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lundi 6 décembre 2010
Josie et Sœur Saint-Cybard :
Une fillette juive sauvée par une religieuse en Charente
L’autre mardi à Angoulême, François Julien Labruyère présentait son dernier livre “le rendez-vous de Lesterps“ en présence de Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême et membre de l’Académie française.
Longtemps, une chape de plomb a pesé sur la Seconde Guerre mondiale. On en connaissait les grandes dates, mais le quotidien était entouré d’un brouillard volontaire, se perdant entre collaborateurs et résistants.
L’heure des jugements étant passée - malgré des rancunes tenaces entre familles - les archives ont livré des informations qu’exploitent les historiens. À Jonzac, de nombreux documents allemands, relatifs à l’explosion des Carrières d‘Heurtebise, ont éclairé les recherches de James Pitaud.
Le directeur des Editions du Croîf Vif, quant à lui, s’est penché sur le cas de Josie, une fillette de six ans cachée pendant la guerre par une religieuse enseignant dans une école de Charente. Par la suite, ses parents parvinrent à trouver une filière et l’emmenèrent aux États-Unis.
En 2000, Josie, qui est devenue psychologue scolaire et vit à Santa Barbara, revient sur son passé et raconte son enfance. Le livre, préfacé par Simone Veil, s’intitule “Never tell your name“ (ne dis jamais ton nom).
François Julien Labruyère le publie en français. L'aventure touchante d’une enfant juive protégée par sœur Saint-Cybard retient son attention. Motivée par la foi et l’amour, cette femme au caractère bien trempé a ouvert son cœur et sa porte à une innocente que la cruauté aurait pu jeter dans la gueule du lion.
Briser le silence
François Julien Labruyère veut aller plus loin. Dans un nouveau livre qui vient de paraître “le rendez-vous de Lesterps“, il revient dans la commune où Josie a vécu, rencontre des villageois, recueille leurs témoignages à la façon d‘un journaliste : « ce livre retrace l’odyssée de la mémoire du Nord Charente où parler de la Deuxième Guerre sent encore le soufre, où conflits et passions continuent de connaître l’extrême ». Car la période fut rude et brutale, sur fond de guerre civile et de déportation en camps de concentration. Beaucoup gardent encore le silence. Les mots sont difficiles à trouver ou trop lourds à porter.Pourtant, un pan du voile s’est levé.
La réalité est sans fard. Il y a les héros et ceux qui le sont moins aux yeux de l’histoire. Il y a ceux qui croyaient à la race des seigneurs et qui pensaient naïvement qu’en s’y ralliant, ils deviendraient eux-mêmes des seigneurs. Quand le vent a tourné, les uns ont pris les habits des autres et sont devenus des caméléons sur la couverture du politiquement correct. Le jeu de dupes a fonctionné. Ces reptiles hybrides ont été plus loin en se persuadant de leur humanité. Curieusement, à la fin du conflit, tout le monde avait été du bon côté, celui de victoire, pérorant sur le courage. Heureusement pour la mémoire, il reste ceux qui savent et peuvent témoigner des souffrances endurées…
Un travail longuement médité
Sœur Saint-Cybard a captivé François Julien Labruyère au point qu’il a réalisé un entretien posthume. Il lui fait dire une fort belle réplique : « Qu’est-ce que signifie vraiment participer à la résistance ? Est-ce une affaire de maquis ? Est-ce une affaire d‘idéologie ? Est-ce tout simplement une affaire de cœur ? Il existe tellement de façons de résister, d’être soi ».
Son existence est jonchée d’épreuves, comme tous ceux qui osent afficher leurs différences. Appréciée des paroissiens, elle dirigea un groupe scolaire qui accueillit jusqu’à 500 élèves, avec des sections allant jusqu’au baccalauréat. Et qu’importe si ses supérieurs n’étaient pas en harmonie avec elle ! Elle a apporté sa pierre à l’édifice en pleine tourmente. En tendant la main à Josie, en la sauvant des pires tourments, elle, la catholique, a été reconnue par Yad Vashem Jérusalem au titre de "Juste entre les nations" le 7 novembre dernier. Par-delà les religions, l’espérance a parlé.
Monseigneur Dagens souligne la qualité des écrits de François Julien Labruyère : « un livre longuement médité qui témoigne des conversations profondes qui traversent notre histoire. L’essentiel, ce ne sont pas les événements ; ce sont d’abord des personnes, Josie et cette religieuse que rien ne prédisposait à se rencontrer et tous ces gens qui ont participé à un drame collectif. En pensant à sœur Saint Cybard, je revois ce rosier rouge qui fleurit sur sa tombe à Puypéroux. Comme si ces fleurs attestaient de sa présence cachée ».
Par cet ouvrage, l’un des plus importants de sa carrière par son intensité, François Julien Labruyère combat à sa manière les démons du silence pour faire éclater, non pas la vérité car nul n’est jamais sûr de la détenir, mais la manière dont certains êtres, au péril de leur vie, empruntent les chemins de la tolérance et de la liberté.
• Regard sur lui-même
En écrivant "Le rendez-vous de Lesterps", François Julien Labruyère a pensé à sa propre famille et présente, en post-scriptum, « trois générations face à elles-mêmes ». C’est en regardant “Nuit et Brouillard“, le film d’Alain Resnais, qu’il a découvert l’horreur de l’univers concentrationnaire. « Je garderai toute ma vie le plan où un bulldozer entasse dans un grand fossé des cadavres nus, si décharnés qu’ils en sont devenus flasques et élastiques ». Nul ne sort indemne de l’histoire. Finalement, nul ne sort indemne de sa propre histoire…
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