En mélangeant les genres, c’est-à-dire ancien et moderne, le musée Dupuy Mestreau (Saintes, Charente-Maritime) a été le centre d’une polémique durant les vacances. Conséquence : un coup de publicité énorme ! Le nombre d’entrées, généralement de 3 000 par an, est passé à 5 000 en trois mois…
« L’art s’est déplacé de l’objet spécialisé en galerie vers l’environnement urbain réel » remarquait dans les années 1960 Allan Kapprow. Il fut l’un des premiers artistes à imaginer l’art dans la ville comme une facette incontournable. À Saintes, la municipalité a offert une variante à cette déclaration. Le temps de l’été, le musée Dupuy Mestreau, bel édifice du XVIIIe abritant des collections anciennes, est devenu le théâtre d’une exposition du Street Art. Une vingtaine d‘artistes ont relevé le défi, partant à l’assaut de cette forteresse historique, haut lieu des traditions saintongeaises. La consigne ? Valoriser les lieux et les rendre en l’état sans altérer l’existant.
Tout voir et ne rien dire !
Chaque artiste est donc intervenu selon sa sensibilité, plaçant ici un objet dans une vitrine, là un tableau dénudé en clin d’œil à La Montespan ou en aménageant une salle entière, comme l’ont fait La mémoire industrielle ou Easioner. L’espace s’est ainsi transformé au rez-de-chaussée en allée taguée de métro londonien ou bien encore en chaise aérienne trônant dans sa toile d‘araignée en haut de l’escalier.
Les uns ont aimé, les autres un peu moins. Conséquence, ils ont crié leur indignation sur les réseaux sociaux. Pire, la photo d’une Saintongeaise assiégée en son intimité a suscité une “viol“ente émotion. Il y a maintenant prescription !
Sympa, la Saintongeaise !
Après l’art de la rue, les trésors de Saint-Pierre
C’est samedi qu’avait lieu le dévernissage, comme un dernier tango pour découvrir ou redécouvrir cette exposition. Parmi les visiteurs, une jeune femme a répondu à l’invitation de son fils : « J’habite ici depuis vingt ans et je n’avais jamais mis les pieds dans ce musée. Inside walls me plaît, c’est une démarche intéressante ». Son ami bristish y voit une coquine provocation dont sont friands nos voisins d’Outre-Manche.
Non loin, Marlène Lis, l’épouse du célèbre journaliste et écrivain, est venue profiter du décor : « Si j’aime l’univers d’Andy Warhol, je suis contre ce qui détruit la beauté. J’ai vu des artistes talentueux, mais je ne pense pas que leur place soit ici, au milieu d’objets anciens. La cohabitation n’est pas très heureuse. Il faudrait que cet art de rue puisse disposer d’une maison à part ».
Des visiteurs profitent du dernier jour de l'exposition
Sylvie Barre, maire adjointe à la culture, est plutôt satisfaite. Après avoir frôlé le bûcher pour hérésie culturelle, elle tient sa revanche : « nous avons réalisé 5 000 entrées en trois mois quand le musée en totalise 3 000 sur l’année. C’est un succès. Toutefois, je comprends que la confrontation entre deux esthétiques ait suscité le débat ». Et sans ce fameux débat, moins de tapage et finalement moins de curiosité déployée. Ceci dit, l’entrée du musée était gratuite !
L’an prochain, la mairie et la directrice des musées, Séverine Bompays, évolueront dans une sphère moins sujette à contestation. Enfin réunis, les trésors de la cathédrale Sainte-Pierre seront exposés. Voilà qui devrait apaiser les esprits !
Un atelier pour s’exprimer et initier
En ce dernier jour, les jeunes, en grand nombre, arpentent les galeries à la recherche de l’objet anachronique. Ils s’attardent devant le théâtre en carton, dont le décor reprend des détails du musée, et s’exclament devant les roues du cycle d’or.
Des artistes sont présents. Parmi eux, Thibault Easioner est l’un des plus connus sur la place saintaise. Il travaille désormais pour Aristoï Gallery fondée par Jean-Baptiste Geffroy. « J’étais fonctionnaire et j’ai tout laissé tomber pour me lancer dans cette activité » souligne ce dernier.
S’il a apprécié l’expérience estivale du musée Dupuy Mestreau, Thibault aimerait que les membres du Street Art saintais puissent bénéficier d’un atelier où seraient proposés stages et initiations. « Il s’agirait d’un lieu de création, d’un endroit plus personnel ». En sachant que les réalisations ne sont pas faites pour s’incruster car il s’agit d’un art en mouvement.
Thibault Easioner
Sa devise ? « Briser la grisaille urbaine par la couleur ! ». Dans la région, il a réalisé une fresque pour le 27e festival d’Humour et Eau salée à Saint-Georges de Didonne et à Montendre, il a personnalisé mobilier et vêtements avec une bande de copains au Free Music. Les 13 octobre et 14 octobre de 10 heures à 20 heures, graffeurs et tagueurs se réuniront à Saintes sur le site Saint-Louis. Le public est invité à dialoguer avec eux. « Je vis aujourd’hui de mon travail et j’ai eu la chance de rencontrer Jean-Baptiste. On se sent moins seul quand on est soutenu ! » avoue-t-il.
Toto, il dessine depuis toujours !
Toto Vicario fait partie des Zindé’Scriptibles. Ils se décrivent ainsi : « Collectif composé essentiellement de créatifs. Le génie de chacun de ses membres pousse souvent à l’incompréhension du monde extérieur. Cependant, leur folie créative ne résulte que d’une forte motivation. Les savants du collectif, plus communément nommés “Les Zindés“, n’ont que pour seule folie leur soif de travail et d’apprentissage ».
Toto dessine de longue date. Depuis le lycée, sur la lisière des cahiers : « c’est mon plaisir » dit-il. Lui aussi souhaiterait un point d’ancrage. Il vient d’exposer à la galerie du Centre Leclerc et comme l’œuvre ne nourrit pas son homme, il aimerait devenir tatoueur. Une autre façon d’imaginer des motifs, sur la peau cette fois-ci !
Les histoires d'une chaise perchée !
Bref, Inside Walls est une exposition dont on se souviendra. Par l’étonnement qu’elle a provoqué, qu’il soit bon ou mauvais. Loin de toute uniformité et de l’ennui qui va avec !
Reportage Nicole Bertin
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