier Ministre. Par le biais d’affiches et de courriers, les populations ont été associées à la mobilisation des élus ».

• Et maintenant ?

Béatrice Abollivier, préfet, ne convoquera une nouvelle commission que si un amendement en faveur du rattachement des communes de la Jard, Colombiers, Montils, Brives, Salignac et Rouffiac à la future CDA de Saintes est voté. Sans cela, l’intercommunalité restera en l’état. Il est évident que Rouffiac, commune de la CDCHS, risque de vivre un moment délicat avec un rapprochement saintais. Pourtant, il s’agirait de continuité territoriale. Reste à savoir quelle sera la réaction des sénateurs, Daniel Laurent et Claude Belot en particulier.

• Chaniers rejoint la CDC de Burie

En date du 21 décembre 2011, la Préfecture a validé l’entrée de la commune de Chaniers dans la CdC de Burie. Elle apporte ainsi 3 500 habitants supplémentaires. La CdC Burie-Chaniers comptera donc 11 000 habitants. Elle rejoindra la CDA de Saintes si celle-ci voit le jour, bien entendu.

Archives : le Préfet de Charente-Maritime, M. Gilard, le sous-préfet de Saintes M. Faucœur, Michel Doublet et Xavier de Roux.

Photos : Nicole Bertin

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