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jeudi 15 novembre 2007
Michel Édouard Leclerc : "les hausses de prix des industriels sont scandaleuses"...
«Imaginez un entrepreneur qui a des idées et qui ne se gêne pas pour les exprimer. Au regard des résultats de son entreprise, il est interrogé par les médias et devient le poil à gratter de son secteur d’activité, la grande distribution. Or, l’évolution du traitement de l’information par les grands médias permet de moins en moins de développer des arguments à l’appui des prises de position. C’est trois minutes à la télévision pour traiter le problème des OGM ou quelques lignes dans la presse sur le pouvoir d’achat » : ainsi s’exprime Michel Édouard Leclerc, président des centres Leclerc, dans son blog «de quoi je me M.E.L». Dans l’entretien qui suit, il remarquera qu’en province, les hebdomadaires offrent des espaces d’expression non négligeables... Avec lui, nous abordons différents sujets liés à la baisse du pouvoir l’achat, la réforme de la loi Galland, les biocarburants, la hausse des prix du laitet des céréales...
Comment se porte le groupe Leclerc sur le plan européen ?
Leclerc se porte bien. En France, le groupe a réalisé plus de trente milliards d’euros de chiffres d’affaires et créé 3.000 emplois en 2006. Les effectifs, sous son enseigne, sont de 85.000 salariés répartis dans 600 magasins indépendants. Notre implantation reste encore à dominance hexagonale. Néanmoins, une centaine de gros supers et d’hypers portent nos couleurs en Espagne, au Portugal, en Slovénie, Italie et Pologne. Pour nous, le plus important est d’être bien placés au niveau des prix en France. C’est sans doute ce qui nous vaut d’être l’entreprise préférée des Français, d’après un récent sondage Ipsos.
Vous faites actuellement une campagne nationale contre la baisse des prix. Quelles nouvelles mesures le Gouvernement pourrait-il prendre ?
La hausse des matières premières agricoles, lait et céréales, est incontournable.
Aujourd’hui, vu la faiblesse des marges des producteurs, cette hausse des cours doit être répercutée sur le consommateur. C’est vital pour les économies régionales. Elle permettra aussi aux agriculteurs d’investir dans des conditions de production plus écologiques que tout le monde réclame. C’est d’autant plus vrai que la PAC, dans les dix ans qui viennent, va diminuer les revenus assistés, autrement dit les subventions. Il faudra bien trouver un moyen pour que nos agriculteurs puissent vivre du prix de leurs denrées. Dans ce contexte, les prix agricoles bruts vont donc augmenter. Il n’y a rien de choquant à cela, je crois que c’est une nécessité quitte à ce que l’État, pour les revenus les plus modestes, contribue par des allocations à compenser cet effet négatif.
En revanche, s’agissant des produits transformés par l’industrie agro-alimentaire et par l’industrie en général, je conteste les hausses qui ont été annoncées aux centrales d’achat. Je les trouve même scandaleuses. C’est la raison pour laquelle j’en ai publié quelques-unes dans les journaux. Prenez, par exemple, un détergent comme Ajax qui a augmenté de 19 %, l’eau aquarelle de Nestlé qui frise les mêmes hausses ou encore des confitures et des compotes dont l’augmentation tarifaire, proposée pour 2008, tourne autour de 15 et 20 %. C’est du délire ! Ces industriels utilisent le prétexte de la hausse des matières premières pour engranger des marges. Il suffit d’ailleurs de lire leur communication en bourse pour s’apercevoir que c’est leur vraie motivation. Des groupes alimentaires, comme Bonduel ou Lactalis, ont écrit à leurs actionnaires ou leurs coopérateurs qu’ils envisagent une augmentation de leurs profits en 2008 et que des hausses seraient appliquées dans cet objectif-là. Nestlé, quant à lui, a annoncé un doublement de ses bénéfices. Sa marge nette actuelle est de 12 %. Le président Peter Brabeck voudrait doubler ce bénéfice en cinq ans. Franck Riboub, du groupe Danone, n’a pas fait mystère qu’il voulait se constituer une cagnotte pour acheter d’autres groupes en Europe.
Je ne conteste ni leur stratégie, ni leur dynamisme et encore moins leur capacité à monter ces opérations. Cependant, il faut arrêter de faire croire que ces hausses de tarifs découlent de l’augmentation des prix agricoles ! La Coordination rurale du Sud Ouest l’a compris en dénonçant leur attitude. Dans un communiqué, elle explique que l’impact réel des dernières hausses du prix du lait sur les crèmes dessert est de l’ordre de 1,4 % et non pas 14 %...
Le Gouvernement ne devrait-il pas intervenir auprès de ces groupes pour les mettre en garde, une hausse excessive du prix des denrées “ordinaires“ (pain, lait, etc) pouvant entraîner une crise sévère auprès des revenus les plus modestes...
Personnellement, j’ai publié les hausses des tarifs des fournisseurs pour montrer, principalement à la classe politique, qu’il fallait qu’elle arrête de parler de baisse des prix. Si elle veut augmenter le pouvoir d’achat, elle doit prendre le taureau par les cornes en réformant le système français de la concurrence. D’une part, la formation des prix est une chaîne qui n’est pas assez transparente, d’autre part, les acteurs économiques se retranchent toujours derrière les barrières de la réglementation ou des situations particulières pour refuser d’être mis en concurrence les uns par rapport aux autres.
À mon sens, la baisse des prix ne pourra venir que d’une concurrence renouvelée.
Contrairement à l’image qu’elle veut donner, La France ne se bagarre pas pour les prix. Nous sommes quelques-uns à mener la bataille, mais dans de nombreux secteurs, se trouvent des planqués de la concurrence et les consommateurs paient plein pot les surmarges qu’ils pratiquent. C’est pour cette raison que Nicolas Sarkozy a demandé à Jacques Attali de repérer les gisements possibles de baisse des prix. Les grandes marques sont trop chères et il faudrait s’attaquer à cette situation rapidement. Pourtant, dans le projet de réforme Chatel, le Gouvernement n’envisage pas la suppression des marges arrières (1). Personnellement, je souhaite qu’on revienne à une discussion des prix et qu’on supprime ces fameuses marges arrières.
Récemment, une réunion s’est tenue à l’Élysée en présence des représentants des industriels, la CGPME et les grands distributeurs. Le président Sarkozy, conscient des enjeux, a fustigé très clairement les hausses exagérées des industriels. Au printemps prochain, après les Municipales, il engagera la réforme de la loi Galland - elle interdit à la grande distribution de revendre à perte - et l’on devrait revenir à la renégociation des tarifs. Il m’a d’ailleurs déclaré, en riant et en me tutoyant : « à partir de maintenant, tu peux arrêter de faire pression sur moi avec tes publicités. Je m’engage et que je sache, quand je m’engage, je tiens mes promesses » !
La grande distribution est répartie en cinq grandes centrales qui assurent 90 % des achats des fournisseurs. Ce monopole n’est-il pas préjudiciable aux équilibres et à la concurrence ?
S’agissant des produits agricoles et des produits faiblement transformés, il n’y a pas cinq, mais une quarantaine de centrales d’achat en France. Les premiers acheteurs de l’agriculture française sont les transformateurs. Vient ensuite l’exportation. La grande distribution se place en troisième position, à égalité avec la restauration.
La distribution ne fait pas à elle seule le cours des produits agricoles. Les centres Leclerc n’ont pas de centrale d’achat nationale de fruits et légumes par exemple. Ils achètent directement auprès de producteurs locaux ou bien ils se regroupent en région pour acheter ensemble un train ou un camion entier de fruits pour économiser les coûts de transport. Ce n’est donc pas le pot de fer contre le pot de terre !
Par contre, s’agissant de négocier avec des groupes comme Cocacola, Unilever, Danone ou Yoplait, la France compte une dizaine de centrales d’achat de la grande distribution, auxquelles s’ajoutent les centrales d’achat de la restauration, Server, Accor. Quelles que soient la puissance et la notoriété que nous avons, la loi nous empêche de négocier nos tarifs car elle nous interdit de vendre à perte. Le tarif d’un fournisseur ne peut pas être remis en cause : c’est une spécificité française.
Les choses sont différentes à l’étranger. Le groupe Leclerc est associé avec d’autres partenaires en Europe. Je suis président d’une coopérative européenne qui regroupe le numéro 2 allemand Rewe, l’italien Conad, les coopératives suisses, le groupe belge Colruyt. Tous mes collègues achètent à des tarifs plus bas que nous et sont libres de fixer leurs prix. Personnellement, je plaide pour ce système-là. Les grands industriels, pour qui la France est une rente, y sont bien sûr hostiles...
La baisse du pouvoir d’achat entraîne-t-elle de nouveaux réflexes d’achat ? L’avez-vous constaté dans vos magasins ?
En effet, on remarque deux points : les effets de mode qui ne sont pas durables et de véritables variations de comportement. Les mouvements de mode concernent les produits technologiques, téléphones portables, appareils photo numérique, ordinateurs, le plus souvent vendus en promotion. Les ventes durent deux ou trois mois pour retomber ensuite. Parallèlement, on remarque que les dépenses alimentaires continuent de décroître dans le budget des ménages. Si on achète moins de nourriture, cela ne veut pas dire qu’on mange moins. On passe plus de temps au restaurant ! De même, en ces périodes de difficulté de pouvoir d’achat, les dépenses de textiles et d’alimentation sont restreintes.
Les Français se sont organisés autour des 35 heures et le temps consacré aux loisirs a généré de nouvelles dépenses, malgré l’augmentation lente des salaires. Désormais, les familles qui le peuvent vont en vacances l’été et l’hiver. Il y a dix ans, elles choisissaient entre la Tunisie et la station de ski. Désormais, elles font les deux et les dépenses de loisirs sont budgétisées par les ménages.
Ayant conscience de ces évolutions, nous avons diversifié, sous l’enseigne de Leclerc, les secteurs du voyage, de la cosmétique, la parapharmacie, l’équipement de la maison.
Michel Edouard Leclerc dit:Si on achète moins de nourriture, cela ne veut pas dire qu’on mange moins. On passe plus de temps au restaurant !
RépondreSupprimerIl voulait sans doute parler des restos du coeur?
Sur le canton de Mirambeau,le responsable de la base alimentaire comptabilise aujourd'hui 78 familles inscrites,soit de 210 à 220 personnes et estime à autant, sinon plus, le nombre d'ayant droit qui ont trop de pudeur pour s'inscrire. Ceci dans la plus grande indifférence de la plupart des municipalités.
Mais,comment peut on en arriver là?
Qui peut m'expliquer?
JP
Et à BLAYE ?
RépondreSupprimerPour la campagne 2007/2008 des Restos du coeur de l'antenne de Blaye,
le premier bilan des inscriptions laisse apparaître une augmentation de 30 % par rapport à l'an dernier.
Soit trente nouvelles familles supplémentaires. Preuve que la détérioration du niveau de vie est
réelle. Au total, ce seront entre 150 et 200 familles qui auront besoin d'un coup de pouce cet hiver.
De plus en plus de familles monoparentales, des jeunes femmes de 20 à 30 ans avec enfants. Les retraités sont également plus nombreux depuis une dizaine d'années. Et la progression s'amplifie !
Et toutes les inscriptions ne sont pas encore comptabilisées. !
L'idée de Coluche est toujours d'actualité.
JP