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dimanche 26 octobre 2008
La banque de l’Écureuil joue Casse-Noisette…
Le Gouvernement vient de garantir à hauteur de 360 milliards d’euros les paiements interbancaires : en d’autres termes, les dépôts des épargnants sont désormais à l’abri. Cet engagement est considérable quand on connaît l’endettement de la France qui dépasse les mille milliards d’euros et coûte chaque année plus de 50 milliards au budget de l’État pour assurer le service de la dette. Nicolas Sarkozy vient donc courageusement à la rescousse de ceux qui veulent garantir leurs économies. Il n’a pas d’autre choix pour éviter la catastrophe qui se traduirait par la banqueroute d’organismes financiers (une issue fatale déjà vécue aux USA par Lehman Brothers).
Face à la crise, les Français, qui ne savent plus sur quel pied danser, sont d’accord sur un point : les traders sont allés trop loin en spéculant sans vergogne. Certes, les coups de poker boursiers, favorisant l’enrichissement rapide, sont attrayants, voire grisants, mais le jeu a une fin qui peut être cruelle. Pouvait-on éternellement flirter avec l’argent virtuel des actions et vendre de la poudre aux yeux ? Voilà bien la question ? En fin de semaine dernière, la Caisse d’Épargne a fait parler d’elle à son tour : elle a reconnu la perte sèche de 600 millions d’euros découlant des risques pris par trois de ses traders. « Si l’Écureuil se met à jouer Casse-Noisette, où va-t-on ? » remarquent les observateurs un brin désabusés. Quelques têtes viennent d’ailleurs de tomber.
La morale de cette affaire est simple : trop d’argent tue l’argent. Les nouveaux chômeurs de la City ou de Wall Street en font la douloureuse expérience. N’oublions pas le vieil adage : à toute chose, il faut proportion garder. Une réunion du G 20 (avec les grands pays émergents) est prévue mi novembre près de Washington. Espérons que des solutions seront trouvées, l’économie internationale étant au centre des débats...
Après François Julien Labruyère, qui fut l’un des dirigeants du Cetelem, Xavier de Roux, avocat international, répond à nos questions :
Le plan de soutien français aux banques est de 360 milliards d’euros. « Sauf accident majeur, cette opération n’aura pas de coût pour le contribuable » a déclaré François Fillon. Pensez-vous qu’il s’agit d’un effet d’annonce visant à rassurer les Français ou bien le système bancaire va-t-il se racheter une conduite en évitant la spéculation excessive ?
Les mesures prises par le Gouvernement français ont pour but de redonner aux banques des liquidités. En effet, actuellement, les banques ne se prêtent plus entre elles. Quelles en sont les raisons ? Cette crise est due au marché de la dette des particuliers sur lesquels les banques ont créé des titres négociables alors que leurs débiteurs étaient devenus insolvables, notamment en raison de la hausse des intérêts des prêts pratiqués par ces mêmes banques.
Le mécanisme est simple. À partir des prêts consentis aux particuliers pour acheter une maison, par exemple, les banques ont fabriqué ce qu’on appelle un produit dérivé. Ce produit dérivé regroupe un certain nombre de créances avec leurs taux. Il est ensuite découpé en différents titres qui se promènent dans la nature : les banques les placent soit dans leurs actifs, soit dans les portefeuilles de leurs clients. Quand les emprunteurs remboursent correctement, le système rapporte, mais quand les mensualités ne sont plus honorées, les créances apparaissent comme étant creuses. En conséquence, les titres émis ne valent plus rien, d’où la crise actuelle...
Aujourd’hui, ignorant quelle est la solvabilité de leurs consœurs, les banques ne se font plus confiance entre elles et l’argent liquide, susceptible d’irriguer l’économie, est créé uniquement par les Banques centrales. Le système est grippé, le crédit aux particuliers se restreint, voire tend à disparaître et surtout les banques sont dans une situation où elles risquent de ne plus pouvoir assurer le remboursement de leurs déposants. Il était donc urgent de garantir les prêts interbancaires pour redonner de la liquidité et permettre au système de fonctionner à nouveau. C’est ce qu’ont fait les gouvernements français et de l’Union européenne. Cela ne veut pas dire que l’État français va prêter 360 milliards d’euros aux banques. Il se met simplement dans la situation d’un assureur et non pas d’un prêteur.
On parle d’une croissance à 0,2 % en 2009. Quelles seront les répercussions de cet arrêt sur image économique sur la vie des Français ?
Il est évident que la restriction des crédits peut avoir un effet négatif sur la production puisque pour de nombreux biens, les acheteurs ont recours à l’emprunt, de même que les entreprises ont besoin de financements souples. On peut donc raisonnablement penser que la machine économique va ralentir, mais il ne faut pas, pour autant, tomber dans un pessimisme chronique. Jusqu’à présent, les équilibres ont toujours reposé sur la fameuse croissance. Or, les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel et il doit être possible de changer de vitesse sans panique excessive.
Dans quelle situation se trouvent les grands pays émergents ?
La globalisation anglo-saxonne, doublée du capitalisme néo-conservateur, a transporté une grande partie de l’outil de production américain d’abord, européen ensuite, vers la Chine et d’autres grands pays émergents. Le but de la manœuvre était d’avoir le meilleur rendement, c’est-à-dire les coûts de production les plus bas possible. Ce système, très défavorable à l’emploi dans les pays occidentaux, a évidemment favorisé la croissance de la Chine, par exemple, qui est devenue l’usine du monde. Mais aujourd’hui, les marchés pour lesquels elle produit, notamment les États-Unis et l’Europe, vont ralentir leur consommation alors que la Chine a les USA pour principal débiteur. La crise peut avoir un effet négatif sur l’économie de ce pays, telle qu’elle a été conçue. Toutefois, une plus faible exigence de rentabilité des investisseurs sur les entreprises peut conduire à la relocalisation d’un certain nombre d’activités vers leurs pays d’origine. Il est très difficile de mesurer tous les effets de cette crise globale tant les paramètres sont enchevêtrés. Il faut suivre attentivement l’évolution des échanges pour en tirer une conclusion dans quelques mois.
La Caisse d’Épargne, gestionnaire des économies de 27 millions de Français, a reconnu la perte de 600 millions d’euros découlant des risques pris par trois de ses traders. Votre avis sur cette affaire qui touche une banque bien connue ?
Apparemment, les traders de la Caisse d’Épargne ont fait une erreur d’analyse. Ils ont joué à terme sur une augmentation des cours de la Bourse, après l’annonce du plan européen et l’accord entre l’U.E. et les États Unis. Effectivement, en une journée, le CAC 40 comme les principaux indices européens, ont augmenté de plus de 10 %. De nombreux fonds à risques, profitant de cette embellie pour trouver des liquidités dont ils ont fortement besoin, ont alors vendu. Par contre, le lendemain et le surlendemain, les bourses ont dégringolé à nouveau.
En faisant une opération contre le marché, les traders de la Caisse d’Épargne ont pris des risques inconsidérés. Ils ne sont pas les seuls. Les Bourses, en effet, n’ont jamais été aussi volatiles puisqu’elles peuvent prendre plus de 5% dans une même séance et les perdre aussitôt.
Image : Pub des années 20 : face à la diminution du pouvoir d’achat, les Français aimeraient bien voir les prix baisser…
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