À Colombiers, petite commune proche de Pons, Daniel Moulinet a édifié un dolmen sur l'une ses parcelles. L'effet est tellement réussi qu'un « non initié » pourrait le confondre avec celui de la Pierre folle, à Montguyon. Si la démarche est originale et inoffensive, l'affaire a été portée devant le Tribunal administratif de Poitiers...
Sur la commune de Colombiers, vit un grand bâtisseur devant l’Eternel. Depuis qu’il est à la retraite, Daniel Moulinet, autrefois viticulteur, n’a jamais été aussi actif. A la surprise des habitants, il a déjà construit une chapelle. Du pur style XXe, elle semble surgir du passé. Aidé par un ami, il a réalisé cette tâche avec un vrai courage de maçon. Dès lors, les portes de l’édifice sont ouvertes à ceux qui veulent se recueillir et, chaque année en septembre, un office est célébré par le curé de Pons. Evidemment, les voisins ont été un peu surpris par cette construction ! Malgré l’affluence à certaines périodes, le stationnement manque et la route est étroite.
Par ailleurs, l’homme à la longue barbe grise est un fervent amateur d’histoire et un grand admirateur des constructions mégalithiques. Ces assemblages énigmatiques, que l’on peut admirer en France, à Stonehenge ou en Mongolie, sont la source de nombreuses interrogations. En effet, nul ne sait comment nos ancêtres les ont érigés. Plus simple est le menhir que portait ce cher Obélix et dont les alignements sont visibles à Carnac !
Poussé par une créativité artistique, Daniel Moulinet a décidé d’ériger des pierres levées sur une fissure cosmo-tellurique située dans son pré, près d’une source aux vertus curatives, dit-il. Comment le sait-il ? C’est un secret. La parcelle se trouve à l’entrée du village, en bordure de route. Il est impossible de la manquer !
A Villars en Pons, il a donc trouvé des blocs de calcaire suffisamment importants qui ont été placés à l’aide d’une grue. Des pierres plus petites ont été disposées sur la périphérie du terrain. Comme vous pouvez en juger sur la photo, l’effet est intéressant : Le passant n’en croit pas ses yeux et le visiteur admirant le paysage pense que ce dolmen appartient à la nuit des temps.
J’ai un petit problème dans ma plantation...
Dans un premier temps, Daniel Moulinet était satisfait : il avait relevé ce défi personnel, comme n’importe quel concepteur de France et de Navarre. « Je dois être le seul constructeur de dolmen en France, voire en Europe » avoue-t-il. Le problème, c’est qu’il faut se conformer au règlement ! Intrigué, le conseil municipal trouva bizarre cette éclosion et demanda des explications à l’intéressé. « Dans un premier temps, il nous a dis vouloir clôturer son champ avec du grillage et des piquets métalliques. Quand nous avons vu arriver les moellons, nous lui avons demandé ce qu’il voulait faire. Il a répondu qu’il s’agissait d’un dolmen. Etonnés, nous avons demandé des précisions » souligne M. Merlaud, maire adjoint.. Il lui fut surtout demandé de respecter la législation.
Une déclaration de travaux fut alors déposée par Daniel Moulinet que refusa la mairie. Pour elle, ce dolmen était une construction et sur une terre cultivable, seul peut être édifié un bâtiment agricole. Or, le dolmen a certainement beaucoup de qualité, mais il ne peut guère abriter un tracteur !
Quand il réalisa qu’il avait « un petit problème dans sa plantation », un certain désarroi envahit Daniel Moulinet. Souhaitant conserver son dolmen menacé de démolition, il prit des renseignements. « Après tout, il s’agit d’un monument au même titre qu’une statue antique ou une sculpture moderne » déclare-t-il. S’il mesure moins de 12 mètres de haut et fait moins 40 m3, aucune « déclaration de travaux » ne devient nécessaire.
L’objet du litige répondant à ces mensurations, Daniel Moulinet a finalement choisi de saisir le tribunal administratif pour faire entendre sa voix :
« pourquoi n’aurais-je pas le droit d’édifier un dolmen sur mon champ ? » s’exclame-t-il au nom de la créativité. En face, la mairie est également décidée à faire valoir ses arguments, aucun arrangement à l’amiable n’ayant été trouvé....
Bref, il faut donc attendre le jugement. Saisir un magistrat pour permettre à des mégalithes d’orner le paysage constitue une procédure originale. Et il ne doit pas exister de jurisprudence dans ce domaine particulier ! L’histoire est tellement cocasse qu’elle pourrait finir dans un journal satirique. On imagine déjà la tête que fera le juge chargé de la procédure !
Inclure ce dolmen dans les Lapidiales ?
Avec l’église, actuellement en restauration, et la chapelle de Font Loreau, ce dolmen pourrait devenir l’une des curiosités de Colombiers. Il pourrait aussi s’inscrire dans la démarche des Lapidiales chères à Alain Tanenbaum. En effet, chaque été dans la carrière de Port d’Envaux, des artistes réalisent des sculptures très intéressantes, sans oublier de sympathiques rendez-vous autour de la pierre. Dans un futur projet, Alain Tanenbaum voudrait marquer la Saintonge de mégalithes qui symboliseraient un chemin imaginaire.
Il tient déjà le premier « marqueur » avec « l’assemblage » de Daniel Moulinet. Une piste à explorer !
Infos en plus :
Initialement, les dolmens servaient de sépultures et ils étaient recouverts de terre. 50.000 dolmens ont été recensés de par le monde.En France, c’est dans le département de l’Aveyron qu’on en trouve le plus grand nombre (1000) et non en Bretagne.
Photo 1 : Le dolmen de Daniel Moulinet abrite une source aux vertus curatives, dit-on…
Photo 2 : Autrefois, ce champ était consacré à l’agriculture. Par la suite, Daniel Moulinet a voulu y faire un lotissement. Son projet n’ayant pas été accepté, il a privilégié la voie artistique en construisant ce dolmen. Il est le seul en France à se livrer à ce genre de construction, mais évidemment une telle activité fait très chic sur une carte de visite. Le prochain Astérix pourrait, qui sait, être filmé à Colombiers ? Une aubaine pour la municipalité ?
Photo 3 : À Vallet, près de Montendre, on remarque ce « menhir » à l’entrée de la propriété d’Eliane et Jean Claude Fedon. Il a été installé sans problème avec la mairie.
Photo 4 :La chapelle de Font Loraud, contruite par Daniel Moulinet et un ami, dans les années 1990.
Voilà un beau reportage plein de fraîcheur en ces temps d'élections municipales et cantonales où l'humour n'est que bien rarement au rendez-vous.
RépondreSupprimerLes nombreux rond-points de notre département sont occupés par des réalisations artistiques qui ne nécessitent pas autant d'attention.
Alors, le coup du dolmen dans le jardin ne fait de mal à personne et bien au contraire, force le respect par le travail effectué, interroge nos souvenirs historiques bien lointains.
Le "grand Poucet" a laissé échapper quelques cailloux : la belle affaire !
Comme vous le dites, Nicole, les tribunaux sont bien encombrés pour s'embarasser d'une telle affaire !
Alors, il vaut mieux en sourire et... parler, ce qui me semble être élémentaire mais oublié.