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dimanche 31 octobre 2010

Évelyne Delaunay au maire de Chenac Saint-Seurin d'Uzet :
«  Je n’ai pas peur de vous  » !


C’est en ces termes qu’Évelyne Delaunay s’est adressée à ceux qui venaient de la désavouer lundi dernier. On ignore si le maire, Anne-Marie Moreau, en rêvait. Quoiqu’il en soit, la majorité du conseil a tranché en rendant la seconde adjointe à ses fonctions de simple conseillère municipale.
Retour sur ce conseil municipal qui restera dans les annales de Chenac Saint-Seurin d'Uzet par l’ambiance, franchement délétère, qui a accompagné le vote…


Il y a belle lurette que les journalistes n’avaient pas assisté à un conseil municipal aussi houleux. Déjà, les séances précédentes laissaient supposer un durcissement de la situation, mais de là à supprimer ses fonctions à une adjointe, il existe des nuances. Apparemment, la voix de la raison est restée muette et les rancunes semblent si coriaces dans cette commune que seul un médiateur pourrait parvenir à apaiser les esprits.

Lundi dernier, Anne-Marie Moreau a donc réuni le conseil municipal. Cette ancienne secrétaire de mairie est devenue premier magistrat en 2008 en battant la liste du maire sortant, avec lequel elle avait pourtant travaillé. Elle semble régner en maîtresse souveraine sur une bonne partie du groupe et le prouve par une attitude inflexible. Ce soir-là, elle n’ignore pas que l’ordre du jour comporte une question qui fâche. Et encore une fois, comme le déplorera durant la soirée un conseiller municipal : « nous apparaîtrons divisés dans la presse. Quelle image donnerons-nous de Chenac ? ». Bonne remarque, en effet.

Anne Marie-Moreau, maire, et son premier adjoint, Charles Philipps

Quand le bâtiment va…

Les premières questions figurant à l’ordre de jour se déroulent dans un calme qui cache la tempête. Le programme de voirie est adopté à l’unanimité, de même que la dissolution du syndicat intercommunal pour la démoustication. Le ton monte d‘un cran avec le remboursement de loyer (cinq jours) que sollicite l’ancienne institutrice, Sandrine Thomas. Ayant donné son préavis le 26 juin, elle ne doit théoriquement rien à la commune à partir du 27 juillet. D’où les 67,92 euros réclamés. Certains sont carrément hostiles au versement de cette somme, pourtant modique : « on ne fait pas de location à la journée ». Le dossier est soumis au vote. La majorité donne satisfaction à l’enseignante (trois contre, deux abstentions).
L’ambiance se corse quand il est question d’acheter un bâtiment qui abritera les ateliers municipaux.
C. Cochain s’insurge : « Pourquoi cette question figure-t-elle à l‘ordre du jour ? La commission des bâtiments ne s’est pas exprimée ». « Le sujet aurait dû être étudié en amont » souligne Évelyne Delaunay. « Nous sommes là pour en discuter » tranche le maire. Le premier adjoint, Charles Philipps, rappelle qu’au départ, le conseil était favorable à une structure neuve équipée de photovoltaïque, projet abandonné en raison du prix proposé par EDF.
La question est détaillée par M. Clément. Une opportunité est apparue avec le bâtiment situé en dehors du bourg, au lieu-dit chez Poiron, que vend un ancien viticulteur, Bernard Beguet. En faisant des travaux nécessaires, l’investissement serait de 108 400 euros. Évelyne Delaunay est surprise : « vous présentez un document que nous avons cherché à nous procurer toute la semaine. N’y en aurait-il qu’un seul exemplaire, le vôtre ? Je l’ai demandé plusieurs fois, en vain ». La période des vendanges, très intense à Chenac, est évoquée. Quand on récolte le jus de la vigne, on a d’autres occupations que la paperasserie…

Quelques piques sont envoyées : « Il y en a qu’on des intérêts dans l’affaire ». « Je ne travaille pas par intérêt » répond le maire, ce qui lui vaut des remarques venant des personnes massées au fond de la salle.
« Nous ne ferons rien sans l’octroi des fonds parlementaires qui seront de 50 % » explique-t-elle. Il s’agit de la fameuse réserve financière qu’utilisent sénateurs et députés. Anne-Marie Moreau demande alors aux conseillers de se prononcer sur l’acquisition du fameux bâtiment d’une surface de 300 m2 au prix de quelque 71 000 euros, auxquels s’ajouteront frais d’agence et de notaire.

La majorité du conseil est favorable à cette acquisition (sous réserve d’obtenir l’ensemble des subventions), à ce bémol près que l’un des conseillers est le gendre de Bernard Beguet. Ce dernier aurait dû se retirer car l’opposition - et il ne le souhaite sûrement pas - pourrait l‘accuser de prise illégale d’intérêt. Idem pour le conseiller municipal, agent immobilier à Cozes (agence Francia Immo) qui percevra une commission de la commune si cette vente a lieu. Même s’il a quitté la salle au moment du vote, il n’en reste pas moins que cela peut susciter des commentaires.

Un conseil houleux...


Évelyne Delaunay désavouée

Le point numéro 14 est clair : maintien ou non de Mme Delaunay dans ses fonctions de deuxième adjointe, article L 2122-18 alinéa 3 du code général des collectivités territoriales. L’atmosphère se crispe. Du haut de son cadre, le portrait de Nicolas Sarkozy observe le différend tandis que François Mitterrand, un livre à main, attend une lecture des événements.
Évelyne Delaunay ayant déjà perdu ses délégations, elle préfère quitter la scène officielle : « je ne suis pas dans un tribunal, je m’en vais ». Qu’a-t-elle donc fait pour provoquer l’ire de ses pairs ?

Anne-Marie Moreau résume la situation en des termes brefs : « attitude contestataire dont Mme Delaunay fait preuve envers la conception de la direction et la gestion des affaires communales ». Son comportement serait "source de conflits". « La perte de confiance étant irrémédiable, j’agis dans l’intérêt de ma commune » assène le premier magistrat.
Les conseillers sont invités à donner leur avis. « Il y a des discordes depuis de nombreuses années. Quand va-t-on tourner la page ? » déclare un élu, généralement discret. La presse est égratignée au passage, mais elle en a l’habitude !

Vote à bulletins secrets pour destituer Evelyne Delaunay de ses fonctions de deuxième adjoint

Le vote à bulletins secrets est demandé, sous la photo discrète, mais attentive de Jacques Chirac, qui arbitre silencieusement cette confrontation.
Le maire sort l’urne officielle et chaque membre se rend dans l’isoloir. À la demande de Christian Cochain, Évelyne Delaunay, visiblement émue, revient parmi ses collègues. Le vote (la sentence ?) est sans appel : 9 voix (sur 14) renvoient Évelyne Delaunay à son statut de simple conseillère municipale. L’assistance s’agite et s’y devine nettement deux clans.

« Je ne veux pas votre place »

L’ex-seconde adjointe aux côtés du maire, Anne-Marie Moreau. Évelyne Delaunay est présidente du RPI de Chenac, Arces, Épargnes, Barzan ainsi que du Comité des fêtes. Elle a ouvert un atelier informatique qui s’adresse à un large public.

Humiliée par de telles pratiques, Évelyne Delaunay prend la parole qu’elle obtient sans doute parce que la presse est présente : « Je suis très honorée d’être destituée par une assemblée qui choisit de me mettre à l’écart en saisissant l’occasion la plus sale qui soit. Ce n’est pas très glorieux. C’est facile de mettre en cause la presse lorsque le système fonctionne sur la surveillance, l’intimidation et la peur. Beaucoup le savent, je n’ai jamais pu assumer vraiment ma fonction d’adjointe, pas plus que les responsables de commissions ne sont des responsables de commissions. Lorsque vous êtes venue me chercher, Mme Moreau, nous devions faire équipe. Je ne savais pas que vous vouliez tout faire. Je vous ai dit que je souhaitais m’impliquer dans la vie locale. Je n’oublierai pas les grossièretés, Monsieur le premier adjoint, le manque de courage de certains, ni les agressions verbales en conseil. C’est la troisième fois en deux ans et demi que le conseil municipal est érigé en tribunal pour me juger. Je me rappelle d’un huis clos irrégulier, en février 2009, et une accusation publique par lettre surprise lors d’un autre conseil en mai 2009 qui n’avait rien à faire dans un conseil. Le Sous-Préfet l’a clairement dit et Mme le Maire le sait. Mais la différence entre un tribunal et le conseil municipal de Chenac St Seurin d’Uzet, c’est qu’au tribunal, on a le droit d’être défendu. Ici, être défendu vous rend coupable ».
La salle s’agite sérieusement et le maire menace de faire évacuer les lieux. Évelyne Delaunay poursuit sur sa lancée : « Désormais, vous allez pouvoir mener vos affaires tranquillement. Compte tenu de rumeurs que vous faites circuler à mon sujet, je déclare publiquement que je ne cherche pas à prendre votre place. Et je n’ai pas peur de vous ». Elle fait allusion à des appels téléphoniques…

La suite se perd dans une altercation générale où chacun défend ses positions. Les attaques fusent et la violence des propos est réelle. Quel que soit son camp, il est une priorité à ne jamais oublier : Que doivent penser de cette “curée“ les quelques jeunes présents au conseil ? Si le monde des adultes est aussi agité, on comprend qu’ils puissent s’interroger sur sa crédibilité.
Désormais, la question est simple : ou le conseil trouve un consensus, ou il continue à s’écharper et ce n’est jamais bon pour l’image d’une commune.


• Une tête pour l’échafaud :

Chronologie d’une triste affaire


Comment cette malheureuse affaire a-t-elle commencé ? L’été dernier, le fils d’Évelyne Delaunay est apostrophé par un commerçant qui dit des grossièretés sur sa mère et aurait proféré des menaces.
Décontenancé, il se rend chez le maire, Mme Moreau, à qui il demande d’intervenir. Cette dernière se contente de l’écouter.
Évelyne Delaunay attend que le sujet soit évoqué en conseil municipal. En effet, il est normal qu’un maire soutienne l’un de ses adjoints en pareille circonstance. En vain. Mme le maire part sous les huées de l’assistance qui participe au conseil municipal. Elle est atteinte dans sa légitimité et forcément dans son amour-propre. Elle retire alors ses délégations à Évelyne Delaunay qui a la charge des domaines scolaire, culturel, communication, patrimoine et social. Une pétition recueillant 150 signatures s’érige contre cette décision.
Dernier épisode lundi dernier : Mme le maire et huit conseillers votent contre le maintien des fonctions de deuxième adjoint à Mme Delaunay qui redevient simple conseiller municipal.
Pourquoi une sanction aussi drastique ? « En 2008, Évelyne Delaunay a obtenu plus de voix que le maire au premier tour des municipales où la liste de Mme Moreau, ancienne secrétaire de mairie, a battu celle du maire sortant, Gérard Charrassier. Une secrétaire de mairie contre son ancien maire, avouez que la confrontation, rarissime, est intéressante ! Quand Anne-Marie Moreau a enfin ce qu’elle désire, devenir premier magistrat, elle n’a plus besoin de soutien. Évelyne Delaunay serait-elle apparue comme une rivale ? Elle la dérange par son style, les avis qu’elle formule sur tout, voire les critiques qu’elle exprime. Si Évelyne Delaunay avait été une potiche, elle n’aurait rencontré aucun ennui. Il lui suffisait de dire que le maire était génial et voter sans poser de questions. Le tort d’Évelyne Delaunay est d’avoir attiré l’attention sur elle ».
Cela dit, la technique utilisée actuellement est risquée pour les prochaines élections. Du moins si Mme Moreau veut retrouver son poste de maire…

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