La formidable histoire de Daniel Moulinet : Chapelle, dolmen et stèle à Marie

C'est samedi dernier qu'avait lieu la messe annuelle célébrée en la chapelle de Colombiers, près de Pons, par le père Bertrand Monnard, vicaire épiscopal.
Douze ans déjà ! À cette occasion, avait lieu la bénédiction d'une grande stèle en l'honneur de Marie, cérémonie saluée par l'ensemble des paroissiens.

Daniel Moulinet poursuit sur sa lancée : il avait fait le vœu de construire une chapelle, il l'a fait sur ses deniers. Il souhaitait rendre hommage à la Vierge Marie, il a tenu sa promesse en érigeant une stèle de plusieurs mètres. Il a même édifié un dolmen à l'entrée de son champ, sentinelle de pierres qui attire immanquablement le regard.
Qu'a-t-il donc dans la tête, cet ancien viticulteur à la barbe grise, pour bousculer le voisinage et la mairie de Colombiers ? Très habile de ses mains, il n'est pas atteint d'une bigoterie excessive qui pourrait expliquer ses gestes : il a la foi tout simplement. Celle qui devait animer les premières communautés chrétiennes, heureuses de se retrouver dans la simplicité. La volonté et la curiosité d'un bâtisseur aussi.

Début septembre, la messe annuelle à Font Loraud constitue un rendez-vous traditionnel. Cette année encore, elle comptait plusieurs centaines de fidèles, heureux de se retrouver dans un esprit de fraternité autour de Daniel et Claudette. La cérémonie était d'autant plus émouvante qu'une procession jusqu'à la stèle de Marie était organisée à l'issue de l'office religieux.






Construire une chapelle, et la suite...

L'histoire de Daniel Moulinet mérite d'être contée. Il y a quelques années, en effet, cet agriculteur de Saint Quantin de Rançanne a décidé de construire une chapelle à Colombiers, sur un terrain hérité de ses aïeux.
De nos jours, une telle "ambition" est peu répandue et l'entreprise ne passa pas inaperçue. On imagine aisément les commentaires, mais Daniel campa sur ses positions. Qu'importe les donneurs de leçons, l'avenir appartient au fameux proverbe "bien faire et laisser dire" !

Pour mener à bien son initiative, Daniel se fit aider par un ami. Il se transforma en architecte, en maçon, confiant la réalisation des vitraux à Jean Moreau, maître verrier pontois.
Les travaux se déroulèrent favorablement. Bientôt l'édifice sortit de terre. Planté au bord du chemin, près d'une allée d'arbres, il s'insère parfaitement dans le paysage. Sa particularité est de paraître plusieurs fois séculaire alors qu'il s'agit d'une "création" du XXe siècle, « s'inspirant du style pré roman » précise son concepteur.

Ouvert de jour comme de nuit (ce qui n'est plus le cas des églises), des personnes s'y arrêtent, qu'elles soient croyantes ou athées. Le livre, placé à l'entrée, recueille des messages d'espérance.
C'est précisément pour réunir ces hommes et femmes de bonne volonté que Daniel et son épouse ont demandé à l'Évêché de consacrer leur petite chapelle. Depuis, tous les ans au mois de septembre, un office y est célébré, suivi d'un pique-nique que chacun tire du sac, près de l'étang poissonneux ! Les gens discutent, partagent leurs victuailles et si les spécialistes de la truffe sont présents, on parle de la récolte en or noir ! « Font Loraud est une étape sincère et authentique où l'on vient prier et partager un moment convivial » remarque Daniel Moulinet qui l'a créée dans ce but.


La différence ? Difficile à accepter...

Si Daniel Moulinet est attaché à Marie, c'est parce qu'elle est la mère, celle qui accompagne. Pour lui, il ne fait aucun doute qu'elle a guidé sa main quand il a posé la première pierre de la chapelle et gommé les difficultés du chantier. Il a voulu aller plus loin : « Autrefois, j'avais d'autres projets là où a été érigée la stèle. Ils ont échoué et je sais maintenant pourquoi. Ce lieu sera réservé à la méditation. Je vais arborer l'ensemble et le rendre plus ombragé afin que chacun s'y sente bien » explique-t-il.

La stèle, bénite par le père Monnard samedi dernier, peut surprendre à une époque où les nouveaux lieux de culte, reconnus par l'Église, ne sont pas légion. « L'église a toujours compris ma démarche » souligne Daniel qui agit spontanément, sans chercher reconnaissance et lauriers. C'est à Lourdes qu'il a commandé la statue de la Vierge apposant ses mains sur les fidèles, « un modèle unique » dit-il. Et d'ajouter : « Je souhaitais que Marie qui ne soit pas à l'intérieur d'un édifice mais à l'extérieur, à la vue de tous ».
Son terrain, que certains agriculteurs lorgnaient, il l'offre généreusement aux pèlerins qui voudront y faire halte.
Bien sûr, il aimerait bien que Madame le Maire soit plus tolérante quant à la particularité de sa démarche. Malheureusement, chacun reste sur ses positions...

En réalité, si l'on ne partage pas les opinions religieuses de Daniel Moulinet, il apporte incontestablement une pierre à l'édifice de Colombiers. Ne serait-ce que par son dolmen qui constitue une attraction à l'approche des Journées du Patrimoine. Vous en connaissez beaucoup, des passionnés qui édifient des dolmens contemporains ? Moi, non !
Évidemment, les mauvaises langues diront que « c'est pure excentricité », réaction classique dans un pays où l'ennui naquit de l'uniformité. Alors, que souhaiter à Daniel Moulinet sinon que de continuer à relever des défis. Tout en faisant accepter ses différences : sur ce chapitre, il a du boulot !




• Daniel et son dolmen : Rien à voir avec Obélix !

Un procès oppose Daniel Moulinet et la mairie de Colombiers au sujet du dolmen édifié sur l'une de ses parcelles. L'affaire, portée devant le Tribunal administratif de Poitiers, sera jugée prochainement. Le conseil municipal l'accuse de ne pas avoir respecté la législation. Pour elle, ce dolmen est une construction et sur une terre cultivable, seul peut être bâtie une structure agricole. Or, le dolmen a certainement beaucoup de qualité, mais il ne peut guère abriter des vaches ou un tracteur !
Daniel Moulinet réagit à ces attaques, soulignant qu'il s'agit d'un monument au même titre qu'une statue antique ou une sculpture moderne. S'il mesure moins de 12 mètres de haut et fait moins 40 m3, aucune "déclaration de travaux" ne devient nécessaire. Ce qui est le cas. À la justice de trancher.


Le dolmen de Colombiers : A Villars en Pons, Daniel Moulinet a trouvé des blocs de calcaire suffisamment importants qui ont été placés à l'aide d'une grue. Des pierres plus petites ont été disposées sur la périphérie du terrain.

Photo 1 : Monsieur Grelard, ancien maire des Gonds, aux côtés de Claudette et Daniel Moulinet

Photos 2 à 6 : Bénédiction de la stèle à Marie par le père Monnard, vicaire épiscopal

Photo 7 : Daniel Moulinet a commandé cette statue de Marie à Lourdes. Sa particularité est d'apposer les mains sur les fidèles. "Elle est unique" dit-il.

Photo 8 : Le pique-nique, tiré du panier, termine cette journée sympathique

Photo 9 : Le dolmen édifié par Daniel Moulinet dans son champ "irrite" certains voisins...

Photos Nicole Bertin