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jeudi 11 mars 2010
Dominique Bussereau
à Ségolène Royal :
« Vous gérez comme l'écureuil,
mais vous n'avez plus de noisettes à croquer »
Diffusé sur France 3 à une heure relativement tardive (23 h 30), ce débat réunissait sur un même plateau Ségolène Royal, présidente socialiste de la Région Poitou Charentes et Dominique Bussereau, tête de liste UMP et secrétaire d'État aux Transports. Agréable à suivre (ce qui n'est pas toujours le cas en pareille circonstance), il a fait ressortir les divergences politiques des deux candidats. Si la Droite s'inscrit dans la lignée des grands travaux et du désenclavement, la Gauche est axée sur la formation et l'excellence environnementale.
Après une vague de phrases assassines et de débordements liés à une campagne musclée, les deux "pointures" nationales que sont Ségolène Royal et Dominique Bussereau ont offert à la télévision une prestation de qualité. Cet échange "apaisé" a permis aux téléspectateurs d'évaluer leurs programmes respectifs. Face au journaliste confronté à un "timing" rigoureux, chaque invité, disposant d'un temps de parole équivalent, s'est exprimé avec conviction et sans complaisance. Ceux qui s'attendaient à une version "ball-trap " ont été déçus !
Une évidence saute aux yeux : les deux candidats sont sur des charbons ardents. Chaque voix comptera, en effet, et si les sondages placent la Gauche devant l'UMP, rien n'est joué, surtout en Charente-Maritime où le Conseil Général est dirigé depuis 1985 par la droite centriste. La terre des mouettes reste donc un bastion à conquérir pour la dame de Poitiers !
Pour Dominique Bussereau, « le bilan de la Région est décevant, les actions menées restant sans ambition quant aux grandes infrastructures ».
« Selon les derniers chiffres de l'Insee, le Poitou-Charentes arrive en tête des créations d'entreprises » rétorque Ségolène Royal dont l'objectif est de réussir la mutation écologique de l'économie. Le ton est donné.
Au sujet d'Heuliez qui rencontre de nouvelles difficultés, les deux candidats s'accordent. La situation actuelle est délicate, Bernard Petiet, PDG de Bernard Krief Consulting, n'ayant pas débloqué les 15 millions d'euros promis. Dominique Bussereau est réaliste : « C'est une belle entreprise qui a beaucoup trop souffert et ses 600 salariés n'ont pas besoin de souffrir encore plus. Les propos actuels de Bernard Petiet sont indécents. Le FSI a 10 millions d'euros en réserve et de nouveaux actionnaires sont recherchés. J'ai entendu parler de Bolloré et Renault. Le rôle d'une Région est d'être solidaire ».
Attentive, Ségolène Royal rappelle que sans les salariés et sans la Région (son engagement en particulier), Heuliez aurait disparu. Elle a pris des risques en décidant le versement d'argent public, soit 5 millions d'euros, à cette société privée : « c'est la première fois qu'une Région s'engage, l'initiative est originale. Aujourd'hui, nous devons élargir le pacte d'actionnaires ». « Je viens d'obtenir des garanties pour que la trésorerie d'Heuliez soit assurée dans les semaines à venir » précise-t-elle (1).
En ce qui concerne les véhicules électriques, Dominique Bussereau admet que les constructeurs français ont été assez frileux avant de s'engager dans ce créneau. « J'ignore si Bolloré va investir dans cette société, mais je me souviens avoir conduit une Saxo prêtée par Peugeot et fabriquée par Heuliez » se souvient-il.
« Je ne crois pas aux éoliennes »
Sur l'emploi, Dominique Bussereau et Ségolène Royal divergent. Ségolène Royal prône un système d'alerte pour empêcher les sociétés de se délocaliser à l'étranger. Convaincue que la croissance verte est source de développement, elle compte doubler le plan énergie solaire (photovoltaïque) et créer un pôle de compétitivité éco-industrie. L'isolation des logements avec du chanvre, produit localement, est une piste à étudier.
Dominique Bussereau rappelle que les deux grands secteurs de la Région sont l'aéronautique et l'agro-alimentaire (dont le cognac est l'incontestable fleuron). Il est favorable au photovoltaïque à condition d'en écarter « escrocs et aigrefins » qui cherchent à spéculer sur le dos des agriculteurs. « Par contre, je ne crois pas aux éoliennes qui défigureront nos paysages. Je suis pour la biomasse, la géothermie, le bois ». Toute relation avec la Haute Saintonge n'est pas purement fortuite !
De là à parler transport, il n'y a qu'un pas. Pour Dominique Bussereau, la Région joue « petit bras » avec une flotte modeste et un nombre restreint de passagers dans les TER (57 en moyenne). Lui-même a développé les transports en autobus avec Kéolis. Ségolène Royal réagit : « Petit bras ? La Région a dépensé 100 millions d'euros pour les TER, avec 26 trains supplémentaires. La fréquentation est en hausse de 64%! ». Apparemment, ils ne disposent pas des mêmes chiffres !
La présidente de la Région espère bien poursuivre l'opération TER à un euro afin de faciliter les déplacements. Elle veut également mettre en place des taxis collectifs dans les villages (à destination des personnes âgées). Et d'ajouter : « j'espère que le Gouvernement renoncera à la taxe carbone qui entraînera une dépense de 200 euros par famille ». Elle vient d'obtenir un accord avec la SCNF pour que des voitures électriques se trouvent à la sortie des gares.
« Je protège le contribuable »
Les sujets qui fâchent sont réservés pour la fin. La future LGV, par exemple, pour laquelle la Région n'a rien donné : « les grandes lignes relèvent de la compétence de l'État. C'est pourquoi le Conseil Régional ne se substituera pas à lui. Je protège le contribuable » explique Ségolène Royal.
Dominique Bussereau ne comprend pas pourquoi le Poitou-Charentes refuse de participer quand des collectivités de gauche cautionnent ce vaste chantier (Poitiers, capital ferroviaire, se trouvera alors à 3 heures de Toulouse). Les plateformes (dont celle de Clérac/Bédenac) devraient générer de nombreux emplois.
Dans la foulée, Dominique Bussereau invite la chef de file PS à l'inauguration de la première autoroute de mer. « Vous en parlez depuis 2002 ! » répond-elle avec un brin d'ironie. Il est à noter que le premier opérateur ferroviaire de fret se trouve en Poitou-Charentes.
La fiscalité apparaissant en filigrane, Dominique Bussereau insiste sur un point. Sans les impôts des contribuables, les collectivités ne peuvent pas entreprendre : « La preuve, vous parlez, mais vous n'agissez pas. On cherche les grandes réalisations, les infrastructures. Vous gérez comme l'écureuil, mais vous n'avez plus de noisettes à croquer. Si René Monory avait agi comme vous, le Futuroscope n'aurait jamais vu le jour ».
Ségolène Royal (qui n'a pas augmenté les impôts de la Région) n'est pas du tout de cet avis : « nous avons un temps d'avance et les services que nous rendons sont nombreux. Nous croyons en la croissance verte et si j'ai été invitée à Copenhague, c'est que le Poitou-Charentes est un exemple européen, voire mondial en ce qui concerne la mutation de l'écologie ».
De ces prises de position, apparaissent deux "écoles" qui découlent de sensibilités différentes. Dominique Bussereau veut s'inscrire dans la lignée classique des bâtisseurs, tandis que Ségolène Royal, en femme, mais aussi en mère de famille, est plus sensible à l'environnement et aux jeunes. Sa gestion est aux antipodes de celle de son prédécesseur, Jean-Pierre Raffarin !
Soucieuse de la pression fiscale que subissent les ménages, elle démontre qu'en sollicitant des partenaires (dont l'Europe), on peut être innovant sans asphyxier les électeurs.
Des points de vues contrastés, par conséquent, qui seront soumis à l'appréciation des habitants du Poitou-Charentes le 14 mars. S'ils veulent bien se déplacer aux urnes. Selon les sondages, l'abstention devrait être importante ce jour-là...
1- Les véhicules électriques d'Heuliez étaient au Salon de Genève sous une forme modernisée. Quel avenir attend cette entreprise, une fois les Régionales passées ? Un investisseur turc serait intéressé...
L'info en plus
• Pas les mêmes chiffres ?
Ségolène Royal déclare que les pêcheurs sont au nombre de 2_500. Pour Dominique Bussereau, il n'y a que 274 pêcheurs déclarés. Quel est le bon chiffre_? Les deux se rejoignent sur le soutien à apporter à cette filière et aux agriculteurs plus généralement.
• Disparition de services publics de proximité :
Au sujet des tribunaux rayés de la carte, Dominique Bussereau approuve la réforme de la carte judiciaire qui correspond « aux réalités de notre époque » (Rachida Dati peut lui dire merci !).
• Taxe carbone
Dominique Bussereau rappelle que Ségolène Royal a signé le manifeste de Nicolas Hulot qui prévoyait la fameuse taxe carbone. Taxe qu'elle conteste...
• Sur la TIPP
Si Dominique Bussereau est élu à la Région, il compte mettre en place la TIPP pour aider au financement des entreprises. Par la même occasion, il supprimera la taxe sur les permis de conduire et les cartes grises.
La présidente sortante, quant à elle, restera sur ses positions : « je suis contre les taxes carbone et sur l'essence. On peut investir sans augmenter les impôts. Il faut simplement mobiliser ses partenaires, être créatif, intelligent ». Cette année, elle ne fera pas appel à l'emprunt, de même qu'elle surveille les associations qui sollicitent des subventions et s'empressent de les placer sur un compte rémunéré...
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