dimanche 21 mars 2010

Xynthia :
« Pas question de reconstruire dans « les cuvettes de la mort »


Mardi matin, Nicolas Sarkozy est venu pour la seconde fois dans les « départements martyrs » que sont la Charente-Maritime et la Vendée, victimes de la tempête Xynthia. Dans leurs maisons submergées, des dizaines de personnes ont trouvé la mort. Des mesures importantes ont été annoncées par le Chef de l’Etat afin que de tels drames ne se reproduisent plus…

Nicolas Sarkozy à Charron où il est reçu par le maire, J.F. Faget

Charron, à quinze kilomètres de la Rochelle. Habituellement, cette commune attire les touristes qui voient en « ce village de jardiniers de la mer, un endroit exceptionnel où se mêle eau douce et eau salée ». Depuis le raz-de-marée du 28 février, tout a changé et si l’eau douce s’est effectivement conjuguée à l’eau salée, cette alliance a été catastrophique ...



En ce mardi 16 mars, la visite du Président de la République y est annoncée. Trois semaines après le passage de Xynthia, les maisons qui longent la route portent les stigmates de la désolation. A proximité des habitations, mobilier et objets divers sont entassés pêle-mêle, en l’attente d’être jetés à la décharge. Tout a été inondé : « nous n’avons rien pu récupérer » constate une habitante qui n’avait jamais vu ça. Si, peut-être en 1940, mais l’eau s’était arrêtée en bordure du pré. Cette fois, la vague, poussée par un fort coefficient de marée et des vents violents, a parcouru près de deux kilomètres avant de s’enfoncer dans le village qui s’est alors transformé en île. « Pendant deux jours, la commune était inaccessible » remarque un médecin de la cellule psychologique, mise en place pour soutenir les victimes.

Traumatisées, elles sont encore sous le choc : « ma mère et ma petite sœur sont montées sur la cabine d’un tracteur pour échapper à la noyade » raconte une jeune fille qui a du mal à trouver ses mots. Cette épreuve est trop lourde à porter. Les anciens du village n’en reviennent pas : comment Charron, célèbre pour son activité conchylicole, a-t-elle pu connaître ce cataclysme ? « Heureusement que mon fils n’avait pas emménagé dans sa maison. Elle n’est pas terminée, il a eu de la chance » lance une grand-mère.

Quand Nicolas Sarkozy arrive sur les lieux, il est reçu par le maire, Jean-François Faget, et des habitants venus témoigner de leurs difficultés. Dans le pavillon de plain pied de M. Duprat, il ne peut que constater l’importance des dégâts occasionnés. L’intérieur est à refaire, et aux alentours, les grillages des jardins retiennent encore prisonniers les détritus vomis par les flots. Les prés, que l’eau salée a submergés, ont triste mine et les terres agricoles devront recevoir du gypse pour être cultivées à nouveau.

Parmi les décisions prises par le Gouvernement, Nicolas Sarkozy veut avant tout que soient évitées de nouvelles catastrophes, c’est pourquoi il sera vigilant quant aux travaux effectués près du littoral. Il ne sera plus question, en particulier, d’édifier « des digues immobilières » dont le seul but est de favoriser l’éclosion de lotissements spéculatifs. L’annonce principale concerne les constructions situées dans ce que l’on appelle désormais « les cuvettes de la mort ». Ces zones ne seront plus habitables. Les personnes seront relogées sur des parcelles où elles ne risqueront rien. Bien sûr, elles recevront des indemnisations : abandonner son logement engendre un réel préjudice en effet... Les classements se feront en fonction de la hauteur des eaux enregistrée durant la tempête.


Cette décision n’est pas prise de gaîté de cœur, mais elle s’impose : « Je pense aux hommes, aux femmes, aux jeunes enfants qui ont été piégés en pleine nuit dans leurs maisons, par la montée soudaine des eaux. Le cauchemar de cette nuit du 28 février 2010 restera gravé dans la mémoire des Français » souligne le Président. En conséquence, dans les secteurs les plus frappés, aucune reconstruction ne sera autorisée. Il est évident que certains propriétaires réagiront mal à cette annonce, mais le message est clair. Nicolas Sarkozy ne veut plus jamais ça : « Là où la mer est venue, la mer reviendra »…


« Une cascade de décisions litigieuses ou contraires au bon sens »…

Après une réunion à La Rochelle, Nicolas Sarkozy termine son déplacement à la Roche-sur-Yon, dans le département de la Vendée cher à Philippe de Villiers. Il y prononce une longue allocution où il aborde les réalités, sans langue de bois. Par cette question directe : « Comment, dans la France du XXIème siècle, l’une des premières puissances mondiales, un pays à la pointe de la modernité et du progrès technologique, plusieurs dizaines de personnes peuvent-elles périr noyées dans leurs maisons ? », le Président veut comprendre, d’où la création d’une mission interministérielle. Le constat est accablant : « La catastrophe du 28 février n’est pas seulement le produit d’évènements climatiques. Elle est aussi le résultat d’une cascade de décisions litigieuses ou contraires au bon sens, de négligences, de prescriptions non respectées ».

La priorité actuelle est l’indemnisation rapide des victimes par les assurances. Les sinistres de moins de 2 000 euros ne nécessiteront pas d’expertise : « Je souhaite des compagnies une célérité et une efficacité optimales » déclare le Président. Il demande aux banques « de s’assurer que les personnes ayant tout perdu puissent bénéficier de facilités d’étalement de leurs échéances de prêts immobiliers » et aux délégués départementaux de la médiation du crédit de se mobiliser « pour accompagner les entreprises touchées par la tempête dans leurs démarches avec leurs banques ». Le ministre des Finances, Eric Woerth, a donné instruction aux services fiscaux et aux Ursaff d’examiner avec bienveillance les demandes de délai de paiement et de remise gracieuse de majorations et de pénalités de retard, sollicitées par les ménages, les entreprises, les commerçants, les artisans et les professions libérales. Pour les particuliers, les cotisations de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties seront remises en totalité, « sur demande du contribuable, lorsque les locaux ont été détruits ou ont subi des dégâts tels qu’après expertise, ils sont voués à la démolition ».

En ce qui concerne l’agriculture, l’Etat indemnisera les dégâts provoqués sur les prairies et les travaux de remise en état des terres cultivables : « Avec Bruno Le Maire, nous avons dégagé une enveloppe de 100 millions d’euros pour soutenir la souscription de contrats d’assurance par les agriculteurs. Début mars, a été mis en place un plan d’urgence d’aide aux ostréiculteurs, accompagné d’une enveloppe de 20 millions d’euros pour permettre la reconstruction de bâtiments et l’achat de matériels ostréicoles et conchylicoles ».


L’Etat soutiendra également les entreprises commerciales et artisanales touchées par la tempête. Les entreprises concernées pourront ainsi bénéficier d’aides pouvant aller jusqu’à 8 000 euros pour des dépenses d’investissement liées à la restauration de locaux et l’outil de travail. De plus, une indemnisation des pertes d’exploitation sera débloque à hauteur de 2 000 euros.

Par ailleurs, Nicolas Sarkozy se montre très ferme quant aux plans de prévention des risques (PPR). L’état des lieux se passe de commentaires : « Sur 864 communes exposées au risque de submersion marine en France, seules 46 disposent d’un plan de prévention approuvé. La situation n'est pas meilleure pour les autres risques, incendies de forêts, risque sismique. On ne peut pas continuer ainsi et laisser quelques individus bloquer des procédures vitales pour nos concitoyens. Le bon sens a depuis trop longtemps déserté cette question, pourtant cruciale, de la gestion des risques naturels. Je souhaite donc une véritable accélération dans le déploiement sur le territoire des plans de prévention des risques. D’ici trois ans, je veux que toutes les communes situées dans des zones à risques soient couvertes » dit-il.
Voilà qui a le mérite de la clarté. Et de conclure : « La prévention des risques naturels doit s’imposer comme une priorité absolue de tous les responsables publics, nationaux et territoriaux. Mais nous devons, avec la même énergie, nous appliquer à réduire les impacts sur l’environnement des activités humaines. Car au bout du compte, c’est toujours l’homme qui est menacé par la pollution, par la perte de biodiversité et par le dérèglement climatique »...

Le dérèglement, nous le subissons depuis ces derniers mois avec de violentes tempêtes de neige aux Etats Unis, de séismes à Haïti et au Chili, des inondations, des ouragans en Europe accompagnés de raz de marée. « C’est d’âme qu’il faut changer, non de climat » écrivait Sénèque au 1er siècle de notre ère. Il n’est jamais trop tard pour s’adapter ou plutôt pour tendre l’oreille aux doléances de la Terre…

• M. Duprat témoigne : Il a toujours vécu à Charron dont sa famille est originaire. La fameuse nuit, il n’a rien entendu venir. L’eau, d’une hauteur d’un mètre environ, a tout envahi. L’intérieur de son pavillon est entièrement détruit, comme l’a constaté Nicolas Sarkozy : « mon assureur est venu aussitôt. Nous continuons à nettoyer » dit-il. Avec son épouse, il veut tourner la page et restaurer sa maison. Bien sûr, le couple n’envisage pas de la quitter…

La maison de M. Duprat. On reconnaît Brice Hortefeux et Philippe de Villiers

• La tempête a tué à Charron : Un enfant de dix ans ainsi que sa petite sœur de six ans et sa grand-mère ont été victimes de Xynthia.

• Etaient présents aux côtés du Président, Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat aux Transports, Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, Chantal Joanno, secrétaire d‘Etat à l’Environnement, Philippe de Villiers, président du Conseil général de la Vendée, les députés Jean Louis Léonard et Didier Quentin.

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