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jeudi 10 décembre 2009

Michel Vaujour :
Ne le libérez pas, il s'en charge !


27 ans de prison et cinq évasions...

Vendredi dernier, une conférence sur « la prison et la citoyenneté » était organisée par le groupe de concertation de la prison de Saintes à l'Atlantic Ciné. Elle succédait à la projection du film de Fabienne Godet, « ne me libérez pas, je m'en charge » où Michel Vaujour, ex-braqueur repenti et roi de l'escapade, explique son chemin en dehors des clous. Vingt-sept ans de prison et cinq évasions l'ont conduit à s'interroger sur lui-même et à trouver la paix intérieure grâce à sa compagne Jamila.

« Je suis né pour te connaître, pour te nommer, liberté » : cette poésie de Paul Eluard pourrait s'adresser à Michel Vaujour. L'ex braqueur a inspiré le film de Fabienne Godet « ne me libérez pas, je m'en charge ». Son passé troublé et troublant ne pouvait qu'intéresser la scénariste dont on connaît le talent et l'esprit de curiosité.

Un portrait révélateur

Michel Vaujour pourrait être un héros de jeu vidéo à une nuance près : il ne possède pas plusieurs vies en réserve. Il se met en scène, provoque, pille des agences bancaires, intimide des innocents - sans vouloir leur faire de mal, dit-il - et se fait arrêter. L'enjeu est alors de sortir de prison, « ces quatre murs gris, sans perspective, ni horizon » pour mieux y retourner.
Sa personnalité se révèle étrange et complexe. Comment un homme si épris de la liberté dépasse-t-il constamment la ligne jaune, favorisant ainsi son enfermement ?
Dans sa tête, il ne peut pas mourir. Sous des allures mesurées, il est le caïd, celui ne supporte pas le manquement à la parole donnée. Pour preuve, « à un moment donné, je me suis retrouvé dans un bar et si l'homme que j'avais aidé et s'était défilé avait été là, les choses auraient mal tourné pour lui » avoue-t-il.
Fabienne Godet est une magicienne. Elle l'a apprivoisé et il se livre à la caméra avec une étonnante facilité. Les gros plans sur son visage font penser à une confession. Elle, la grande prêtresse, veut entendre sa version des faits. Bienvenue au parloir public...

Plus de deux ans de prison pour le vol d'une voiture

La question est de savoir comment Michel Vaujour en est arrivé là. Né en janvier 1951 à Saint Quentin le Petit, dans les Ardennes, sa jeunesse est ordinaire. Son destin bascule quand il vole une voiture qu'il conduit sans permis. La justice le condamne à trente mois de prison, une sanction sévère. Si le fils d'un acteur célèbre (dont on taira le nom) avait écopé de la même peine pour le vol d'une BMW, son parcours aurait sans doute été modifié. Lui n'a eu qu'un mois !
Bref, Michel Vaujour trinque et réalise que « la prison, ça marque au fer rouge, même si aucune trace apparente n'apparaît sur la peau. Tu en portes les stigmates ».

À peine sorti, il remet ça et les gendarmes le coffrent. Il voulait rendre visite à sa petite amie.
La suite est un bras de fer permanent avec l'autorité. Il s'installe dans cette vie de "saltimbraque". Sa vraie famille devient celle des attaques à main armée et quand le frère de sa femme Nadine meurt, il a le souffle coupé. Aujourd'hui encore, aucun mot ne sort sa bouche. En cavale, il a appris sa mort par les journaux. Il s'en veut de ne pas avoir été à ses côtés au moment dernier.

Michel Vaujour est entré dans la légende quand la manie des évasions l'a envahi. Impossible de rester enfermé, il doit sortir de là : c'est alors que se crée un rapport de force entre lui et les "gardiens". On l'enferme ? Il invente mille ruses qui vont lui permettre de s'échapper. Observations, empreintes de clé, faux flings, combines.

L'administration pénitentiaire cherche à l'intimider. Le quartier de haute sécurité le conduit au bord de la folie. Jour et nuit, la lumière lui rappelle qu'il doit regarder l'existence en face. Il ne pense qu'à une seule chose : s'en aller, pour respirer et démontrer les carences du système. Au total, il prend la poudre d'escampette cinq fois au nez et à la barbe des "matons".

Nadine et son hélico !


Son évasion la plus spectaculaire se déroule à la Santé, le 26 mai 1986. Un hélicoptère, que pilote Nadine, le récupère sur le toit. « Ma plus belle évasion » avoue-t-il. La plus médiatique en tout cas.
Quelques mois plus tard, un nouveau braquage dégénère et il prend une balle en pleine tête : « Quinze mètres, vingt mètres à découvert, ça devrait passer. De toute façon, je n'ai plus le choix. Allez, go, j'y vais. Un coup de masse m'explose le cerveau. Je me désintègre sous l'impact et suis expédié, gueule la première, contre la portière d'une voiture ! Un shoot d'adrénaline surgit dans un ultime refus : ne pas tomber ! ne pas tomber ! dépasser ça ! M'abstraire... ne pas tomber ».
Le verdict du 350 Magnum tombe. Il sort du coma muet et hémiplégique. Est-ce un avertissement de l'au-delà ? Les vrais barreaux de sa condition humaine lui apparaissent clairement. Ses membres l'ont abandonné et il se bat pour en retrouver l'usage. imaginées, il se rééduque seul et la prison devient secondaire. Une cellule n'est rien quand le corps refuse d'avancer !
Remis, il commence une correspondance avec Jamila, une jeune étudiante en droit. En 1993, à deux reprises, elle tente de le faire évader avec un hélicoptère. Un "remake" de l'aventure de Nadine ! Elle échoue. Le Tribunal la condamne à sept ans de prison. Michel Vaujour a peur qu'elle craque. Elle garde courage.

Libérée en 1998, elle l'épouse en 1999. Renaissant à la vie, il profite d'une modification de la loi pour obtenir une libération conditionnelle. Une remise de peine de seize ans lui est accordée en 2003.
Après avoir passé vingt-sept ans en prison, dont dix-sept dans les quartiers de haute sécurité, s'être évadé cinq fois, il a enfin compris que la lumière était la plus importante. Convaincu qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, il est entré de plain-pied dans cette société qu'il préférait dépouiller par facilité et provocation. En représailles, parce qu'elle l'avait écarté.
En rencontrant l'âme sœur, il s'est réconcilié avec son environnement. On le voit avec sa mère, marquée par les événements, sa sœur, ses neveux...
Qu'est-ce qui peut nous sauver ? L'amour ! chantait Balavoine.

• La citoyenneté ne s'arrête pas aux portes des prisons...

Parler de la prison, c'est entrer de l'autre côté du miroir, à l'ombre des murs. En campant le décor, le débat organisé vendredi soir avait le mérite de la clarté.

Le débat qui suit la projection du film est animé par Daniel Bassofin, thérapeute familial, directeur de Synergie 17, aux côtés de Pascal Faucher, vice-président chargé de l'application des peines au TGI de Bordeaux, Jean Moulineau, avocat du Barreau de Saintes, Patricia Pierson, vice-présidente chargée de l'application des peines au TGI de Saintes et Christophe Rossignol, ancien détenu. Un seul regret, que Michel Vaujour et Fabienne Godet ne soient pas présents pour dialoguer avec le public !

L'assistance est partagée quant à Michel Vaujour : « C'est bien dans l'air du temps. On préfère s'extasier devant un repris de justice » s'exclame un participant, visiblement agacé. Tout le monde ne partage pas ce sentiment : le documentaire de Fabienne Godet démontre que la longue marche faite par l'ex-braqueur pour "se sculpter" a été positive.
Certains passages sont marquants, tels les quartiers de haute sécurité où les occupants sont placés « dans des situations qu'on ne ferait pas vivre à des animaux. On aurait pitié ». Pourtant, les détenus ont des droits, dont le maintien du lien familial. Supprimés en 1981, les QHS avaient pour mission de déshumaniser. « Nous espérons qu'ils ne reviendront pas » glisse un intervenant.

Suit un échange sur les conditions de détention. Plus que les centrales, les maisons d'arrêt laissent à désirer avec un nombre de prisonniers trop important par cellule. Comme dans tout regroupement, se crée en prison une hiérarchie dirigée par des caïds dont les faibles sont les cibles (sévices, brutalités, homosexualité forcée, etc). On trouve aussi des innocents, comme ce fut le cas dans l'affaire d'Outreau. Le juge Burgaud, qui a écopé d'un simple blâme, a-t-il pensé au calvaire qu'avaient enduré les gens placés derrière les barreaux par sa décision ? Certains témoignages sont révélateurs et les suicides nombreux. D'où cette remarque : La France aurait-elle la prison qu'elle mérite ?

Aujourd'hui, des possibilités, comme le bracelet électronique, permettent de désengorger l'univers carcéral. Les questions fusent. À travers la prison, la société est confrontée à ses propres revers : « Depuis l'abolition de la peine de mort, toute personne condamnée est destinée à être libérée. Elle est une personne en devenir ». Apporterons-nous des réponses objectives à cette évidente réalité ?...

• L'info en plus :
L'évasion la plus spectaculaire de Michel Vaujour s'est déroulée en 1986 de la prison de la Santé. Sa femme Nadine l'a cueilli sur les toits en hélicoptère. Cette évasion a inspiré le film « La fille de l'air » tourné avec Béatrice Dalle. Il a été libéré en 2003.

À 58 ans, Michel Vaujour vit près de Melun. Il écrit pour la télévision et le cinéma. Arrêté pour la première fois à 18 ans, il a passé vingt-sept ans en prison dont dix-sept à l'isolement.

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